Situation humanitaire préoccupante à Putumayo, en Colombie
Situation humanitaire préoccupante à Putumayo, en Colombie
BOGOTA, Colombie, 14 juillet (UNHCR) - Le déplacement forcé reste un problème majeur dans le département instable de Putumayo situé au sud de la Colombie, selon un rapport établi par six organisations non gouvernementales locales et internationales. Mais l'agence des Nations Unies pour les réfugiés relève qu'une opposition continue à la violence pourrait laisser place à l'espoir dans la région frontalière.
Le rapport publié à Bogota jeudi dernier s'appuyait sur les conclusions d'une mission de surveillance, menée récemment dans la région de Putumayo, à laquelle l'UNHCR a participé en tant qu'observateur international.
Les auteurs du rapport ont identifié un déplacement forcé et, en parallèle, « l'absence de mécanismes clairs pour garantir la jouissance de divers droits civils et humains ainsi que le ciblage et la persécution de chefs de communauté et de défenseurs des droits de l'homme », comme étant les principales préoccupations humanitaires à Putumayo.
La région est l'un des épicentres du conflit interne en Colombie, avec une présence massive de groupes armés irréguliers et une militarisation de la zone. Elle fait partie des 15 régions prioritaires pour l'UNHCR en Colombie, à cause du taux important du déplacement forcé, à la fois interne et au-delà des frontières vers l'Equateur.
Le rapport a identifié plusieurs groupes extrêmement vulnérables, y compris des enfants confrontés au risque de recrutement forcé par des groupes armés irréguliers, des groupes indigènes ainsi que des femmes risquant de subir la violence et l'exploitation sexuelle. On peut lire par ailleurs que des chefs communautaires, indigènes ou non, risquent fortement d'être stigmatisés et persécutés.
Plusieurs groupes indigènes sont originaires de la région de Putumayo. La violence menace l'existence même de beaucoup d'entre eux, notamment les Cofán, les Siona et les Nasa. Pour les populations indigènes, la perte de leurs maisons mène à une rupture des liens communautaires et spirituels.
« Dans notre cas, il est impossible de parler de déplacement vers un autre endroit, il s'agirait plutôt d'un déplacement à l'intérieur de nous-mêmes », a dit un représentant cofán lors de la publication du rapport. « Quand la spiritualité meurt en nous, nous considérons cela déjà comme un déplacement », a-t-il ajouté.
Mais un haut responsable de l'UNHCR est persuadé que l'espoir reste possible. « Si le panorama général du déplacement en Colombie comportait des zones d'ombre et de lumière, on peut dire que la région de Putumayo ferait plutôt partie des zones d'ombre », a dit Roberto Mignone, le délégué adjoint de l'UNHCR en Colombie.
« Par contre, l'une des zones de lumière est sans conteste composée par les personnes elles-mêmes, les associations d'aide sociale et les associations indigènes qui se battent pour leurs droits », a-t-il ajouté. « Il y a un risque que ces lumières disparaissent aussi, c'est pourquoi il est si important de les accompagner et de faire connaître leur situation. »
L'UNHCR a aussi souligné l'importance revêtue par le rapport, qui représente une source d'information cruciale pour tous ceux qui participent à assurer la protection des personnes déplacées. L'agence pour les réfugiés travaille à Putumayo depuis 2000. Elle aide le gouvernement dans ses efforts pour protéger et assister les personnes déplacées. Avec un bureau de terrain établi à Mocoa, le chef-lieu du département, l'agence mène fréquemment des missions dans d'autres parties de la région et travaille avec les personnes déplacées et des communautés locales.
Non seulement l'UNHCR procède à une surveillance et fournit des informations ainsi qu'une assistance juridique, mais aussi l'organisation gère plusieurs projets concrets au bénéfice des communautés dans les zones les plus affectées par le déplacement forcé. Par exemple, elle aide à construire et à gérer des pensionnats dans les villages situés le long de la rivière Putumayo, qui permettent d'héberger des enfants déplacés, originaires de communautés isolées, des enfants qui, sinon, ne pourraient pas être scolarisés.
Ces dernières années, le taux de déplacement forcé à Putumayo est environ huit fois plus élevé que la moyenne nationale. La région représente seulement 0,6 pour cent de la population nationale, mais elle compte cinq pour cent de tous les cas enregistrés de déplacement forcé en Colombie.
Les ONG ayant participé à la rédaction de ce rapport sont MINGA (Associación para la Promoción Social Alternativa) ; Comisión Intereclesial de Justicia y Paz ; CODHES ; Coalicación contra la vinculación de niños, niñas y jóvenes al conflicto armado en Colombia ; Mesa de Trabajo Mujer y Conflicto Armado ; Pastoral Social Caritas Colombia/Catholic Relief Services.
Par Marie-Hélène Verney à Bogota, Colombie