Les personnes déplacées en Ouganda confrontées à des difficultés psychologiques avant le retour chez elles
Les personnes déplacées en Ouganda confrontées à des difficultés psychologiques avant le retour chez elles
SITE D'ADONGKENA, Ouganda, 21 mai (UNHCR) - Les pourparlers de paix entre le Gouvernement de l'Ouganda et les rebelles de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA) suscitent l'espoir des personnes déplacées dans le district de Pader, au nord du pays, qui souhaitent que leurs longues épreuves soient enfin terminées.
La majorité de la population du district - que l'on estime à plus de 320 000 personnes selon un recensement effectué en 2002 - a été déplacée par les combats. Toutefois, depuis le lancement en juillet 2006 de pourparlers de paix visant à mettre fin à 21 ans de guerre civile, la situation sécuritaire s'est améliorée ; il est maintenant possible de voyager sans escorte armée et les déplacés internes commencent lentement à quitter les sites d'accueil et à regagner leurs villages d'origine.
« La situation sécuritaire a évidemment énormément progressé, mais le pays n'est pas complètement sûr », a dit John Holmes, le Sous-secrétaire général des Nations Unies pour les affaires humanitaires, lors d'une visite dans le nord du pays la semaine dernière. « Ici, les gens commencent à rentrer chez eux ; c'est une très bonne nouvelle. Nous pouvons faire en sorte que cette histoire se termine bien », a-t-il ajouté, tout en notant que beaucoup d'infrastructures faisaient défaut.
Nombre de personnes, comme Palma Lanyom, sont déchirées entre le désir de rentrer chez elles et la crainte que les événements prennent à nouveau une mauvaise tournure, et que leurs vies ne soient, une fois encore, bouleversées. Les violences endurées par le passé restent des souvenirs très vifs pour les victimes.
Palma Lanyom a récemment rencontré des employés de l'UNHCR en visite sur le site de déplacés d'Adongkena, dans le sous-district de Puranga, près de Pader, qui était au coeur du théâtre opérationnel de la LRA. Sa maison n'est qu'à quelques kilomètres, mais y retourner maintenant comporte des difficultés d'ordre psychologique et pratique.
« La vie est quelque peu meilleure maintenant, nous avons un peu de nourriture, les enfants sont moins malades, mais nous voulons rentrer à la maison », indique Palma Lanyom, en berçant un bébé sur sa hanche pendant qu'un enfant vêtu de haillons se tient à ses côtés et regarde les visiteurs avec de grands yeux. « Ici nous avons une école située à proximité, mais si nous rentrons [chez nous], les enfants devront beaucoup marcher pour aller à l'école », remarque-t-elle, pesant le pour et le contre.
Elle aurait pu aussi ajouter le manque d'infrastructure ou de services de base dans son village natal ainsi que le danger des mines anti-personnel dans les champs, après des années de conflit. « Les gens sont très, très prudents vis-à-vis de la situation sécuritaire. Même maintenant, il y a des mines et des munitions dispersées sans marquage approprié », indique Jimmy Ogwang, un employé de terrain de l'UNHCR.
Il faudra du temps pour restaurer la confiance, dit-il. « Leurs maisons ne sont pas loin d'ici, mais il n'y aura rien sur place tant qu'ils resteront ici. Vous ne pouvez pas construire des écoles et des centres de santé si les gens ne sont pas là », explique Jimmy Ogwang. « Mais ils ont appris que la sécurité implique de rester groupé dans des lieux sûrs. »
Alors qu'elle doit décider si elle va rentrer ou pas, Palma Lanyom garde aussi en tête le traumatisme qu'elle a subi avec son mari lorsqu'ils ont été enlevés par la LRA en 2001. Leurs voisins font des récits semblables et ils ont les mêmes problèmes.
« On s'est déplacé toute la journée. Ils m'ont fait porter de lourdes charges ; ils m'ont frappée avec leurs chaussures et battue. Quand nous nous sommes arrêtés pour la nuit, j'ai pleuré car j'avais peur de perdre mon bébé », explique avec hésitation Palma Lanyom, devant l'une des cabanes couvertes de chaume qu'abrite Adongkena.
« Cette nuit-là, j'ai cru que j'allais mourir, mais au matin ils m'ont relâchée », ajoute cette femme visiblement marquée par les épreuves et dont le mari a enduré près de deux années de souffrances et de tortures dans la brousse. Il est aujourd'hui hospitalisé pour des problèmes à la poitrine et incapable de travailler.
Jimmy Ogwang de l'UNHCR raconte comment Pader a été durement touché par les enlèvements organisés par la LRA. « En 2005, la situation était toujours très difficile ici et les enfants kidnappés ont commencé à intervenir dans la zone. C'était une situation pénible ; il était difficile de dire qui était qui, qui faisait quoi, à qui était liée telle ou telle personne. »
Les organisations internationales de défense des droits de l'homme estiment que la LRA a enlevé 30 000 enfants depuis 1987, pour en faire des soldats ou des esclaves sexuels. Jimmy Ogwang raconte que les forces armées ougandaises ne se sentaient pas en sécurité à Pader et ne pouvaient pas faire confiance aux habitants du lieu.
Les pourparlers de paix font naître un grand espoir. « Nous attendons les résultats, nous sommes si impatients », déclare Jimmy Ogwang. Non loin de là, un groupe de personnes âgées et Palma Lanyom hochent la tête et laissent échapper un murmure d'approbation.
Dans l'intervalle, l'UNHCR continue à venir en aide aux déplacés du nord de l'Ouganda. L'agence poursuit également le retour organisé, volontaire et durable des déplacés dans leurs régions d'origine.
Par Peter-Bastian Halberg, depuis le site de déplacés d'Adongkena, en Ouganda