Fermer sites icon close
Search form

Recherchez un site de pays.

Profil du pays

Site web du pays

Pas de trêve de Pâques pour de jeunes déplacés colombiens à Chocó

Articles et reportages

Pas de trêve de Pâques pour de jeunes déplacés colombiens à Chocó

Les enfants déplacés par le conflit en Colombie doivent souvent effectuer des travaux dangereux, comme l'exploitation forestière, pour assurer leur quotidien malgré la législation visant à les protéger.
20 Mars 2008 Egalement disponible ici :
De jeunes bûcherons manoeuvrent des radeaux à l'aide de perches, dans la forêt tropicale de Choco.

RIO SUCIO, Colombie, 20 mars (UNHCR) - Au nord-ouest de la Colombie, dans la région de Chocó, la plupart des villes voient leur rythme ralentir pour Pâques car les habitants partent à la campagne pour des réunions de famille ou vers la côte pour prendre quelques jours de repos.

Dans la ville délabrée de Rio Sucio, Pâques n'est pas synonyme de repos pour José Alexander, âgé de 14 ans. Il va passer les prochaines semaines au loin, en amont de la rivière, dans une unité d'exploitation forestière de la vaste forêt de Chocó pour pouvoir gagner suffisamment d'argent et assurer le quotidien de ses cinq frères et soeurs.

Ils sont arrivés dans ce dédale de maisons en bois et de rues boueuses avec leur mère il y cinq ans, après avoir fui leur village natal. Depuis, leur mère a disparu, les abandonnant à eux-mêmes. Des voisins bienveillants hébergent les plus jeunes enfants, quand Jose Alexander part pour ses expéditions dans la forêt au lieu d'aller à l'école et de préparer son avenir.

L'exploitation forestière est un travail dangereux, mais les opportunités d'emplois sont rares pour les hommes et les jeunes déplacés à Rio Sucio et ses environs. « Une fois que vous êtes dans la jungle, tout peut arriver », a expliqué Jose Alexander. Des groupes armés irréguliers combattent pour le contrôle du territoire et de ses riches ressources naturelles.

Pour le seul mois d'octobre 2007, six jeunes hommes ont été tués à coups de machette et quatre autres ont été blessés durant une attaque menée contre un camp d'exploitants forestiers. Ils étaient tous des déplacés qui avaient accepté ce travail saisonnier car il leur assurait un salaire dont ils ont désespérément besoin.

A la fois la convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant et le Code colombien pour les enfants définissent les droits de tous les enfants dans les domaines de la santé, de l'éducation et des standards de vie, ainsi que leurs droits à être protégés contre l'exploitation par le travail, les travaux dangereux, le recrutement forcé et l'exploitation sexuelle.

Saskia Loochkartt, qui dirige l'Unité des services communautaires pour l'UNHCR en Colombie, a indiqué que les risques de protection, auxquels font face des enfants comme Jose Alexander durant le déplacement, n'étaient pas suffisamment compris ou pris en compte.

« Ces risques doivent être plus clairement identifiés et maîtrisés par les autorités nationales et les agences des Nations Unies présentes », a dit Saskia Loochkartt, ajoutant que « si rien n'est fait au tout début [du déplacement], les risques vont habituellement en se multipliant. » La conséquence importante de l'éclatement de la famille rend les enfants encore plus vulnérables.

Cela sera déjà la troisième fête de Pâques que Jose Alexander passera à abattre des arbres et à convoyer des fûts hors de la forêt. Il ne sait pas qui sont ses employeurs et il n'est pas sûr de l'endroit où il ira. Par contre il sait que le travail sera éreintant.

« Après avoir abattu des arbres, nous transportons les fûts vers la rivière. Parfois, il y a deux jours de marche dans la jungle, puis deux autres jours pour revenir, pour abattre d'autres arbres », a expliqué l'adolescent, qui est heureux car il sera accompagné de deux amis qui ont pratiquement le même âge que lui.

La nuit, ils établissent un camp. Des dizaines de ces petits camps - pas plus que deux ou trois tentes ou des abris recouverts de bâches en plastique - peuvent être vus depuis la rivière. Il y en a de nombreux autres dans la vaste forêt tropicale de Chocó, qui s'étend sur plus de 1 000 kilomètres le long de la côte Pacifique de la Colombie, puis de l'autre côté de la frontière au Panama et au nord vers l'Atlantique.

Les Colombiens appellent cette forêt le poumon du monde, mais celui-ci diminue rapidement. Chaque année, des centaines de milliers d'hectares de cette forêt primaire sont détruits, légalement ou illégalement. Alors que quelques personnes font fortune grâce à l'exploitation forestière, Chocó est aussi la région de Colombie la plus pauvre et l'une des plus durement affectées par le conflit armé et le déplacement forcé.

Après plusieurs semaines de travail, Jose Alexander reviendra à Rio Sucio sur un radeau fait de troncs d'arbres. Le bois pourra par la suite être vendu en Colombie ou exporté. Le jeune homme prévoit déjà ce qu'il fera la première nuit, après son retour en ville. « Je vais m'acheter une nouvelle chemise et j'irai danser », a-t-il dit avec un large sourire.

* Nom fictif pour des raisons de protection

Par Marie-Hélène Verney à Rio Sucio, Colombie