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Un village français donne l'exemple pour l'accueil des réfugiés

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Un village français donne l'exemple pour l'accueil des réfugiés

Pendant quatre mois, les habitants et les bénévoles de Pessat-Villeneuve, petit village du Centre de la France, ont aidé 60 réfugiés évacués de pays en Afrique à construire leur nouvelle vie.
28 Janvier 2019 Egalement disponible ici :
Alfatih (au centre), un réfugié soudanais réinstallé, lors d'un cours de français.

Il est presque cinq heures du soir et les premiers flocons de l’année recouvrent Pessat-Villeneuve. L’atmosphère est calme et un groupe de réfugiés profite d’une pause pendant leur cours de français.


C’est un jour important. Comme le veut la tradition, le maire de la ville, Gérard Dubois, va présenter ses vœux aux villageois et aux réfugiés accueillis lors d’une cérémonie pour la nouvelle année.

Ce petit village du Puy-de-Dôme dans le centre de la France accueille, en plus de ses 653 habitants, 60 réfugiés réinstallés depuis le Niger et le Tchad. Ils sont arrivés il y a quatre mois et habitent dans le domaine du château du village.

Alfatih, réfugié soudanais de 25 ans, est l’un d’entre eux. Il s’amuse à l’extérieur de l’école où il suit depuis son arrivée des cours de français.

« La première chose que j’ai remarquée à Pessat-Villeneuve est la gentillesse des habitants », raconte Alfatih. « Ils nous aident énormément. Pessat-Villeneuve est une ville agréable. »

« Lorsque je suis arrivé là-bas, j’étais complètement épuisé. »

Quatre mois plus tôt, Alfatih était à Goz Beïda, à l’est du Tchad. C’est la première fois qu‘il voit de la neige.

L’an dernier, la France s’est engagée à réinstaller 3 000 réfugiés provenant du Tchad et du Niger, y compris des réfugiés évacués de Libye d’ici la fin 2019.

Les réfugiés vivent actuellement dans le château du village et sont accompagnés par une association locale, CéCler.

Les travailleurs sociaux et les éducateurs de l’association les accompagnent dans les procédures administratives, pour trouver un logement et un travail. Des bénévoles leur apporte une aide dans leur quotidien : pour faire les courses ou pour avoir accès à des activités sportives.

Alfatih a fui le Soudan alors qu’il n’était qu’un enfant. Il avait 10 ans lorsque les milices Janjawid ont attaqué son village et ont tué son père devant ses yeux.

« Un vendredi, mon père était à la mosquée », se rappelle Alfatih. « Ma mère m’a demandé de courir le prévenir que notre village était attaqué. Dans la panique, tout le monde courait dans tous les sens et je n’ai pas pu le trouver. Lorsque je suis retourné à la maison, j’ai vu mon père se faire tuer devant moi. »

Durant l’attaque, Alfatih a été séparé de sa mère ainsi que de ses frères et sœurs.

Les Janjawid l’ont ensuite amené dans la forêt où ils l’ont battu avant de l’abandonner. « J’ai beaucoup pleuré. Je ne savais pas ce que je devais faire. »

Pendant des mois, il erre de village en village afin de retrouver sa famille, sans y parvenir. Il finit par retrouver un oncle qui le prend sous son aile. Ils fuiront ensemble vers le Tchad. Arrivés dans ce nouveau pays, ils sont pris en charge par le HCR, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés, dans le camp de réfugiés de Goz Amer.

« Lorsque je suis arrivé là-bas, j’étais complètement épuisé », raconte le jeune homme. « J’ai continué à être très triste jusqu’au moment où j’ai retrouvé ma mère et mes frères et sœurs. »

Alfatih reprend ses études et passe son baccalauréat soudanais au Tchad. Il suit également des cours d’agriculture.

Plus d’une fois, il a pensé à prendre la route vers la Libye et il en parlait beaucoup avec ses amis, mais il est resté au Tchad.

« Ma mère s’est faite opérer à Goz Beïda », explique Alfatih. « Sa santé n’est pas bonne. Elle est malade du cœur. Parfois ça allait mieux, parfois elle était très malade. Nous n’avons plus de père pour s’occuper de nous, pour nous aider, et nous devons étudier. »

Alfatih était le seul de sa famille à avoir une formation professionnelle mais ses perspectives étaient limitées et la vie était difficile.

« Nous ne pouvions pas retourner au Soudan. Nous étions d’accord : la seule solution était d’aller en Libye pour ensuite tenter le tout pour le tout. Nous devions étudier. Nous étions dans le camp depuis trop longtemps. »

« Beaucoup de mes amis sont partis en Libye. Je ne sais pas où ils sont maintenant. »

Le gouvernement français a réinstallé la mère, les trois plus jeunes frères et sœur d’Alfatih à Dijon. Quant à lui, il a été réinstallé avec sa sœur et son frère à Pessat-Villeneuve.

La réinstallation est une solution pour protéger les réfugiés les plus vulnérables mais aussi pour leur éviter d’emprunter des itinéraires dangereux.

Dans son tout dernier rapport (publié le 30 janvier 2019) sur les itinéraires empruntés par les réfugiés en quête de sécurité, le HCR note que le nombre de réfugiés diminue peut-être dans certains endroits, mais que les dangers de ces périples ne se sont pas atténués.

Ce rapport, intitulé Desperate Journeys ou « Voyages du désespoir », explique comment le taux de mortalité a augmenté pour les personnes traversant la Méditerranée et souligne comment des personnes comme Alfatih ont dû faire face à des risques accrus d'enlèvement et de torture contre rançon, et à la menace de trafiquants avant même de tenter la traversée maritime la plus dangereuse au monde.

« Beaucoup de mes amis sont partis en Libye. Je ne sais pas où ils sont maintenant. »

Toutefois, le rapport identifie que les schémas de mouvement ont changé en 2018. Davantage de personnes ont traversé la mer vers l'Espagne à partir du mois de mai, ce qui en fait le principal point d'entrée en Europe pour la première fois depuis 2008.

Les passeurs ont rendu le voyage plus accessible à un moment où il était devenu plus difficile de passer par la Libye.

L'Espagne, la France et l'Allemagne se sont engagées à réinstaller le plus grand nombre de personnes après leur arrivée en Europe.

Parmi ses recommandations, le rapport appelle à une réponse coordonnée pour le sauvetage en mer, à un soutien accru aux pays où arrivent la plupart des réfugiés et des migrants ainsi qu’à de nouvelles mesures pour que les auteurs de crimes contre les réfugiés et les migrants, y compris les trafiquants et les passeurs, répondent de leurs actes.

Ibrahim, réfugié érythréen de 30 ans, vit également à Pessat-Villeneuve. Il a été réinstallé depuis le Niger vers la France après avoir été évacué de Libye par le HCR.

Il avait auparavant tenté cinq fois la périlleuse traversée en mer depuis la Libye vers l’Europe. Lors de l’une de ses tentatives, le bateau a chaviré. Il est l’un des rares survivants.

« Sur 148 personnes, seulement 20 ont survécu », témoigne Ibrahim. Il s’est accroché avec six autres réfugiés, à un morceau en bois du bateau et ils ont réussi à rester à la surface de l’eau.

Depuis qu’ils sont arrivés à Pessat-Villeneuve, Ibrahim et Alfatih suivent des cours intensifs de français. Ils ont fait beaucoup de progrès même si ça n’a pas toujours été facile.

Maintenant qu’ils sont en sécurité, Ibrahim et Alfatih veulent reprendre leurs études.

Alfatih aspire à devenir docteur ou travailleur social pour aider les autres. Ibrahim veut travailler dans le milieu agroalimentaire.

« Je crois sincèrement que tu peux faire tout ce que tu veux si tu y crois vraiment », soutient Alfatih.

« Ce que j’ai appris de la vie en France, ce qui me marque le plus, c’est qu’ici, je vis dans une démocratie. »

Dans une classe d’école à quelques mètres de là, le maire de Pessat-Villeneuve, Gérard Dubois, termine les derniers préparatifs afin d’accueillir ses convives pour la cérémonie des vœux.

Dans son discours, il passe en revue les temps forts de l’année. Avec fierté, il mentionne l’ouverture du centre d’accueil dans le château pour les réfugiés.

« Je serai toujours là pour défendre notre village, ses intérêts, ses habitants, ses employés, ses responsables municipaux et ses valeurs », déclare le maire. « Je serai le bouclier contre la haine, la xénophobie, le populisme et la médiocrité ».

« Je serai toujours là pour défendre notre commune, ses intérêts, ses habitants, ses agents, ses élus, ses valeurs. Je serai toujours là. Je serai le rempart contre la haine, la xénophobie, le populisme, la médiocrité. »

« Mes chers amis nous sommes en terre gauloise. Avant de goûter aux spécialités qui nous attendent, je vais vous livrer le secret d’une recette, celle de la potion magique de Pessat-Villeneuve, un si grand secret que je vous autorise à la révéler au monde entier. »

 « Vous mélangez un quart de liberté, un quart d’égalité et un quart de fraternité. Un zeste de laïcité est nécessaire. Rajoutez une bonne dose d’optimisme. N’oubliez pas d’arroser copieusement de solidarité. »

« Et devant vos yeux vous obtenez ce que doit être une commune, ce qu’est Pessat-Villeneuve, un lieu plein d’humanité, et ce que nous sommes, collectivement, ensemble, libres, fraternels, solidaires, et tout simplement humains. »