Les veuves du Nigéria trouvent un nouveau départ grâce au lauréat de la distinction Nansen
Les veuves du Nigéria trouvent un nouveau départ grâce au lauréat de la distinction Nansen
Hamzatu Amodu Buba pensait que le mariage de son beau-frère serait une joyeuse fête.
Au lieu de cela, sa vie s'en est trouvée ravagée.
Des insurgés de Boko Haram — qui sème le chaos dans une bonne partie du nord-est du pays depuis plusieurs années — avaient bloqué la route entre deux villages. Usman, son mari instituteur, a été extrait de la voiture.
« Ils lui ont demandé ses papiers, mais il ne les avait pas… Alors ils l'ont abattu, » dit-elle. « Ils sont partis avec la voiture en me laissant au bord de la route avec les épouses de deux autres frères. »
« Il faisait une chaleur d'enfer et on a pensé qu'on allait mourir. »
Hamzatu était enceinte de quatre mois. « Il faisait une chaleur d'enfer et on a pensé qu'on allait mourir. On est resté là sans eau pendant deux heures jusqu'au passage d'un homme en moto. Il s'est dépêché d'aller jusqu'au village suivant pour leur dire ce qui s'était passé et ils sont venus nous chercher. »
C'était il y a quatre ans : « le 6 juin 2013, » dit-elle en se remémorant le jour qui a fait basculer sa vie en un instant.
Vivante, mais désormais veuve de quatre enfants, et bientôt d'un cinquième, Hamzatu voyait se dessiner un avenir bien sombre. Sans éducation formelle, avec peu d'accès à l'argent, les veuves du Nigéria connaissent des heures difficiles lorsque le soutien de famille disparaît soudainement. Trouver comment s'en sortir relève souvent de l'impossible.
La famille du mari d'Hamzatu ne l'a pas laissé tomber, mais le soutien qu'il pouvait lui apporter n'était pas illimité vu qu'ils avaient eux-mêmes une famille à faire vivre.
« Le frère aîné d'Usman m'a prise en charge jusqu'à ce que je donne naissance à mon enfant mais après, il est parti à Kano (la capitale d'un État voisin) et nous avons perdu contact, » raconte-t-elle. « Il a continué sa vie. »
Hamzatu a fini par arriver à Maiduguri, la capitale de l'État de Borno, où elle comptait quelques parents. La vie était difficile, mais comme son mari était fonctionnaire, elle a reçu au début une petite pension de l'État. Mais cette allocation a cessé après six mois.
« C'est une question de bouées de sauvetage — pour retrouver l'espoir. »
Plus tard, d'autres femmes dans sa situation lui ont parlé de la Coopérative des prouesses futures des veuves, créée Zannah Mustapha, le lauréat 2017 de la prestigieuse distinction Nansen du HCR pour les réfugiés. Cette association rassemble les veuves dans le but de leur offrir un soutien collectif et individuel pour reconstruire leur vie.
« Ça suffisait pour trouver un endroit où vivre et redémarrer, » dit-elle.
« C'est une question de bouées de sauvetage, c'est ça que nous voulons faire, aider les gens à gagner leur vie de nouveau, » a expliqué Mustapha lors d'un entretien avec le HCR durant lequel il a exposé les raisons d'être de son organisation. « Une fois qu'ils ont ça, ils retrouvent l'espoir. »
Aliyu Usman, 10 ans et fils d'Hamzatu, a été accepté à l'école primaire de Mustapha qui accueille des orphelins déplacés et des enfants vulnérables victimes de l'insurrection qui sévit depuis le début des années 2000 et dont la violence s'est cruellement intensifiée en 2009. Environ 2,3 millions de personnes ont été déplacées et plus de 20 000 tuées.
Par l'intermédiaire de la coopérative, Hamzatu a pu solliciter un don du Comité international de la Croix-Rouge qui lui a permis de monter un petit commerce de jus de légumes. Elle fabrique aussi les chapeaux traditionnels portés par les hommes dans le nord du Nigéria.
« La vie s'est tellement améliorée, » dit-elle. « Ça reste difficile, mais j'espère maintenant pouvoir économiser et avec le temps, acheter ma propre échoppe pour y vendre les produits que je fabrique… Mustapha nous a tous tellement aidés, il est vraiment bon. »
Mustapha recevra la distinction Nansen lors d’une Cérémonie à Genève lundi 2 octobre.