Des réfugiés rohingya et des villageois viennent en aide aux nouveaux venus dans le besoin
Des réfugiés rohingya et des villageois viennent en aide aux nouveaux venus dans le besoin
CAMP DE RÉFUGIÉS DE KUTUPALONG, Bangladesh – Nasima Khatum avait 10 ans lorsqu'elle s'est réfugiée au Bangladesh en 1992.
Devenu mère depuis lors, elle cuit au feu de bois d'énormes casseroles de riz pour nourrir des réfugiés affamés, rohingya comme elle, qui ont fui la flambée de violence qui a éclaté au Myanmar à la fin du mois d'août.
Aidée par cinq autres femmes bénévoles, elle prépare des portions de riz chaud pour nourrir les 400 à 500 enfants, femmes et hommes les plus nécessiteux parmi ceux qui arrivent par milliers, poussés par les pluies de la mousson.
« Nous n'avons pas d'argent, mais nous pouvons donner notre temps et notre travail. »
[Même si] ça fait 20 ans qu'on est arrivé… on ne pouvait pas rester là à ne rien faire, il fallait qu'on fasse quelque chose pour tous ces nouveaux venus, » dit-elle. « Nous n'avons pas d'argent, mais nous pouvons donner notre temps et notre travail pour aider. On continuera tant qu'il le faudra. »
Nasima fait partie d'une importante force de réfugiés bénévoles auxquels des citoyens bangladeshi prêtent main-forte pour intervenir dans les deux camps officiels établis au sud-est du Bangladesh. En étroite collaboration avec les populations de l'endroit et le HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, ils puisent dans leurs années d'expérience et leur connaissance de l'endroit pour trouver réponse à la crise de réfugiés la plus massive et urgente que la région a connue.
« Quel que soit l'activité considérée, ces bénévoles en sont le pilier et ils sont intervenus dès le tout premier jour en utilisant leurs propres économies, dit Istiaque Ahmed, agent de protection adjoint au camp de réfugiés de Kutupalong établi par le HCR en 1992, l'année où Nasima est arrivée.
« Ils sont allés de porte en porte pour collecter de la nourriture et du riz qu'ils ont préparé dans des cuisines communales… Et ce, avant même que la communauté des donateurs ne réagisse, » constate-t-il. « Cet afflux de réfugiés est d'une ampleur sans précédent et le HCR apporte un soutien financier exceptionnel aux cuisines communales établies par les réfugiés en concertation avec les autorités du camp. »
Au moins 420 000 personnes ont fui le Myanmar voisin depuis le 24 août, pour la plupart vers le sud-est du Bangladesh où ils sont 387 000 à vivre dans des camps de fortune et des sites d'installation spontanés, très souvent en bord de route.
Les nouveaux arrivants sont souvent trempés, les pieds endoloris, épuisés et affaiblis après une semaine de marche, voire davantage, sur des terrains accidentés et à travers la jungle et des cours d'eau en crue. Pour les bénévoles qui travaillent la main dans la main avec les équipes du HCR, venir en aide aux plus vulnérables est une course contre la montre pour tenir la mort à l'écart.
« Nous ciblons les personnes les plus vulnérables, comme les femmes enceintes qui ont perdu leur mari, les personnes âgées et les enfants non accompagnés, » explique Mohamed Hassan, qui était enfant lorsqu'il est arrivé au Bangladesh en 1991 et qui a grandi dans le camp.
Il connaît comme sa poche le labyrinthe des allées du camp où il repère les personnes sur le point de s'écrouler qui attendent dans des écoles converties en abris d'urgence, dans les centres communautaires ou sur le bord du chemin. Ces personnes reçoivent des coupons pour un repas nutritif gratuit — riz, citrouille, plantain ou lentille — qui sauve bien des vies.
« Nous sommes passés par là nous-mêmes, alors nous savons ce que c'est de n'avoir même pas un repas par jour, » ajoute Mohamed, bénévole dans le groupe de soutien masculin, l'un des nombreux comités de bénévoles de Kutupalong et du camp voisin de Nayapara. « Nous faisons tout ce que nous pouvons pour les aider. »
L'aide des bénévoles ne se limite pas à la nourriture. Récemment, Dudu Mia, l'une des bénévoles du comité de protection de l'enfance du camp, a trouvé deux orphelines rohingya en train de pleurer à côté du centre communautaire, Samzida, 17 ans, et sa jeune sœur Yasmin, 16 ans.
Dudu les a amenées directement sous la cabane au toit bâché de Mazuma Begum, une Rohingya mère de cinq enfants, qui avait 20 ans quand elle est arrivée au Bangladesh en 1992. Mazuma a fait de la place aux deux sœurs dans sa cabane d'une propriété impeccable et décorée de tentures lumineuses et de fleurs artificielles.
Des attaquants ont incendié leur maison et massacré leurs parents avant de les chasser, totalement terrifiées. Les deux sœurs ne se sont retrouvées qu’à la frontière du Bangladesh et ne savent pas ce qu'il est advenu des cinq autres enfants de la fratrie. Hébétées de chagrin, elles regardent dans le vide et parlent à peine.
« Elles sont gentilles et douces et c'était ma responsabilité de les prendre sous mon toit, » dit Mazuma qui les a donné des jupes et des châles propres, les nourrit une fois par jour et s'occupe d'elles. Les larmes aux yeux, elle ajoute : « ce sont des orphelines, elles n'ont pas de parents… et pourraient subir des violences sexuelles. »
« Il m'a agrippé, m'a béni et s'est mis à pleurer. »
Le HCR et ses partenaires aident les autorités à mobiliser une action humanitaire massive afin de fournir des abris, de la nourriture et d'autres services aux milliers de personnes qui vivent dans les deux camps officiels, dans les camps informels et les installations spontanées qui ont surgi au milieu.
Les dons privés — des moustiquaires aux vêtements en passant par les seaux, les casseroles, les bougies, le riz, les lentilles, l’huile et les pommes de terre — sont réceptionnés par le responsable du camp. Nur Kamal, l'un des bénévoles du camp, a une méthode simple pour s'assurer que ces dons atteignent bien ceux qui en ont le plus besoin.
« Hier, on est remonté jusqu'au bout de la longue file des nouveaux arrivants, personne n'était allé jusque-là avant. C'est là qu'on a commencé à distribuer les dons en remontant progressivement vers le camp principal, » explique Nur, 35 ans.
Parmi tous les gens qu’il a aidés avec son équipe de 30 bénévoles, hommes et femmes, il se souvient de la réaction d'une personne, un vieil homme sans famille. « Cela faisait plusieurs jours qu'il était là sans la moindre assistance… Quand on lui a donné de la nourriture et d'autres articles, il m'a agrippé, m'a béni et s'est mis à pleurer. Il a dit : ‘Tu es le premier qui soit venu jusqu'ici pour m'aider’. »
Nur voit dans l'action des réfugiés du camp une leçon pour la communauté internationale. « Même quand on n’a rien, on peut quand même aider. »
Votre soutien est requis d'urgence pour aider les enfants, les femmes et les hommes réfugiés au Bangladesh. Merci de faire un don maintenant.