Les personnes âgées rohingya comptent sur les familles pour les porter vers la sécurité
Les personnes âgées rohingya comptent sur les familles pour les porter vers la sécurité
KANJUR, Bangladesh - Ce n'est pas ainsi que Mabia Khatun, 75 ans, avait imaginé sa vieillesse : en tant que réfugiée, enveloppée dans une couverture et transportée pendant 17 jours dans la jungle, pour fuir les violences dévastatrices au Myanmar.
Alors que les pêcheurs bangladais passent près de la couverture en chemin vers leurs bateaux, une main faible émerge pour mendier de l'eau. Lentement, le visage poussiéreux de Mabia émerge, alors que ses fils baissent le bâton de bambou sur lequel la couverture est suspendue.
« Je ne savais pas ce qui se passait parce que j'étais dans la couverture », explique-t-elle. Elle est malade et a soif. Il y a des heures qu'elle a bu pour la dernière fois, et en transpirant abondamment dans la couverture, elle s’affaiblit. « Je suis incapable de marcher, mais pour survivre, je dois lutter. »
On estime que 370 000 réfugiés rohingyas ont fui au Bangladesh depuis le tout dernier épisode de violence dans l'État de Rakhine, au Myanmar, le 25 août.
Contraintes de marcher pendant des jours en quête de sécurité, souvent à travers la jungle montagneuse et les rivières débordantes, les personnes âgées comme Mabia font partie des réfugiés les plus vulnérables qui arrivent dans le pays voisin.
Quand leur village a été incendié, les fils de Mabia l'ont emmenée et ont fui le village. « Nous aimons notre mère, c'est pour cela que nous l'avons portée, même si c'était difficile », explique son fils Ali, qui lutte le long d'un chemin boueux vers le village de Kanjur pour porter Mabia.
Les Rohingyas, une minorité musulmane apatride au Myanmar, ont été victimes de persécutions dans le passé.
« Nous aimons notre mère, c'est pour ça que nous l'avons portée, même si c'était difficile. »
« Cette fois, c'est pire qu'avant », raconte Mabia, alors que deux de ses petits-enfants reposent sur un sac au bord du chemin. Incapables de fuir, les personnes âgées comptent souvent sur leurs proches et leurs voisins pour les porter vers un lieu sûr.
Les grands-pères et les grand-mères traînant leurs petits-enfants le long des chemins et des routes sont un phénomène courant, car les membres plus jeunes de la famille portent de grands sacs de riz ou des casseroles. Affamés et faibles, beaucoup sont soutenus par leurs proches plus jeunes.
Cent mètres plus loin, plus près de la rivière, se trouve Amina, la belle-sœur de Mabia. Elle a 80 ans, porte un foulard jaune vif et est soutenue par deux fils. Elle marche depuis 15 jours depuis son village natal au Myanmar.
« Je devais me reposer, parce que je suis vielle. » Comme Mabia, c'est le pire épisode de violence dont elle se souvienne.
Sur la rivière, une demi-douzaine de pêcheurs sillonnent les eaux. Les pêcheurs font payer jusqu'à 10 000 Taka (123 dollars US) pour faire la traversée du fleuve et se rendre au Bangladesh.
Ceux qui n'ont pas d'argent paient avec des objets de famille précieux qu'ils espéraient épargner pour les générations futures.
Mustafa Khatun, 80 ans, est assis sur une chaise en plastique rouge. Sa famille forte de 25 membres a traversé dans le dernier bateau de la journée et se repose avant les derniers pas vers la route qui mène depuis la frontière aux camps de réfugiés.
« On a vu quatre personnes. Elles étaient assises là, elles n'avaient personne pour les aider. »
Mustafa, ses quatre fils et 17 petits-enfants ont fui Maungdaw il y a 17 jours. « J'ai été portée par mes fils. Ils m'ont portée ici sur cette chaise, avec les bâtons de bambou. » Malgré sa détresse, elle garde le sens de l'humour. « On a même acheté des poulets », plaisante-t-elle.
Mabia et Mustafa sont chanceuses. Au cours du chaos qui a suivi l'attaque de leur village, le fils de Mustafa, Abu Siddiq, raconte qu'il avait vu certains des plus vieux rohingyas assis sur la route, trop fatigués ou malades pour aller plus loin par eux-mêmes. « On a vu quatre personnes vivantes et une morte. »
Il y a un coup de tonnerre sur les collines du Myanmar. Le temps est brumeux. « Elles étaient assises là, elles n'avaient personne pour les aider », dit-il.