Les rapatriés d'Alep mesurent l'ampleur de la reconstruction
Les rapatriés d'Alep mesurent l'ampleur de la reconstruction
ALEP, Syrie – Les rues qui entourent la citadelle médiévale d’Alep portent encore les cicatrices des années de combat qui ont réduit à l'état de gravats des pans entiers de la ville antique. Au cœur même de ces destructions, le crépitement de grillades et un parfum d'agneau grillé venus d'une contre-allée témoignent pourtant des tentatives de retour à la vie normale.
Cela fait plus de 50 ans que la famille d'Abou Ahmad vend des brochettes de viande grillée aux visiteurs et aux touristes dans son échoppe proche de la citadelle. La famille est totalement identifiée à son commerce, car ‘Al-Shawa’ signifie ‘maître de la grillade’ en arabe. Abu Ahmad a été déplacé pendant quatre ans pendant la pire période de combat.
« Les affaires tournent encore au ralenti, mais par fierté pour le commerce familial, je voulais rouvrir dès que la situation était suffisamment sûre, » explique Abou Ahmad. La distribution d'électricité reste aléatoire, voire inexistante dans une bonne partie de la ville, c'est pourquoi il fait ses grillades à l'extérieur sur un barbecue installé devant sa boutique en ruines.
Alep était la ville la plus peuplée de Syrie avant le conflit.
Avec plus de quatre millions d'habitants avant le conflit, Alep était un carrefour économique et la ville la plus peuplée de Syrie. Des années de féroces combats ont laissé d'immenses dégâts dans une bonne partie de la ville, détruisant des infrastructures vitales, réduisant à néant les écoles et les hôpitaux et déplaçant des centaines de milliers de personnes contraintes de fuir leurs foyers.
Selon les estimations, quelque 440 000 déplacés originaires d’Alep seraient retournés vers la ville et les quartiers avoisinants. Ils seraient environ 300 000 à être rentrés à Alep-Est où se sont déroulés certains des pires combats du conflit syrien.
Nombre de ceux qui rentrent chez eux ont été déplacés pendant des années et retrouvent à leur retour des maisons endommagées dans des quartiers sans eau ni électricité, tout simplement parce qu'ils n'ont pas d'autre choix. Globalement, le pays offre encore un tableau pitoyable. Plus de 6 millions de syriens sont toujours déplacés, dont plus d'un million de personnes qui ont dû fuir leurs foyers l'an dernier uniquement.
Le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, et ses partenaires viennent en aide à ceux qui ont choisi de rentrer à Alep depuis la cessation des combats pour leur permettre de prendre un nouveau départ. L'aide prend diverses formes : des matériaux de construction pour la remise en état des logements, des services médicaux mobiles, des distributions de matelas et de couvertures et une assistance juridique pour l'enregistrement des naissances et les documents d'état civil.
Dans certains des quartiers les plus dévastés d'Alep-Est, les habitants font état d'infestations de rongeurs vivant dans les gravats, ce qui pose un réel risque de santé publique. « Nos enfants ont peur de sortir à cause de tous les rats et des souris, » a déclaré un résident.
Le HCR coopère avec Namaa pour fournir aux habitants du matériel de protection, des pesticides respectueux de l'environnement et une formation pour s'attaquer au problème.
Dans l'ensemble du pays, le nombre élevé d'enfants n'ayant plus accès à l'éducation constitue un autre problème majeur. Selon les estimations, il pourrait y avoir jusqu'à 1,75 million d'enfants déscolarisés, auquel s'ajoute 1,35 million de jeunes qui risquent d'être contraints d'abandonner leurs études.
Abdoullah, 17 ans et originaire d’Al-Hader, une ville rurale au sud d'Alep, n'a pas suivi le moindre cours depuis deux ans, l'intensité des combats ayant entraîné la fermeture des écoles de la zone. « Je veux juste finir mes études pour avoir une chance de trouver un bon travail et vivre dignement, » dit-il.
Un ami lui a parlé de l'un des 15 centres communautaires financés par le HCR à Alep-Est où des cours de rattrapage, en maths, physique et biologie sont dispensés aux adolescents pour les aider à se préparer aux examens de fin d'études secondaires.
Trois matinées par semaine, Abdoullah doit faire deux heures de trajet en minibus pour rejoindre la ville et assister à ses cours et il espère pouvoir passer ses examens d'ici la fin de l'année. « Après deux ans sans cours, j'ai eu beaucoup de difficultés, surtout en maths. Il fallait que quelqu'un m'explique parce que mes parents ne sont pas capables de m'enseigner ces matières. »
Même si les combats ont cessé à Alep, les rapatriés savent qu'il faudra plusieurs années avant de revenir à une vie normale.
Installé devant sa boutique vide à préparer ses brochettes d'agneau, Abou Ahmad montre d'un signe de la main les maisons rasées qui entourent l'ancienne citadelle et dit en soupirant : « détruire, c'est facile, mais rebâtir c'est difficile. Il faudra longtemps pour qu'Alep se remette de tout cela. »