Massacre dans un camp de réfugiés au Burundi
Massacre dans un camp de réfugiés au Burundi
BUJUMBURA, Burundi, 16 août (UNHCR) - Les centaines de douilles éparpillées autour des bâches en plastique brûlées révèlent la violence de l'attaque contre le camp de transit de Gatumba. Cette attaque a surpris les réfugiés dans leur sommeil dans la nuit du vendredi 13 août. Des hommes armés de machettes, d'armes automatiques, de grenades et de torches ont envahi le camp en tapant sur des tambours et en chantant « Hallelujah ». A la suite de cette attaque, 147 congolais, pour la plupart des femmes et des enfants, ont trouvé la mort. Trois autres parmi les plus de 100 blessés sont décédés à l'hôpital.
Certains corps ont été mutilés et décapités. D'autres ont été brûlés, les rendant méconnaissables. Certains crânes ont été fracassés. Les mères ont été tuées alors qu'elles tentaient de protéger leurs enfants avec leur corps. Une base militaire burundaise proche a également été attaquée, mais une installation pour 300 ex-réfugiés burundais rentrés de RDC, a été épargnée.
Le personnel de l'UNHCR et les autres humanitaires qui se sont rendus sur les lieux des massacres au lever du jour ont trouvé des survivants traumatisés, bouleversés, pleurant dans les bras les uns des autres. L'odeur putride des cadavres et des abris brûlés continuait d'envelopper le camp qui avait été le refuge provisoire de quelque 860 réfugiés ayant dû fuir les violences récentes en RDC.
Le Haut Commissaire Ruud Lubbers a qualifié ce drame « d'effroyable massacre de civils innocents ». Il a lancé un appel d'urgence au gouvernement burundais, réitérant les demandes répétées de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, afin qu'il permette l'installation d'un autre camp pour les réfugiés congolais arrivés dernièrement.
Lundi, l'UNHCR a reçu confirmation que le gouvernement burundais avait donné son accord pour l'installation d'un camp sûr à l'intérieur du pays pour ces réfugiés. Zobida Hassim-Ashagrie, Directrice adjointe du bureau Afrique de l'UNHCR à Genève, est partie hier soir pour Bujumbura afin de transmettre un message de Ruud Lubbers au Président du Burundi, demandant que des mesures immédiates soient prises pour mettre les réfugiés à l'abri de toute agression.
Gatumba, situé à mi-chemin sur la route entre la capitale du Burundi, Bujumbura, et la ville frontalière de RDC, Uvira, est l'un des trois camps de transit à la frontière ouest du Burundi accueillant quelque 20 000 Congolais qui ont fui une rébellion dans la province du Sud Kivu en RDC en juin dernier. Le soulèvement avait été conduit par des officiers mécontents de l'armée du gouvernement transitoire installé en 2003 après un accord de paix qui avait mis fin à cinq années de guerre civile en RDC.
Ces officiers protestaient contre de prétendus mauvais traitements des Banyamulenge, un groupe ethnique Tutsi. Ils disent que le gouvernement de RDC n'a pas fait suffisamment pour arrêter les harcèlements des Banyamulenge par les rebelles Rwandais hutus, qui ont été accusés d'avoir participé au génocide de 1994 des Tutsis au Rwanda et qui opèrent en toute impunité dans l'ouest de la RDC. La plupart des Congolais qui se sont réfugiés à Gatumba sont des Banyamulenge.
Dès le début de l'afflux des réfugiés, l'UNHCR a fait connaître ses préoccupations en matière de sécurité le long de cette zone frontière où les rebelles du Burundi et des éléments armés de RDC opèrent régulièrement. Le 2 août, l'Agence pour les réfugiés a commencé à transférer les Congolais dans les camps de réfugiés de Gasorwe plus loin à l'intérieur du Burundi. Mais dans le camp de Gasorwe s'entassent déjà 8 000 Congolais qui étaient arrivés au Burundi alors qu'il était prévu pour seulement 1 000 personnes.
Il y avait également de la résistance de la part des réfugiés eux-mêmes qui souhaitaient rester près de la frontière afin de surveiller les biens qu'ils avaient laissés derrière eux. Les officiels de la RDC encourageaient les réfugiés à rester où ils étaient, affirmant que la situation au Kivu était stabilisée, et qu'il était temps pour eux de rentrer pour aider à reconstruire le pays et participer aux élections en octobre 2005.
A plusieurs reprises, des officiels de haut rang de la RDC ont visité les camps. La veille de l'attaque, Azarias Ruberwa, l'un des quatre vice-présidents de la RDC, a visité les camps de transit pour demander une fois de plus aux réfugiés de rentrer pour prouver que le processus de paix était sur la bonne voie dans leur pays.
Certains humanitaires disent que les visites très médiatisées des officiels de la RDC ont pu susciter cette attaque qui n'est pas sans rappeler le génocide du Rwanda il y a dix ans au cours duquel plus de 800 000 personnes, en majorité tutsies, ont été massacrées.
Le FNL, ou Forces pour la Libération Nationale, a revendiqué publiquement la responsabilité de ce massacre. Le FNL, composé de membres de l'ethnie hutue, est la seule faction rebelle à ne pas avoir signé l'accord de paix mettant fin à la guerre civile, déclenchée au Burundi après l'assassinat du premier Président hutu élu démocratiquement en 1993. Cette faction veut manifestement démontrer qu'elle demeure une force au Burundi. D'autres indications montrent que le Interahamwe rwandais qui était également impliqué dans le génocide rwandais a participé à l'effroyable assaut contre le camp de Gatumba depuis des bases en RDC.
L'Agence des Nations Unies pour les réfugiés a déplacé les 500 survivants de la tuerie de Gatumba dans une école proche et une centaine d'autres se sont rendus par leurs propres moyens à Bujumbura pour trouver un abri. « Nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir pour protéger les réfugiés », a déclaré un membre de l'équipe de l'UNHCR. Mais cela n'a pas suffi dans cette région où les gouvernements ont si peu de contrôle sur des forces ne reculant devant aucune forme de violence à l'encontre de civils innocents pour atteindre leurs objectifs.