Note sur le non-refoulement
Note sur le non-refoulement
EC/SCP/2
Introduction
1. L'élément essentiel du statut des réfugiés et de l'asile est la protection contre le retour dans un pays où l'intéressé a des raisons de craindre la persécution. Cette protection s'exprime dans le principe du non-refoulement qui, comme on le verra plus loin, est largement accepté par les Etats.
Base juridique du non-refoulement
2. Le principe du non-refoulement a été défini dans plusieurs instruments internationaux relatifs aux réfugiés, aux niveaux universel et régional.
3. Au niveau universel, il convient de mentionner avant tout la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés qui, au paragraphe 1 de son article 33, dispose que
« Aucun des Etats contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. »
4. Cette disposition est l'un des articles fondamentaux de la Convention de 1951, et peut faire l'objet de réserves. Elle revêt également un caractère obligatoire en vertu du paragraphe 1 de l'article premier du Protocole de 1967. A la différence d'autres dispositions de la Convention, son application ne dépend pas de la résidence légale d'un réfugié sur le territoire d'un Etat contractant. Les mots « où sa vie ou sa liberté serait menacée » ont fait l'objet de diverses discussions. Il semble, d'après les travaux préparatoires, que l'on n'ait pas voulu leur donner une signification plus restrictive qu'aux mots « craignant avec raison d'être persécutée » qui figurent dans la définition du terme « réfugié » au paragraphe 2 de la section A de l'article premier. Une rédaction différente a été adoptée pour une autre raison, à savoir que l'on voulait bien préciser que le principe du non-refoulement s'appliquait non seulement au pays d'origine mais à tout pays où une personne a des raisons de craindre la persécution.
5. Le fait que 70 Etats soient déjà devenus parties à la Convention de 1951 sur les réfugiés et/ou au Protocole de 1967 montre bien que le principe du non-refoulement exprimé au paragraphe 1 de l'article 33 est largement accepté.
6. Toujours au niveau universel, il convient de mentionner aussi la Déclaration des Nations Unies sur l'asile territorial, adoptée à l'unanimité par l'Assemblée générale en 1967. Au paragraphe 1 de son article 3, cette déclaration dispose que :
« Aucune personne visée au paragraphe 1 de l'article premier ne sera soumise à des mesures telles que le refus d'admission à la frontière ou, si elle est déjà entrée dans le territoire où elle cherchait asile, l'expulsion ou le refoulement vers tout Etat où elle risque d'être victime de persécutions. »
7. Au niveau régional, la Convention de 1969 de l'OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés d'Afrique énonce, sous une forme obligatoire, plusieurs importants principes relatifs à l'asile, notamment le principe du non-refoulement. Selon le paragraphe 3 de l'article II
« Nul ne peut être soumis par un Etat membre à des mesures telles que le refus d'admission à la frontière, le refoulement ou l'expulsion qui l'obligeraient à retourner ou à demeurer dans un territoire où sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté seraient menacées pour les raisons énumérées à l'article 1, paragraphes 1 et 2. »
8. De même, le paragraphe 8 de l'article 22 de la Convention américaine sur les droits de l'homme adoptée en novembre 1969 dispose que
« Un étranger ne peut en aucun cas être expulsé ou renvoyé dans un pays, que ce soit ou non son pays d'origine, si son droit à la vie ou à la liberté personnelle risque d'y être violé poux des motifs fondés sur sa race, sa nationalité, sa religion, sa situation sociale ou ses opinions politiques. »
9. Dans la Résolution sur l'asile en faveur des personnes menacées de persécution, que le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a adoptée le 29 septembre 1967, il est recommandé aux gouvernements membres de s'inspirer des principes suivants :
« 1. Ils devraient faire preuve d'un esprit particulièrement libéral et humanitaire à l'égard des personnes qui cherchent asile sur leurs territoires.
2. Ils devraient, dans ce même esprit assurer qu'aucune personne ne fasse l'objet d'un refus d'admission à la frontière d'un refoulement d'une expulsion ou de toute autre mesure qui aurait pour effet de l'obliger à retourner ou demeurer dans un territoire où elle serait menacée de persécutions du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. »
10. Enfin, dans les Principes régissant le traitement des réfugiés, adoptés par le Comité consultatif, juridique afro-asiatique à sa huitième session tenue à Bangkok en 1966, il est dit que :
« Aucune personne cherchant asile conformément à ces principes ne peut, sinon pour des raisons majeures de sécurité nationale ou de sauvegarde de la population, être soumise à des mesures telles que le refoulement à la frontière, le renvoi ou l'expulsion, si des mesures devaient avoir pour effet de l'obliger à regagner un territoire ou à y demeurer alors qu'elle a de bonnes raisons de craindre d'y être l'objet de persécutions mettant en danger sa vie, son intégrité corporelle ou sa liberté » (article III, par. 3).
11. En plus des déclarations figurant dans les instruments internationaux ci-dessus adoptés aux niveaux universel et régional, le principe du non refoulement trouve aussi son expression dans les constitutions et/ou lois ordinaires de plusieurs Etats. A cause de son acceptation très large au niveau universel, ce principe est pris en considération de plus en plus dans la jurisprudence et dans les travaux des juristes en tant que principe généralement reconnu de droit international.
Exceptions au principe du non refoulement
12. Si le principe du non refoulement est de caractère fondamental, on s'accorde à reconnaître qu'il peut y avoir des cas où l'on peut légitimement, à titre exceptionnel, ne pas l'appliquer. Ainsi, le paragraphe 2 de l'article 33 de la Convention de 1951 sur les réfugiés dispose que :
« Le bénéfice de la présente disposition [c'est-à-dire du paragraphe 1 de l'article 33 mentionné plus haut] ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. »
13. Pareille exception, fondée sur des facteurs ayant trait à la personne même du réfugié, ne figure pas dans les autres instruments - universels ou régionaux - mentionnés plus haut. Toutefois, l'application d'autres exceptions générales est prévue, par exemple « pour des raisons majeures de sécurité nationale ou pour protéger la population ».1
14. Compte tenu des conséquences graves que peut avoir pour un réfugié le retour dans un pays où il est en danger de persécution, l'exception prévue au paragraphe 2 de l'article 33 ne doit être appliquée qu'avec la plus grande prudence. Il est nécessaire de tenir dûment compte de toutes les circonstances du cas et, lorsque le réfugié a été reconnu coupable d'un délit grave, de toutes les circonstances atténuantes et des possibilités de redressement et de réintégration dans la société.
Pratique des Etats en matière de non refoulement
15. S'agissant d'évaluer la pratique des Etats touchant le principe du non refoulement, il convient de souligner que ce principe s'applique que l'intéressé ait ou non été officiellement reconnu comme réfugié. Dans le cas des personnes officiellement reconnues comme des réfugiés en vertu de la Convention de 1951 et/ou du Protocole de 1967, le respect du principe du non refoulement, tel qu'il s'exprime à l'article 33, ne devrait normalement susciter aucune difficulté. Au surplus, lorsqu'il existe une procédure spéciale pour la détermination du statut de réfugié en vertu de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967, le candidat est presque invariablement protégé contre le renvoi dans son pays d'origine avant l'achèvement de cette procédure.
16. Il y a cependant des cas où le respect du principe du non refoulement s'impose mais où son application peut donner lieu à des difficultés d'ordre technique. Par exemple, l'intéressé peut se trouver dans un Etat qui n'est pas partie à la Convention de 1951 ou au Protocole de 1967, ou qui, tout en étant partie à ces instruments, n'a pas établi de procédure officielle pour déterminer le statut de réfugié. Les autorités du pays d'asile peuvent avoir autorisé le réfugié à résider dans le pays avec un permis de séjour normal ou peuvent tout simplement avoir toléré sa présence sans avoir jugé nécessaire de lui reconnaître officiellement le statut de réfugié. Dans d'autres cas, l'intéressé peut avoir omis de présenter une demande officiel le en vue de la reconnaissance de ce statut.
17. Dans des situations de ce genre, il est indispensable que le principe du non refoulement soit scrupuleusement observé même si l'intéressé n'a pas - ou n'a pas encore - été officiellement reconnu comme réfugié. Il convient de ne pas perdre de vue que la reconnaissance du statut de réfugié, soit en vertu du statut du HCR, de la Convention de 1951 ou du Protocole de 1967, revêt le caractère d'une déclaration. Depuis la vingt-septième session du Comité, il y a eu plusieurs cas de personnes auxquelles le statut de réfugié n'avait pas été officiellement reconnu et qui ont été renvoyées dans leur pays d'origine en dépit du fait qu'elles craignaient avec raison d'être persécutées; il y a eu aussi des cas où le bien-fondé des motifs de cette crainte n'a pas même été examiné.
Conclusion
18. Si le principe du non refoulement est universellement reconnu, le danger de refoulement pourrait plus facilement être évité si l'Etat concerné acceptait formellement une obligation légale définie dans un instrument international. Cette affirmation fait ressortir l'importance qui s'attache à l'adhésion d'un plus grand nombre d'Etats à la Convention de 1951 et au Protocole de 1967. Les Etats qui n'ont pas encore adhéré à ces instruments devraient néanmoins appliquer le principe du non refoulement, compte tenu de son acceptation universelle et de son importance humanitaire fondamentale.
19. S'agissant du non refoulement, il convient de tenir particulièrement compte du fait que la détermination du statut de réfugié ne revêt que le caractère d'une déclaration. Il n'y a donc pas lieu de considérer que, du simple fait qu'une personne n'a pas été officiellement reconnue comme réfugié, elle ne possède pas ce statut et n'est donc pas protégée par le principe du non refoulement.
1 Déclaration sur l'asile territorial, article 3, par. 2. Principes régissant le traitement des réfugiés, adoptés par le Comité consultatif juridique afro-asiatique à sa huitième session tenue à Bangkok en 1966 (article III, par. 2)).
2 Résolution du Comité des ministres du Conseil de l'Europe en date du 29 septembre 1967 sur l'asile en faveur des personnes menacées de persécution.