La sécurité de la personne des réfugiés
La sécurité de la personne des réfugiés
EC/1993/SCP/CRP.3
I. INTRODUCTION
1. La sécurité de la personne des réfugiés est un élément essentiel de la protection internationale. Si les droits fondamentaux des réfugiés en tant qu'êtres humains ne sont pas sauvegardés (droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne humaine, protection contre la torture, contre les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, contre l'esclavage, etc.), les autres droits et avantages garantis par les instruments internationaux et les principes juridiques sont de bien peu d'utilité. Assurer la sécurité des réfugiés et des demandeurs d'asile quand ils sont menacés a par conséquent été au centre des préoccupations du HCR et un élément majeur de l'action du Haut Commissariat sur le terrain.
2. Cette préoccupation constante pour la sécurité de la personne des réfugiés et des demandeurs d'asile a été reflétée régulièrement dans les rapports du Haut Commissaire au Comité exécutif et à l'Assemblée générale des Nations Unies par l'intermédiaire du Conseil économique et social (ECOSOC). Le Comité exécutif a adopté quelque 40 conclusions sur divers aspects de la sécurité de la personne et les problèmes connexes. Tout en exprimant les graves préoccupations qui touchent à la violence qui est exercée et aux menaces qui pèsent sur les réfugiés et les demandeurs d'asile, ces conclusions ont aussi traité de la question de la sécurité de leur personne dans des situations spécifiques, comme les attaques menées par les forces militaires contre des réfugiés en détresse en mer, ou à l'encontre de catégories de réfugiés, en particulier les femmes et les enfants.1 Depuis 1975, et de manière de plus en plus spécifique depuis 1977, l'Assemblée générale n'a cessé de se référer aux menaces qui pèsent sur la sécurité des réfugiés dans la résolution qu'elle adopte chaque année sur le rapport du Haut Commissaire. En 1984, par exemple, l'Assemblée :
« [a] condamn[é] toutes les violations des droits et de la sécurité des réfugiés et des personnes en quête d'asile, en particulier les attaques militaires ou armées contre les camps et les colonies de réfugiés, les autres formes de brutalité et la non-assistance aux personnes en quête d'asile se trouvant en détresse en mer; ... (et) [a] pri[é] instamment tous les Etats de prendre, en coopération avec le Haut Commissariat et les autres organismes internationaux compétents, toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des réfugiés et des personnes en quête d'asile. »2
En 1992, l'Assemblée générale s'est de nouveau dite préoccupée de ce que la protection des réfugiés continuait d'être menacée suite, notamment, aux « menaces à leur sécurité physique, à leur dignité et à leur bien-être et [au] non-respect des droits fondamentaux de l'homme ».3
3. Dans leur ensemble, ces conclusions et résolutions montrent avec quelle gravité la communauté internationale perçoit les violations de l'intégrité physique des réfugiés et des demandeurs d'asile. Elles servent aussi de guide aux Etats, au HCR et aux autres parties concernées quant aux responsabilités qui leur incombent en matière de prévention des violations des droits et de la sécurité des réfugiés et des demandeurs d'asile. Malgré cela, de nombreux incidents continuent de se produire dans chaque région, au cours desquels des réfugiés sont victimes d'actes de violence et de mauvais traitements : meurtres, attaques militaires et armées, viols et autres formes d'abus sexuels, bastonnades, intimidations, enlèvements, asservissement contre la volonté de l'intéressé, vols, recrutement forcé et détentions dans des conditions arbitraires ou inhumaines. Cela se passe malgré un consensus quasi universel sur les obligations qui incombent aux Etats, avec l'aide du HCR, pour assurer le respect des réfugiés et leur garantir la jouissance de la plénitude de leurs droits en tant qu'êtres; humains. C'est parce que les menaces qui pèsent sur la sécurité de leur personne et les violations qui sont perpétrées restent un sujet de grave préoccupation que le Haut Commissariat a pensé utile à ce stade d'inscrire le sujet de la protection de la sécurité de la personne des réfugiés et des demandeurs d'asile à l'ordre du jour du Comité exécutif.
II. CADRE CONCEPTUEL
4. Les menaces qui pèsent sur la sécurité de la personne des réfugiés étant malheureusement multiples, il ne sera pas possible de les traiter de manière exhaustive dans le présent document. L'analyse qui est présentée ici ne traite que de la sécurité des réfugiées sur le chemin de leur pays d'asile, à la frontière et sur son territoire. Ni les actes de violence ou les violations des droits de l'homme dans le pays d'origine en tant que cause ou en tant qu'obstacle à la fuite des réfugiés, ni les questions relatives à la sécurité de leur personne à leur retour dans le pays d'origine n'ont été pris en compte. Les menaces qui pèsent sur la vie ou sur la liberté des réfugiés qui peuvent résulter d'un retour involontaire vers le pays d'origine, comme dans le cas du refoulement, sont aussi en dehors du cadre de ce document.
5. Il convient de faire deux commentaires d'ordre terminologique. Tout d'abord, il est courant sur ce sujet de parler de la « protection physique » des réfugiés. Les menaces qui pèsent sur le bien-être des réfugiés sont en effet de nature physique. Cependant, dans la mesure où les effets de l'insécurité affectent la personne en tant qu'individu aussi bien que la communauté toute entière au sein de laquelle elle vit, nous emploierons dans cette discussion le terme de « sécurité de la personne ». Deuxièmement, sur le fond de la question, un réfugié est une personne qui a besoin d'une protection internationale quel que soit son statut juridique dans le pays de refuge, et que le statut de réfugié ait été reconnu officiellement ou non. Protéger les réfugiés exige que l'on protège les personnes qui pourraient le devenir, et en particulier les demandeurs d'asile, au moins jusqu'à ce que leur statut de réfugiés soit défini. Le terme de « réfugié » est donc entendu comme incluant les demandeurs d'asile dont les demandes de statut de réfugié n'ont pas encore fait l'objet d'un examen définitif.
6. Les menaces à la sécurité de la personne ne pèsent pas que sur les réfugiés; elles sont la manifestation des problèmes que sont la violence, la criminalité, l'abus du pouvoir et l'intolérance dont souffre toute société humaine. Dans le cas des réfugiés, ces menaces sont aggravées en raison de la vulnérabilité propre au réfugié qui est un étranger déraciné, généralement dépourvu de ressources matérielles, souvent sans papiers, et qui ne jouit pas de la protection de son propre gouvernement. Les structures traditionnelles de la famille, du clan et de la communauté ont souvent été rompues. Alors qu'ils sont déjà obligés de fuir la violence ou les violations des droits de l'homme dans leur propre pays, de nombreux réfugiés doivent faire face à de nouveaux dangers sur la route qui les conduit vers un pays d'asile, à la frontière et même après avoir été admis et s'être vu accorder l'asile. Les menaces à la sécurité de leur personne peuvent avoir toute une série d'origines, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays d'asile : brigands, forces de l'armée régulière ou irrégulière, gardes et responsables officiels, éléments de la population locale ou autres réfugiés. Les paragraphes qui suivent donnent des exemples des violations de la sécurité de la personne dont ont souffert des réfugiés relevant de la compétence du HCR dans un passé récent. Ils sont tirés de rapports et de l'expérience vécue du personnel du HCR sur le terrain. Ils fourniront un contexte ou s'inscrira la discussion, qui constitue la deuxième partie du présent document, des fondements juridiques des mesures concrètes qui ont été ou pourraient être prises pour protéger les réfugiés face à ces menaces.
III. EXEMPLES DE MENACES A LA SECURITE DES REFUGIES
A. Sur le chemin du pays d'asile et à ses frontières
7. Pour de nombreuses personnes qui sont forcées de chercher refuge en dehors de leur pays d'origine, le voyage vers la sécurité est truffé de périls qui peuvent consister à tenter d'éviter les contrôles de sécurité au point de départ, à passer une ligne de front dans un conflit armé ou à se fier à des passeurs peu scrupuleux pour éviter un rejet pur et simple à un poste frontière. Encore récemment, les demandeurs d'asile qui traversaient la mer de Chine méridionale risquaient' d'être confrontés à l'effroyable brutalité des pirates tout autant qu'à l'indifférence des navires qu'ils croisaient dont les capitaines n'honoraient pas leur devoir de porter secours à des personnes en détresse. Ceux qui traversent des no man's lands dans des régions touchées par la guerre civile ou l'anarchie continuent à subir les attaques de bandits et risquent de tomber dans des mains ennemies ou de sauter sur des mines.
8. A l'arrivée aux frontières du pays d'asile, la plupart des réfugiés trouvent, heureusement, l'hospitalité ou au moins sont traités correctement conformément aux normes internationales; ils sont notamment admis à engager les procédures de demande d'asile. Dans une minorité de pays, cependant, ils se trouvent rejetés, subissent des violences physiques et voient leur vie menacée. Peut-être l'exemple récent le plus flagrant est-il celui ou une frontière était équipée d'une clôture électrifiée et de mines. Des dizaines de milliers de personnes fuyant une guerre civile meurtrière dans leur propre pays ont été expulsés par la force vers ce même pays en tant qu'étrangers en séjour irrégulier. Selon les rapports, certains demandeurs d'asile, cherchant à ne pas être arrêtés, ont été victimes d'extorsions et, dans certains cas, ont accepté un esclavage virtuel plutôt que de courir le risque de se faire refouler. Récemment, les rejets de demandeurs d'asile arrivant par la mer ont été nombreux, tout comme le détroussement et les violences sexuelles à l'encontre de réfugiés arrivant par la mer ou passant des frontières terrestres reculées. Les agressions physiques, y compris les viols et autres formes de violences sexuelles, ont été commises, selon des rapports, par la police des services d'immigration à l'encontre des demandeurs d'asile arrivant dans certains aéroports internationaux.
9. Le problème des détentions abusives est étroitement lié aux pratiques en matière de contrôles à la frontière. Dans certains pays les demandeurs d'asile sont traités comme des étrangers en situation irrégulière et ne peuvent entamer les procédures de détermination du statut de réfugié. Dans d'autres, certaines catégories de demandeurs d'asile sont soumises en routine à de longues périodes de détention en', attendant qu'il soit statué sur leurs demandes. Dans certains pays, les conditions « de détention, surtout celles qui touchent aux enfants, sont souvent incompatibles avec les normes internationales.
B. Dans le pays d'asile
1. Banditisme
10. Parmi les nouvelles situations auxquelles le HCR doit faire face pour apporter sa protection, une des plus difficiles concerne les camps et les zones d'installation de réfugiés dans des régions reculées et échappant pratiquement à tout contrôle de loi dans un pays d'asile, où les réfugiés sont la proie de bandes de pilleurs armés provenant non seulement de ce pays mais aussi du pays d'origine des réfugiés et des régions frontalières d'autres pays voisins. Cette situation est aggravée par la prolifération d'armes provenant de la guerre civile et de l'anarchie qui règne dans le pays d'origine, ce qui ne va pas sans poser des problèmes pour la sécurité des réfugiés, du personnel du HCR et des ONG et des représentants des autorités locales. Sur un autre continent, une situation quelque peu semblable n'a trouvé de solution que quand les réfugiées se sont enfuis de la région, perdant par la même occasion l'accès à toute forme d'assistance. Dans certains cas, des réfugiés ont aussi été victimes de la violence exercée par les forces de sécurité qui tentaient de restaurer la loi et l'ordre ou de se venger des attaques des bandits qui se cachaient selon eux dans les camps de réfugiés. Les attaques menées par des éléments armés ou par des bandits ont parfois empêché la distribution de nourriture et d'autres biens de première nécessité dans certaines zones d'installation de réfugiés.
2. Zones de conflits et changements de régime
11. Les réfugiés se sont souvent trouvés pris dans le feu croisé des guerres civiles dans le pays d'asile, parfois directement attaqués par une des parties à un conflit, en particulier s'ils sont perçus comme des alliés politiques de la partie adverse ou comme ayant avec eux des liens ethniques. Dans les plus mauvais cas, les réfugiés peuvent alors être poussés à chercher asile dans un pays tiers, ou à rentrer dans le pays dont ils s'étaient enfuis, faisant leur choix en fonction du moindre danger. Le renversement d'un gouvernement dans un pays d'asile a précipité le départ forcé de groupes importants de réfugiés qui avaient reçu l'appui de l'ancien régime et, dans d'autres cas, cela a soulevé de sérieux problèmes de sécurité dans le pays d'asile dont ont souffert les réfugiés qui ne pouvaient quitter le pays en toute sécurité.
3. Menace à la sécurité de la part des agents de l'autorité
12. Parmi les problèmes les plus difficiles affectant la sécurité de la personne des réfugiés, il faut citer les actes de violence, les intimidations et l'abus de la force de la part des forces armées, de la police, des gardes et d'autres agents de l'autorité du pays de refuge lui-même. Ces problèmes surviennent fréquemment lorsque les réfugiés sont perçus comme présentant une menace à la sécurité et à l'ordre public dans le pays concerné, et que leur présence, même si elle est tolérée, est vue avec méfiance, voire hostilité. Dans certains cas, l'application musclée d'une politique du « camp fermé » fait que des réfugiés ont été abattus et tués à la périphérie des camps. Dans d'autres cas, les zones d'installation de réfugiés ont fait l'objet de raids périodiques par les forces armées à la recherche d'armes et d'opposants politiques. Un type quelque peu différent de menace à la sécurité de la personne des réfugiés concerne l'abus de la force dont font fréquemment usage les gardes des camps : les mauvais traitements qu'ils infligent aux réfugiés, y compris les femmes et les jeunes filles, ne reflètent pas la politique officielle des autorités gouvernementales, mais satisfont à des intérêts personnels illicites.
4. Menaces à la sécurité émanant du pays d'origine des réfugiés
13. En 1987, le Comité exécutif a adopté, après de longues discussions, une conclusion sur le problème des attaques militaires et armées contre des camps et des zones d'installation de réfugiés.4 Depuis lors, de telles attaques se sont produites dans divers pays, le plus souvent de la part de forces rebelles du pays d'origine mais aussi, dans certains cas, par le fait de forces gouvernementales, qui eurent même recours à des bombardements aériens, contre des zones d'installation de réfugiés considérés comme alliés de groupes de guérilla basés dans le pays d'asile. Des raids par delà les frontières ont entraîné des enlèvements de réfugiés, même mineurs, qui subirent un enrôlement forcé. Au plan individuel, on a noté l'assassinat de personnalités politiques éminentes dans les populations de réfugiés : les circonstances de ces assassinats accusent les autorités du pays d'origine des victimes.
5. Problèmes de sécurité découlant de l'association de réfugiés avec des groupes de résistance armés
14. Les relations étroites, réelles ou supposées, qui s'établissent entre certains groupes de réfugiés et des mouvements de résistance armée dans plusieurs régions du monde soulèvent toute une gamme de problèmes de protection complexes Le fait de ne pas préserver le caractère exclusivement civil et humanitaire des camps et des zones d'installation de réfugiés5 s'inscrit en violation des normes internationales et expose ces camps et zones d'installation à des attaques armées ou à des actes de sabotage éventuels perpétrés à partir du pays d'origine. Il expose aussi les réfugiés aux dangers qui découlent de la prolifération d'armes dans les mains de différentes factions, nourries d'idéologies ou de professions d'allégeance politique souvent rivales qu'elles sont prêtes à imposer par la force. Dans certains cas, ces groupes forment un état dans l'état, qui impose sa propre loi et rend sa propre justice, y compris sous forme d'exécutions, de torture et de détention arbitraire. Des réfugiés travaillant dans le cadre de programmes d'assistance humanitaire mais qui étaient perçus comme déviant de la « ligne du parti » ont été assassinés. Des femmes dont le travail dans le cadre de projets d'éducation ou de santé était perçu comme violant certaines normes sociales ont reçu des menaces et, dans certains cas, ont été enlevées et ont disparu. Des réfugiés qui souhaitaient être rapatriés de leur plein gré ont été l'objet de mesures d'intimidation et d'agressions physiques. Dans d'autres cas, des menaces ont été proférées et des attentats à la vie perpétrés à l'encontre du personnel des Nations Unies et des organismes de secours.
6. Autres menaces à la sécurité de la personne de la part d'autres réfugiés
15. Les perturbations et l'effondrement de l'ordre social qui sont fréquemment associés à des déplacements forcés peuvent conduire à des actes de violence de divers types entre les réfugiés. Cette situation s'aggrave encore quand les réfugiés sont confinés dans des camps fermés. On a signalé des problèmes liés à la constitution de gangs, ainsi que des cas de viol et d'exploitation sexuelle de femmes et de jeunes filles seules. Des comités disciplinaires établis dans les camps se sont rendus coupables de violences physiques en guise de punitions, et les cas de violence familiale suite aux frustrations engendrées par la vie dans les camps ont aussi posé de sérieux problèmes. Des confrontations ont aussi eu lieu entre des groupes de réfugiés de nationalités ou d'appartenances ethniques, politiques ou religieuses différentes.
16. Certains gouvernements ont parfois adopté comme ligne de conduite de ne pas intervenir dans les conflits entre réfugiés; il en résulte que les zones d'installation de réfugiés acquièrent de la sorte un statut d'extraterritorialité où aucune loi civile ne peut plus être appliquée. Dans certains pays, le gouvernement permet en fait aux réfugiés de résoudre leurs conflits en faisant appliquer leurs propres lois, sauf dans les cas impliquant des personnes non réfugiées. Bien que le HCR soit favorable aux mesures qui permettent à une communauté de réfugiés d'assumer une plus grande responsabilité dans toutes les affaires qui concernent ses membres, dans certains cas la non-ingérences dans les affaires criminelles a privé des réfugiés, surtout ceux qui appartiennent à des minorités ou à des groupes ne jouissant pas de la faveur des autorités, de protection réelle contre les violations de leurs droits fondamentaux.
7. Autres menaces à la sécurité des réfugiés émanant de la communauté d'accueil
17. Dans certaines régions, surtout dans les pays industrialisés, des attaques xénophobes contre les étrangers, y compris les demandeurs d'asile et les réfugiés reconnus, ont eu un effet négatif sur l'accueil de ces personnes, ce qui met en péril leur sécurité. Dans d'autres régions également, les réfugiés ont fait l'objet d'un ressentiment et de mauvais traitements de la part de la population locale.
18. Les réfugiés vivant en zone urbaine peuvent aussi rencontrer de sérieuses difficultés quant à la sécurité de leur personne, surtout quand ils ne disposent pas des papiers nécessaires ou que leur présence n'est pas officiellement autorisée par les autorités. Dans ces situations, les réfugiées risquent de se faire arrêter, d'être mis en détention, d'être maltraités ou d'être victimes de tentatives d'extorsion par la police, mais aussi par des éléments criminels de la population locale (y compris d'autres étrangers) qui connaissent leur vulnérabilité et en tirent avantage.
8. La sécurité des femmes et des enfants réfugiés
19. En tant que réfugiés, les femmes et les enfants sont particulièrement vulnérables aux actes de violence, notamment aux sévices sexuels, surtout lorsqu'ils sont seuls. Le compte rendu d'un débat approfondi sur le problème de la violence sexuelle contre les femmes et les jeunes filles réfugiées est présenté au Sous-comité plénier sur la protection internationale.6 Ce compte rendu intéresse directement les points examinés dans le présent document et devrait être lu parallèlement. Les problèmes particuliers des enfants réfugiés, y compris celui de la sécurité de leur personne, ont été examinés dans des notes précédentes, comme la Note sur les enfants réfugiés (EC/SCP/46) et le Rapport sur les enfants réfugiés (A/AC.96/731), et seront à nouveau abordés dans une déclaration de principe du HCR qui sera présentée à la quarante-quatrième session du Comité exécutif.
C. Protection de la sécurité de la personne dans le cadre d'un rapatriement librement consenti
20. Le problème de la sécurité des réfugiés doit également être pris en considération dans le cadre d'un rapatriement librement consenti et peut prendre plusieurs formes. Tout d'abord, le caractère volontaire de la décision d'être rapatrié exige d'être protégé contre toute tentative d'intimidation pour ou contre le rapatriement. Des réfugiés ont été victimes de menaces ou d'attaques, soit qu'on ait voulu les obliger à retourner chez eux, soit qu'on ait tenté de les en dissuader. Ils ont également fait l'objet de menaces qui visaient à influencer le choix de leur destination une fois rapatriés. Une décision avisée en matière de rapatriement exige que l'on connaisse avec précision la situation relative à la sécurité sur le chemin du retour et au lieu de destination dans le pays d'origine. Le voyage du retour peut présenter des problèmes pratiques de sécurité en termes de protection contre les attaques de bandits ou de militaires, ou contre les mines. (La sécurité des rapatriés après leur retour ne rentre pas dans le cadre de ce document.)
IV. PROTECTION DE LA SECURITE DE LA PERSONNE DES REFUGIES : BASES JURIDIQUES
21. La protection internationale des réfugiés s'appuie non seulement sur l'élaboration et la ratification par les Etats de principes et de normes en faveur des réfugiés, mais également sur l'application effective de ces principes et normes par les Etats, en coopération avec le HCR et la communauté internationale. Le respect des droits fondamentaux des réfugiés en tant qu'êtres humains est le premier principe de la protection internationale. La Convention relative au statut des réfugiés de 1951 s'appuie fondamentalement sur le principe que « les êtres humains, sans distinction, doivent jouir des droits de l'homme et des libertés fondamentales » et sur les efforts des Nations Unies pour assurer aux réfugiés « l'exercice le plus large possible des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »7
22. Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être tenu en esclavage ni en servitude; il ne peut être soumis. à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants; et il ne peut être arbitrairement arrêté ou détenu. Ces droits fondamentaux sont proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et codifiés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et dans de nombreuses autres conventions internationales et régionales.8 L'article 2 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques stipule que les Etats parties au Pacte s'engagent à respecter et à garantir à tous les individus se trouvant, sur leur territoire et relevant de leur compétence les droits reconnus dans le Pacte, sans distinction aucune. Ces clauses mettent en évidence non seulement les droits fondamentaux de chaque individu au regard des droits internationaux de l'homme, mais également l'obligation universellement reconnue de tout Etat de respecter et de protéger ces droits pour toutes les personnes relevant de sa juridiction, y compris les réfugiés.
23. Assurer la sécurité de la personne des réfugiés est une obligation implicitement stipulée dans le mandat du Haut Commissaire, eu égard à ses « fonctions de protection internationale ». En dehors d'un vibrant plaidoyer pour les droits de l'homme applicables aux réfugiés dans le préambule de la Convention de 1951, ses auteurs n'ont pas jugé utile d'introduire des clauses plus spécifiques sur le sujet. On peut considérer que l'article 7 garantissant aux réfugiés au moins « le régime qu'il accorde aux étrangers en général » ne signifie rien de moins que d'assurer le respect des droits fondamentaux. Le souci de la sécurité effective des réfugiés, comme de leurs droits et de leur statut juridiques officiels, sont tout aussi évidents dans les clauses les plus fondamentales de la Convention de 1951 : on y trouve en effet la définition du réfugié comme une personne craignant avec raison d'être persécutée (art. 1 A(2)) et l'interdiction d'expulser ou de refouler, « de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires ou sa vie ou sa liberté serait menacée » (art. 33(1)). Les Etats parties à la Convention de 1951 et au Protocole de 1967 s'engagent à « coopérer avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ... dans l'exercice de ses fonctions » (art. 35(1) et II(1) respectivement). Dans la mesure ou la protection internationale constitue la première de ces fonctions, cette clause va dans le sens des efforts du HCR pour assurer la sécurité de la personne des réfugiés.
24. Dans les zones de conflits armés, qu'il s'agisse de guerres civiles ou de conflits internationaux, le droit international humanitaire interdit toute atteinte à la vie et à l'intégrité corporelle des civils, y compris des réfugiés.9 Les clauses de la IVe Convention de Genève de 1949 et des deux Protocoles additionnels de 1977 s'appliquent tout particulièrement au problème des attaques militaires ou armées contre des camps ou des zones d'installation de réfugiés.
25. Comme la Convention de 1951, la Convention de l'Organisation de l'Unité africaine (OUA) régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique de 1969 ne contient aucune disposition particulière concernant la sécurité de la personne des réfugiés dans le pays d'asile, si ce n'est la recommandation d'installer les réfugiés, dans la mesure du possible, à une distance raisonnable de la frontière de leur pays d'origine, « pour des raisons de sécurité » (art. II(6)). Certaines clauses de la Convention de l'OUA font ressortir le caractère pacifique et humanitaire de l'asile (art. II(2)) et font valoir le devoir du réfugié de se conformer aux lois et règlements du pays d'asile et de s'abstenir de tous agissements subversifs contre les Etats membres de l'OUA (art. III(1)) ou demandent aux Etats parties à la Convention d'interdire aux réfugiés d'attaquer d'autres Etats membres de l'OUA (art. III(2)). La Déclaration de Carthagène de 1984, dont l'importance a été soulignée à maintes reprises par l'Assemblée générale de l'Organisation des Etats américains (OEA), contient des dispositions analogues10 et mentionne elle aussi la nécessité d'établir un traitement minimal des réfugiés sur la base des préceptes de la Convention de 1951, du Protocole de 1967 et de la Convention américaine relative aux droits de l'homme.11
26. Attendu que le pays d'asile est le premier responsable de la sécurité de la personne des réfugiés sur son territoire, les lois en vigueur dans chaque Etat constituent la base juridique fondamentale de la protection des réfugiés. Tous les codes pénaux interdisent les atteintes à la sécurité de leur personne et quasiment tous les systèmes juridiques accordent aux victimes la possibilité d'un recours civil ou administratif.
27. Comme cela a déjà été mentionné, quelque 40 conclusions du Comité exécutif font référence à divers aspects de la sécurité de la personne des réfugiés. La liste de ces conclusions est reprise en annexe. Plusieurs de ces conclusions proposent des solutions intéressant tout particulièrement la sécurité de la personne des réfugiés dans les pays d'asile. La conclusion No. 22 (XXXIII) de 1981 (par. II. B. 2.a) à g)) sur la protection des personnes en quête d'asile en cas d'arrivées massives et la conclusion No. 48 (XXXVIII) de 1987 sur les attaques militaires et armées contre des camps et zones d'installation de réfugiés méritent d'être signalées à cet égard.
V. MESURES DE PROTECTION ET OBSTACLES A LA SECURITE DES REFUGIES
28. En réponse aux menaces à la sécurité des réfugiés et conformément aux principes et aux normes juridiques qui viennent d'être décrites, les pays d'asile et le HCR, avec d'autres membres de la communauté internationale, ont mis au point et appliqué une série de mesures, d'ordre juridique et pratique, pour améliorer la sécurité de la personne des réfugiés. Ces mesures ont souvent été élaborées sur le terrain pour répondre ponctuellement à des problèmes concrets portant atteinte au bien-être des réfugiés dans un pays ou une région, pour être ensuite appliquées, lorsque cela était possible, dans un contexte plus général. Bien que plusieurs démarches prometteuses aient déjà été suivies, elles n'ont jamais pu complètement supprimer les menaces pesant sur la sécurité des réfugiés. Cette section passe en revue certaines des mesures adoptées et les obstacles le plus souvent rencontrés dans les efforts pour assurer la sécurité des réfugiés.
A. Le HCR prêt à agir
29. Une des tâches que le HCR a entreprises, dans ce domaine comme dans d'autres, a été de recueillir des informations sur les différentes stratégies adoptées dans diverses situations pour apporter une solution aux problèmes des réfugiés, de formuler des directives qui tiennent compte de l'expérience, et de les faire connaître au personnel du HCR et des partenaires d'exécution à travers le monde. Cette politique s'est traduite par des programmes de formation, de directives de terrain, d'ateliers et de missions de programmation. L'amélioration des rapports reçus du terrain sur les problèmes concrets de protection, par exemple en ce qui concerne les femmes réfugiées, a joué un rôle primordial dans ce processus et cela a permis de mettre au point des stratégies de protection appropriées pour des situations spécifiques. Bien qu'aucun ouvrage n'ait été consacré dans son entier au problème de la sécurité de la personne, des conseils pratiques pour la protection des réfugiés face aux menaces qui pèsent sur leur sécurité peuvent être trouvés dans certains chapitres du Manuel des situations d'urgence du HCR (1982), les Principes directeurs concernant les enfants réfugiés de 1988 (IOM No. 91/88 - FOM 85/88 du 3 août) et ceux concernant la protection des femmes réfugiées de 1991 (EC/SCP/67). La question de la sécurité de la personne est aussi le sujet des cours de formation sur la Planification orientée vers la population. Les Principes directeurs concernant les enfants réfugiés et ceux concernant la protection des femmes réfugiées portent sur les problèmes de deux catégories de personnes qui à elles seules constituent la grand majorité des réfugiés, et beaucoup de conseils qui y sont donnés concernant la sécurité de ces deux groupes s'appliquent aussi à la protection des réfugiés dans leur ensemble.
B. Garantir l'accès et assurer la présence du HCR
30. Une mesure importante pour garantir la sécurité des réfugiés est la présence de personnel du HCR (et d'autres organisations concernées) là où se trouvent les réfugiés. Dans plusieurs régions, des membres du personnel du HCR appelés « administrateurs itinérants chargés de la protection », de « surveillants de frontières » ou de « corridors » ont permis d'aider les réfugiés à franchir des frontières internationales vers des lieux plus sûrs (dans les deux sens), en liaison étroite avec les autorités locales concernées. Un accès rapide du personnel du HCR et des agents d'exécution aux lieux d'arrivée des réfugiés, qu'il s'agisse de plages, de frontières terrestres ou d'aéroports, ainsi qu'aux lieux de rassemblement et de contrôle, revêt une importance capitale pour la prévention des cas de mauvais traitements. La présence du HCR et, le cas échéant, de personnel des ONG dans les camps et zones d'installation de réfugiés peut également s'avérer importante pour assurer la sécurité des réfugiés, puisqu'elle permet à ceux qui sont présents sur place d'alerter les autorités dès qu'un problème survient, de faciliter les mesures de prévention prises par les réfugiés eux-mêmes et de décourager les attaques.
C. Orientation et formation des personnels des services officiels
31. Pour garantir la sécurité des réfugiés, il est essentiel qu'aient été édictées par les autorités gouvernementales une politique et des directives claires concernant l'accueil et le traitement des demandeurs d'asile et des réfugiés. Ces directives doivent parvenir à tous les représentants de l'autorité qui sont en contact direct avec les réfugiés et être appliquées par eux, qu'il s'agisse de gardes frontière, de fonctionnaires de l'immigration, de policiers, de militaires ou d'administrateurs de camps. Des visites périodiques effectuées par le HCR et des représentants des autorités gouvernementales, si possible conjointement, aux postes et aux camps situés sur les frontières peuvent sensibiliser les intéressés à ces questions et permettre de découvrir certains problèmes pratiques.
32. Le HCR a organisé de nombreux programmes de formation, des séminaires et des ateliers auxquels ont participé des représentants des autorités gouvernementales et le personnel des agents d'exécution à différents niveaux; on y a couvert les questions pratiques concernant la sécurité de la personne des réfugiée, sans oublier les questions fondamentales du droit des réfugiées et des droits de l'homme. Le Haut Commissariat entend poursuivre et étendre ces activités de formation.
D. Meilleur respect de la loi
33. Lorsque les menaces qui pèsent sur les réfugiées prennent la forme d'actes de banditisme ou d'autres actes criminels, il peut être nécessaire que les autorités du pays d'asile fassent mieux respecter la loi. Parmi les mesures prises dans diverses situations, on peut citer un renforcement des patrouilles de sécurité aux abords des camps de réfugiés, des enquêtes plus strictes et des poursuites plus sévères contre les auteurs d'attaques contre les réfugiés, le recrutement et la formation d'agents de sécurité spécialement chargés de la protection des réfugiés et, dans le cas de piraterie en mer de Chine méridionale, un appui multilatéral qui permette aux patrouilles de gardes-côtes d'appréhender les contrevenants et de déjouer les attaques, des programmes systématiques permettant d'engager des poursuites pénales, et des mesures de protection et d'assistance aux victimes et aux témoins.
34. Lorsque la sécurité des réfugiés est violée par les représentants des autorités gouvernementales comme les gardes de camps, les mesures dissuasives par application de la loi sont plus efficaces si elles comprennent l'ouverture de poursuites pénales en même temps que de mesures disciplinaires internes. Un problème sérieux que le HCR rencontre pratiquement dans toutes les régions est l'hésitation des autorités à punir les abus perpétrés contre les réfugiés par certains fonctionnaires gouvernementaux. Si la fiabilité des plaintes déposées par les réfugiés est souvent mise en doute, des incidents attestés au cours desquels des réfugiés auraient été victimes d'actes de violence, y compris meurtres et viols, se sont soldés seulement par des transferts administratifs et des réprimandes. Un renforcement de la chaîne d'autorité et de la volonté politique serait nécessaire dans ces cas pour faire appliquer la loi.
35. Dans les régions où règnent l'anarchie et la violence la plus complète, comme pour la situation exposée au paragraphe 11, une démarche à facettes multiples a été proposée. Elle comprendrait un renforcement de la présence du HCR, la mise en place de patrouilles de police plus fortes et mieux entraînées dans les zones ou séjournent les réfugiés et sur les voies d'approvisionnement, le réaménagement des camps pour réduire le nombre des attaques auxquelles les femmes sont exposées, la mobilisation des réfugiés eux-mêmes pour assurer leur propre défense, et l'instauration d'une liaison reconnue entre les responsables de communautés de réfugiés et la police. Une amélioration des conditions de sécurité pour le personnel du HCR et des agents d'exécution est aussi envisagée. Une présence internationale ne peut être envisagée que si est garantie la sécurité des membres du personnel autant que celle des réfugiés.
E. Amélioration de l'emplacement de la conception et de l'administration des camps de réfugiés
36. Comme le montrent les diverses propositions exposées ci-dessus, de nombreuses mesures pratiques ont été et peuvent être prises dans les camps pour améliorer la sécurité des réfugiés. Une de ces mesures a été la distribution aux chefs de secteurs des camps de réfugiés de sifflets de police, à utiliser pour appeler au secours en cas d'attaque. Dans d'autres régions, l'éclairage nocturne des lieux publics a eu un effet positif sur la sécurité des réfugiés. L'implantation des camps dans des zones plus sûres ou dans des sites plus faciles à défendre est une mesure qui devrait être prise en compte par les autorités en consultation avec le HCR, de préférence avant que des dépenses n'aient été engagées pour la construction d'un camp dans un endroit peu sûr. Comme l'indiquent les Directives pour la protection des femmes réfugiées, des questions comme l'emplacement des points d'eau et des latrines peuvent avoir une influence sur la sécurité des réfugiés, en particulier des femmes et des jeunes filles. Le fait de faire participer la communauté des réfugiés, surtout les femmes, à l'organisation et à l'administration des camps et des zones d'installation est important pour des raisons de sécurité, notamment. Le recrutement, la formation et la supervision des administrateurs des camps et des programmes destinés aux réfugiés, surtout s'ils ont des responsabilités en matière de sécurité, peuvent avoir un impact non négligeable. L'organisation d'hébergements et de programmes spéciaux pour les réfugiés qui peuvent être exposés dans des situations particulières, comme les femmes et les jeunes filles non accompagnées, est devenue une des composantes normales des programmes du HCR dans de nombreuses régions. La meilleure solution aux problèmes de sécurité inhérents aux camps fermés est d'éviter qu'ils existent, mais lorsque cette solution est impossible à appliquer, il faut accorder une attention toute spéciale aux conséquences psychologiques et sociales qui peuvent découler de l'isolement. Les organisations non gouvernementales ont joué un rôle particulièrement utile dans de telles situations.
F. Maintenir le caractère civil et humanitaire des zones d'installation de réfugiés
37. La présence de résistants armés dans ou à proximité des camps et des zones d'installation de réfugiés n'entraîne pas seulement de graves problèmes de sécurité : elle pose aussi dans de nombreux cas des problèmes d'ordre politique. Si leur présence est contraire à la volonté du pays d'asile, le problème est difficile mais a le mérite de la clarté : comment les éléments armés peuvent-ils être amenés à quitter les lieux d'une manière qui ne porte pas préjudice aux réfugiées ? Dans de nombreux cas cependant, les mouvements de résistance ont reçu l'appui, tacite ou explicite, du pays d'accueil et d'autres membres de la communauté internationale ou des réfugiés eux-mêmes. Du point de vue de la protection des réfugiés, la question fondamentale n'est pas de savoir si des gens ont le droit de prendre les armes pour lutter contre un régime oppresseur dans leur propre pays, ou de savoir si des gouvernements de pays voisins peuvent légitimement leur apporter leur aide, mais bien de savoir si un mouvement de résistance doit être mené à partir d'un camp de réfugiés ou de ses alentours. Le HCR a généralement réussi à obtenir des accords pour qu'une distinction claire reste faite entre les combattants et les réfugiés, de même que pour obtenir que les armes soient bannies des camps et des zones d'installation de réfugiés. Dans certains cas concernant un grand nombre de réfugiés, cependant, il s'est avéré difficile de faire respecter ces accords sur le terrain. Bien que le principe du caractère exclusivement civil et humanitaire des camps et zones d'installation soit généralement reconnu,12 la volonté politique de les considérer comme tels n'est pas toujours manifeste. Dans un certain nombre de cas récents, le problème a trouvé une solution pratique par le rapatriement des réfugiés et des résistants armés.
G. Répondre aux menaces à la sécurité émanant du pays d'origine des réfugiés
38. Les attaques menées contre les réfugiés par dessus des frontières internationales posent aussi des problèmes politiques complexes qui demandent une démarche globale, qui peut commencer par une action diplomatique préventive. Quand ces incidents impliquent des forces armées régulières, ils peuvent apparaître comme une menace à la paix et à la sécurité internationales justifiant qu'il soit fait appel aux organes politiques des Nations Unies ou d'autres organes régionaux. Les attaques directes de réfugiés par des militaires s'inscrivent en violation du droit international humanitaire. Même dans le cas d'éléments essentiellement criminels, les attaques transfrontalières engagent la responsabilité du pays d'origine en termes de maintien de l'ordre et de la légalité dans les limites de ses frontières. Selon la taille et la nature de la menace, le remède le plus pratique peut être un renforcement des patrouilles par le pays d'asile. Il faut peut-être aussi s'assurer que les réfugiés et les personnes qui leur sont associées ne provoquent pas ces attaques en menant leurs propres activités transfrontalières. Pour ce faire, il convient de se conformer aux prescriptions de la Convention de l'OUA selon laquelle les réfugiés doivent être installés à une distance raisonnable de la frontière et ne doivent pas se livrer à des activités subversives à l'égard de leur pays d'origine. Lorsqu'il s'agit d'attaques individuelles contre des réfugiés, la réponse la plus appropriée peut être de nature diplomatique et juridique. Dans de nombreux cas, il existe un lien entre les menaces qui pèsent sur les réfugiées de la part de leur propre pays et les causes profondes de leur fuite. La possibilité de remédier à ces causes et par conséquent de permettre de trouver une solution aux problèmes des réfugiés dans le cadre de rapatriements volontaires reste au premier plan des préoccupations du Haut Commissariat; elle fait généralement partie de la stratégie globale qui est adoptée.
H. Situations spéciales
39. Quand un changement de régime ou l'hostilité du gouvernement du pays d'accueil met en danger la vie de réfugiés isolés, la fonction de protection internationale du Haut Commissaire peut être gravement remise en cause. Dans de nombreux cas, le HCR doit chercher un autre pays d'accueil, en recourant souvent à la réinstallation d'urgence. Dans l'intervalle, il se peut que le réfugié soit relogé dans le pays même pour échapper au danger. Dans certains pays où un changement de gouvernement s'est accompagné de troubles civils, le Haut Commissariat a dû trouver un hébergement sûr pour les réfugiés se trouvant à l'intérieur du pays jusqu'à ce que l'ordre soit rétabli et qu'une solution de rechange ait pu être négociée. Dans d'autres cas, ce sont les compatriotes installés dans le pays d'accueil qui font peser une menace sur les réfugiés. Dans un pays ou cela s'est produit, le Haut Commissariat a pris des mesures, avec l'appui financier d'un pays tiers, pour reloger d'urgence les réfugiés dans le pays d'asile. Ailleurs encore, la réinstallation à l'étranger s'est révélée être la seule manière concrète d'assurer la sécurité.
I. Information du public et autres activités permettant de lutter contre la xénophobie
40. Les attaques dirigées contre les étrangers, notamment les réfugiés, qui se sont produites récemment dans les pays industrialisés présentent un autre type de menace qui doit être porté moins devant les tribunaux - qui ont pourtant un rôle à jouer - que devant l'opinion publique en recourant au processus démocratique. Partant du principe que les attaques xénophobes et racistes menées à l'encontre des étrangers, y compris les réfugiés, résultent en partie de l'ignorance et de conceptions erronées ayant cours dans certains groupes de la population, les bureaux extérieurs du HCR ont participé à des activités destinées à sensibiliser le public aux réalités du phénomène. Ces activités comprenaient notamment la participation, avec des ONG, des syndicats, etc., à des réunions et des séminaires publics, à des expositions et à la projection de films. Il est vraisemblable qu'une forte réaction du public dans certains pays à la violence dirigée contre les réfugiés et les autres étrangers a permis de réduire la fréquence d'incidents de ce genre. Une mesure pratique qui s'est révélée utile pour faire obstacle aux mouvements xénophobes a été la publication de prises de position claires par des personnalités respectées et populaires auprès du public dans plusieurs des pays concernés. Le Haut Commissariat a aussi cherché à informer le public du pays d'origine des difficultés qu'allaient rencontrer les candidats à l'émigration.
VI LES RESPONSABILITES DES REFUGIES
41. Puisque le présent document examine principalement les problèmes liés à la sécurité des réfugiés dans le pays d'asile, l'accent est mis sur les mesures que peut prendre ce pays pour l'assurer, en coopération avec le HCR. Cet examen serait toutefois incomplet s'il ne soulignait pas les responsabilités qui incombent aux réfugiés eux-mêmes. Ceux-ci sont responsables d'actes de violence, perpétrés sur les ressortissants du pays d'accueil ou sur d'autres réfugiés, au regard des lois en vigueur dans ce pays. L'article 2 de la Convention de 1951 dit que « tout réfugié a, à l'égard du pays ou il se trouve, des devoirs qui comportent notamment l'obligation de se conformer aux lois et règlements ainsi qu'aux mesures prises pour le maintien de l'ordre public. » L'article III 1) de la Convention de l'OUA de 1969 réitère cette disposition et ajoute que le réfugié doit en outre s'abstenir de tous agissements subversifs dirigés contre un Etat membre de l'OUA.
42. Il est capital de préserver le caractère purement civil et humanitaire des camps et zones d'installation de réfugiés pour assurer la protection effective de ceux-ci, et notamment la sécurité de leur personne. Il incombe aux réfugiés de se conformer aux mesures prises à ces fins et « de s'abstenir de toute activité de nature à porter atteinte au caractère exclusivement civil et humanitaire des camps et zones d'installation ».13 Etant entendu que « l'octroi de l'asile... à des personnes fondées à invoquer l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme est un acte pacifique et humanitaire » qui ne peut être considéré comme inamical par aucun Etat,14 et compte tenu du caractère entièrement non politique et humanitaire du mandat du Haut Commissaire15 les personnes qui ne remplissent pas les conditions requises en tant que réfugiés ne peuvent attendre aucune protection ou assistance internationale si elles continuent de porter les armes ou participent à des activités militaires et armées. Les réfugiés doivent être informés de leurs devoirs vis-à-vis de la communauté d'accueil et des autres réfugiés, en particulier qu'ils doivent s'abstenir d'activités militaires ou autres susceptibles de mettre en danger la sécurité de la communauté réfugiée ou du pays d'accueil, tant qu'ils bénéficient de son hospitalité.
VII. CONCLUSION
43. La sauvegarde des droits fondamentaux des réfugiés, notamment la sécurité de leur personne, est un élément essentiel de la notion de protection internationale. Etant donné que chaque Etat a le devoir de respecter et de faire respecter les droits des individus qui sont installés sur son territoire ou qui relèvent de sa juridiction, la responsabilité d'assurer la sécurité des réfugiés est confiée avant tout au gouvernement du pays d'asile, en coopération avec le HCR et d'autres organisations concernées. La sécurité des réfugiés exige aussi du pays d'origine qu'il respecte le caractère pacifique et humanitaire de l'octroi de l'asile et l'intégrité territoriale du pays d'asile. Pour assumer leur responsabilité d'assurer la sécurité des réfugiés, les pays d'asile demandent l'appui de la communauté internationale et la coopération des réfugiés eux-mêmes.
44. Le présent document décrit un certain nombre de mesures que les Etats, le HCR et les autres organisations concernées ont prises et peuvent prendre à l'avenir pour juguler les menaces qui pèsent sur la sécurité de la personne des réfugiés. Le HCR accueillera avec plaisir les remarques, les conseils et l'appui que les membres du Comité exécutif pourraient apporter concernant ces mesures et d'autres qui pourraient être adoptées, ainsi que toute autre mesure que la communauté internationale pourrait prendre pour assurer la sécurité et le bien-être des réfugiés.
Liste des conclusions sur la protection internationale des réfugiés adoptées par le Comité exécutif
1975
No. 1(XXVI) : Création du Sous-Comité plénier et conclusions générales, par. a).
1976
No. 2(XXVII) : Fonctionnement du Sous-Comité plénier et conclusions générales, par. a), f), g) et h).
1977
No. 3(XXVIII) : Conclusions générales, par. a) et b).
1979
No. 14(XXX) : Conclusions générales, par. c), d) et e).
No. 15(XXX) : Réfugiés sans pays d'asile, par. k).
1980
No. 16(XXXI) : Conclusions générales, par. e), f) et j).
No. 18(XXXI) : Rapatriement volontaire, par. f) et h).
No. 20(XXXI) : Protection en mer des personnes en quête d'asile.
1981
No. 21(XXXII) : Conclusions générales, par. f), g) et h).
No. 22(X)(III) : Protection des personnes en quête d'asile en cas d'arrivées massives, en particulier, par. Il B) 2) g).
No. 23(XXXII) : Problèmes liés au sauvetage des personnes en quête d'asile en détresse en mer.
1982
No. 25(XXXIII) : Conclusions générales, par. c) et 1). No. 26(XXXIII) : Rapport du groupe de travail chargé d'étudier les problèmes liés au sauvetage des personnes en quête d'asile en détresse en mer.
No. 27(XXXIII) : Attaques menées par des forces militaires contre des camps et des zones d'installation de réfugiés en Afrique australe et ailleurs.
1983
No. 29(XXXIV) : Conclusions générales, N.B. par. b), d) et j).
No. 3 1 (XXXIV) : Sauvetage des personnes en quête d'asile en détresse en mer.
No. 32(XXXIV) : Attaques militaires contre des camps et zones d'installation de réfugiés en Afrique australe et ailleurs.
1984
No. 33(XXXV) : Conclusions générales, par. e).
No. 34(XXXV) : Problèmes liés au sauvetage des demandeurs d'asile en détresse en mer.
No. 36(XXXVI) : Conclusions générales, par. f), g) et h).
No. 38(XXXVI) : Sauvetage des personnes en quête d'asile en détresse en mer.
No. 39(XXXVI) : Les femmes réfugiées et la protection internationale, par. d), e), f) et h).
No. 40(XXXVI) : Rapatriement librement consenti, par. b) et 1).
1986
No. 41(XXXVII) : Conclusions générales, par. j) et k).
No. 44(XXXVII) : Détention des réfugiés et des personnes en quête d'asile.
No. 45(XXXVII) Attaques militaires et armées contre des camps et des zones d'installation de réfugiés.
1987
No. 46(XXXVIII) : Conclusions générales, par. f). No. 47(XXXVIII) : Enfants réfugiés, par. e) et u).
No. 48(XXXVIII) : Attaques militaires et armées contre des camps et zones d'installation de réfugiés, N.B. par. 1) et 4)a) à 4)d).
1988
No. 50(XXXDC) : Conclusions générales, par. h) et i).
No. 54(XXXIX) : Femmes réfugiées.
1989
No. 55(XL) : Conclusions générales, par. c), h) et i).
No. 58(XL) : Problèmes des réfugiés et des demandeurs d'asile quittant de façon irrégulière un pays ou la protection leur a déjà été accordée, par. g) et i).
No. 59(XL) : Enfants réfugiés, par. h) et i).
No. 60(XL) : Femmes réfugiées, par. b) et c).
No. 61(XLI) : Conclusions générales, par. c) et d).
No. 64(XLI) : Les femmes réfugiées et la protection internationale, par. a)v), a)vi) et a)vii).
1991
No. 65(XLII) : Conclusions générales, par. c), j) et t).
1992
A/AC.96/804, par. 21 e), 21 s) et 21 w).
AIAC.96/804, par. 30 j).
1 Les circonstances spécifiques qui font l'objet, parfois périodiquement, de ces conclusions sont les suivantes : personnes en quête d'asile en détresse en mer (par exemple, conclusions No. 20(XXXI) de 1980, No. 26 MCX-M de 1982 et No. 31(XXXIV) de 1983); personnes en quête d'asile en cas d'arrivées massives (conclusion No. 22(XXXII) de 1981); mouvements irréguliers de personnes en quête d'asile et de réfugiés (conclusion No. 58(XL) de 1989); attaques militaires et armées contre des camps et des zones d'installation de réfugiés (conclusions No. 27(XXXIII) de 1982, No. 45(XXXVII) de 1986 et No. 48(XXXVIII) de 1987); protection des femmes et des enfants réfugiés (par exemple, conclusions No. 47(XXXVIII) de 1987, No. 54(XXXIX) de 1988 et No. 64(XLI) de 1990); détention (conclusion No. 44(XXXVII) de 1986 et dans le contexte du rapatriement librement consenti (conclusions No. 18(XXXI) de 1980 et No. 40(XXXVI) de 1985).
2 Résolution 39/140 (1980) de l'Assemblée générale des Nations Unies sur le rapport du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, par. 3 et 4.
3 Résolution 47/105 de l'Assemblée générale des Nations Unies sur l'Office du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, 16 décembre 1992.
4 Voir conclusion No. 48 (XXXVIII) de 1987.
5 Ibid.
6 Voir Note sur certains aspects de la violence contre les femmes réfugiées, EC/1993/SCP/CRP.2
7 Voir Convention relative au statut des réfugiés de 1951, préambule, par. 1 et 2.
8 Déclaration universelle des Droits de l'Homme, résolution 217 A (III), articles 3, 4, 5 et 9; Pacte international relatif aux droits civils et politiques, résolution 2200 A (XXI) de l'Assemblée générale, articles 6, 7, 8, 9 et 10. Voir aussi, notamment, Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, résolution 39/46 de l'Assemblée générale; Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, dix-huitième conférence des chefs d'Etat et de gouvernement, juin 1981, (Nairobi, Kenya), articles 4, 5 et 6; Convention américaine relative aux Droits de l'Homme, OEA/SER. K/XXVI/1.1, articles 4, 5, 6 et 7; Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales (Convention européenne), Conseil de l'Europe, Série des Traités Européens No. 5, articles 2, 3, 4 et 5.
9 Voir article 3 commun aux quatre Conventions de Genève du 12 août 1949; IVe Convention de Genève (relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre), articles 27, 29, 32 et 33; Protocole additionnel (Protocole I) (relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux), articles 51, 73 et 75-77; Protocole additionnel (Protocole II) (relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux), article 4.
10 Déclaration de Carthagène sur les réfugiés, 22 novembre 1984, par. III 4), III 6), III 7) et III 8).
11 Ibid.
12 Voir, par exemple, conclusion No. 48 (XXXVIII) du Comité exécutif de 1987 sur les attaques militaires et armées contre des camps et zones d'installation de réfugiés, par. 3 du préambule.
13 Conclusion No. 48 (XXXVIII) du Comité exécutif de 1987 sur les attaques militaires et armées conte des camps et zones d'installation de réfugiés, par. 4 a)
14 Déclaration sur l'asile territorial, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1967 (résolution No. 2312 (XXII)), par. 4 du préambule. Voir aussi Convention de l'OUA régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique (Nations Unies, Recueil des Traités No. 14691), article II 2). Cf. Conclusion No. 48 (XXXVIII) du Comité exécutif de 1987 sur les attaques militaires et armées contre des camps et zones d'installation de réfugiés, par. 3 du préambule.
15 Statut de l'Office du Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, résolution No. 428 (V) du 14 décembre 1950, annexe, par. 2.