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Traverser un continent vers la paix et la tolérance

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Traverser un continent vers la paix et la tolérance

Enfants soldats en Afrique de l'Ouest, Idrissa et Mohammed ont été contraints de combattre et d'être témoins d'atrocités inimaginables, même pour des adultes. Tous deux ont réussi à échapper à leurs ravisseurs et ont entamé de longs voyages à la recherche de protection et de sécurité, qu'ils ont finalement trouvées en Espagne.
10 Août 2005 Egalement disponible ici :

MADRID, Espagne, 10 août 2005 (UNHCR) - Chaque année, des milliers de personnes risquent leur vie en tentant la traversée de la mer Méditerranée dans des embarcations de fortune à la recherche d'une vie meilleure en Europe. Parmi eux on trouve des hommes, des femmes et des enfants qui ont fui un conflit dans leur pays d'origine et qui ont besoin d'un endroit sûr qui deviendra à nouveau leur maison.

Idrissa* était à peine adolescent lorsque ses proches ont été tués lors de la brutale guerre civile en Sierra Leone et qu'il fut contraint, en 1999, de fuir Freetown, la capitale. A 14 ans, il fut enrôlé de force par le groupe rebelle, le Front révolutionnaire uni. Après avoir été pris au piège pendant trois mois dans le conflit, il a pu s'échapper vers la Guinée voisine.

Lors de son retour en Sierra Leone, il trouva que les conditions de vie étaient difficiles en raison de son passé de militaire. « Tout le monde me regardait de façon suspicieuse comme si je portais encore une arme. Je me sentais différent, toujours jugé, n'appartenant plus à mon peuple », explique-t-il. Pour éviter le harcèlement quotidien, il repartit pour un autre voyage, d'abord en Guinée puis vers la Gambie.

Cependant, sans sécurité et protection, Idrissa a décidé de quitter l'Afrique vers l'Europe. « Prendre un bateau et laisser derrière moi le passé, les quelques proches survivants et mes amis fut très difficile. Je ne pouvais m'arrêter de pleurer pendant tout le voyage et mes espoirs d'un avenir meilleur s'évanouissaient kilomètre après kilomètre », se souvient-il.

Comme pour Idrissa, l'avenir de Mohammed* s'annonçait sombre en plein conflit civil en Guinée. A l'âge de 9 ans, on lui tira sur la main gauche, il en garde encore aujourd'hui la cicatrice. Peu après, ses parents ont été tués dans une attaque dans leur village de Forécariah, au sud-ouest de la Guinée. Il fut emmené et contraint de servir en tant qu'enfant soldat.

Lors de sa fuite, il entama un voyage avec son frère qui dura plus de deux ans et traversa des pays tels que le Sénégal, le Mali, la Guinée-Bissau, le Niger, la Mauritanie et l'Algérie. Il perdit son frère au cours d'une tempête dans le désert au Niger et poursuivit son voyage seul.

Le voyage fut mouvementé. Mohammed se souvient qu'au Maroc, un vieil homme le ramassa sur la route et soigna ses pieds, complètement enflés et infectés par ce long périple. Plus tard, il rejoignit un groupe qui souhaitait aller en Espagne, en traversant la forêt de Bel Younes, près de Ceuta, la petite enclave espagnole en Afrique du Nord. Ils ont été arrêtés par les policiers marocains alors qu'ils tentaient d'escalader la haute barrière de barbelés érigée entre le Maroc et Ceuta.

Située seulement à quelques kilomètres au-delà du détroit de Gibraltar, l'Espagne semblait appartenir à une autre planète pour des garçons désespérés comme Mohammed et Idrissa. Ceux qui réussissent à franchir ce détroit arrivent souvent en très mauvaise condition physique et psychologiquement éprouvés par le voyage.

Selon la législation espagnole, l'entrée irrégulière d'un demandeur d'asile n'est pas sanctionnée si la personne intéressée peut prouver aux autorités qu'elle remplit les critères pour être reconnue comme réfugié. En tant que tel, le demandeur d'asile doit apporter des faits concrets et probants indiquant ses craintes fondées de persécution avant qu'il ne soit admis pour une procédure d'asile. Les entretiens sont menés soit par l'Office espagnol de l'asile et des réfugiés ou par les autorités de police, et les décisions sur les demandes doivent être rendues dans les quatre jours pour être admissibles à la procédure régulière de détermination du statut de réfugié.

L'UNHCR est informé de toutes les demandes d'asile et dispose d'un accès libre pour rendre visite aux demandeurs d'asile et consulter leur dossier. Le personnel de l'agence se tient toujours prêt à assister les nouveaux arrivants tels que Idrissa ou Mohammed qui ont pu subir des traumatismes, sont désorientés et incertains de leurs droits et des procédures quant à leur demande.

« Notre rôle est essentiel, nous donnons notre avis sur l'admissibilité des demandes faites aux points de frontière ou à l'intérieur du territoire espagnol », dit le délégué de l'UNHCR en Espagne, Carlos Boggio. Cela est particulièrement important lorsque les personnes dont l'admissibilité est refusée à la frontière décident de faire appel auprès du Haut tribunal national.

« Selon la législation, dans les cas où l'avis de l'UNHCR consiste à admettre le demandeur d'asile dans la procédure d'asile et que le Ministère de l'intérieur refuse, le demandeur est autorisé par le Tribunal à entrer sur le territoire, en attendant une décision finale sur son admissibilité par ce même Tribunal », explique Carlos Boggio.

Les personnes qui demandent l'asile en Espagne, et non pas aux points frontières tels que décrits ci-dessus, disposent de 60 jours avant que leur demande soit jugée admissible dans la procédure d'asile ou pas. Pendant ce temps, un document d'identité temporaire leur est délivré par les autorités gouvernementales concernées.

En août 2004, Idrissa, l'ex enfant-soldat sierra-léonais, a demandé l'asile en Espagne et, après plusieurs entretiens avec l'Office espagnol de l'asile et des réfugiés et l'UNHCR, on lui accorda une forme complémentaire de protection en juin 2005. Maintenant âgé de 20 ans, sa priorité majeure est de reprendre ses études secondaires, interrompues à maintes reprises par le conflit. Même s'il se réjouit de sa nouvelle vie, il dit qu'il n'oubliera jamais les jours affreux passés au front.

Son homologue guinéen, Mohammed, a soumis une demande d'asile auprès de l'ambassade espagnole à Rabat, au Maroc, en avril 2005. Il a été reconnu réfugié en juillet et vit maintenant dans un centre pour mineurs non accompagnés à Madrid.

Malgré tous les obstacles, il n'a jamais abandonné l'espoir de trouver un havre de sécurité parce que, dit-il, « j'ai voulu retourner à l'école pour continuer mon entraînement de football ». Agé maintenant de 14 ans, Mohammed ne sait pas où se trouvent les survivants de sa famille ou si sa maison existe encore en Guinée. La seule chose qu'il sache assurément est qu'une nouvelle ville, une nouvelle école et de nouveaux amis l'attendent en Espagne. « Je dois tout reprendre à zéro mais, au moins, c'est un endroit sûr. Cela me donne de la force. »

* Noms fictifs

Par Francesca Fontanini, UNHCR Madrid