Royaume-Uni : Une famille aide un adolescent syrien à oublier les horreurs de la 'Jungle'
Royaume-Uni : Une famille aide un adolescent syrien à oublier les horreurs de la 'Jungle'
EPSOM, Angleterre – Abdul, un réfugié syrien de dix-neuf ans, a fait forte impression sur Ingrid Van Loo Plowman, bénévole caritative, lorsqu’elle l’a rencontré dans un hôtel pour demandeurs d’asile situé dans la ville anglaise de Birmingham.
Ils sont restés en contact et Ingrid, ancien médecin, l’a invité à lui rendre visite, à elle et à Ross, son fils de 14 ans, dans le bourg d’Epsom, juste à l’extérieur de Londres. Les adolescents se sont si bien entendus qu’elle a invité Abdul à emménager chez elle une fois qu’on lui aurait accordé l’asile.
« J’ai rencontré Abdul et il m’a immédiatement fait forte impression parce qu’il faisait tant d’efforts pour parler l’anglais et qu’il était si impatient d’aller à l’université », explique Ingrid. « Nous sommes restés en contact par Facebook et je lui ai envoyé des livres. »
Abdul a fui la Syrie en 2014 lorsqu’une bombe a pulvérisé son quartier et que des roquettes ont détruit sa maison. Sa famille s’est rendue en Turquie d’où il est parti pour le Liban où il a passé un an à faire des petits boulots pour économiser assez d’argent pour se rendre en Grèce.
Il a réussi à entrer au Royaume-Uni après avoir passé quatre semaines dans le camp de fortune pour migrants et demandeurs d’asile appelé la « Jungle », situé aux abords de Calais sur la côte française.
Rien ne l’avait préparé aux conditions horribles du bidonville tristement célèbre, qui fut démoli par les autorités françaises en octobre 2016.
« J’étais certain que j’allais mourir. Je n’avais jamais de toute ma vie été aussi terrorisé. »
« À Calais, les gens mouraient littéralement autour de nous. C’était terrifiant et très dangereux », explique-t-il. « J’étais certain à 100 pour cent que j’allais mourir. Je n’avais jamais de toute ma vie été aussi terrorisé. »
Lorsqu’enfin il atteignit les côtes britanniques à l’arrière d’un train, il était si heureux qu’il serra contre lui les agents de l’immigration britannique qui l’appréhendèrent. Avec 500 autres jeunes demandeurs d’asile, Il fut placé dans un hôtel à Birmingham.
Ingrid, qui avait cessé d’exercer comme médecin pour mieux se concentrer sur le fait d’élever ses trois enfants, travaillait comme bénévole avec des réfugiés en Grèce et aussi dans la Jungle de Calais.
Aujourd’hui, elle gère sa propre œuvre de bienfaisance appelée CalAid Surrey et rencontra Abdul lors d’une visite fortuite à l’hôtel où il séjournait.
Quelques mois plus tard, Abdul reçut ses documents de résidence et il a dû rechercher son propre logement. Ingrid, qui héberge des réfugiés par le biais d’une organisation appelée Refugees At Home, l’a invité en juin 2016 à passer une journée à Epsom.
Ses deux enfants aînés avaient déménagé et seul Ross vivait encore à la maison. Les deux garçons ont nagé, joué au foot et à des jeux vidéo. Ils se sont tellement bien entendus qu’à la fin de la journée, Ingrid invita Abdul à emménager chez elle.
« J’étais ravi », précise Abdul. « Ingrid est une maman formidable. Elle m’aide avec tout. Ma famille me manquait tellement mais quand j’ai emménagé ici même ma mère m’a dit ‘Est-ce que tu m’oublies ?’ » Il rit. « J’espère vraiment qu’un jour je pourrai travailler et la dédommager d’une façon ou d’une autre. Ma vie a changé et c’est entièrement grâce à elle. »
« Héberger des réfugiés est l’expérience la plus enrichissante qui soit. »
Abdul étudie l’anglais à plein temps et veut faire un cursus de génie civil à l’université.
« En Syrie, à mon âge je serais déjà à l’université », ajoute-t-il. « Ici, j’étudie encore l’anglais. J’ai dû repartir de zéro. Ce n’est pas une vie facile, c’est dur. Il est difficile de s’adapter à cette nouvelle langue et nouvelle culture, même ici dans cette famille merveilleuse. Ce n’est pas facile mais je ne renoncerai pas. »
Ingrid précise : « C’est comme s’il était mon fils. Je suis vraiment fière de lui et si impressionnée par sa ténacité et son intégrité. Il constitue un exemple formidable pour mon jeune fils. »
Ingrid héberge deux autres réfugiés : Isak, 18 ans, d’Éthiopie, qui a emménagé en octobre dernier et parle peu l’anglais et un ingénieur de 31 ans du Moyen-Orient qui n’a pas voulu être identifié pour des raisons de sécurité.
« Je leur dis constamment : un jour vous me rendrez la pareille en occupant un bon poste et en parlant bien l’anglais », ajoute Ingrid. « Héberger des réfugiés est l’expérience la plus enrichissante qui soit. J’encourage vivement les gens à se renseigner là-dessus. »
Ross explique que rencontrer Abdul et d’autres réfugiés a eu un profond impact sur lui.
« Au début j’étais un peu décontenancé par cette idée mais, maintenant, ce sont comme des frères pour moi », raconte-t-il. « Avant je voulais me lancer dans les affaires ou l’économie mais j’ai l’impression qu’on m’a ouvert les yeux. Je veux changer les choses et peut-être devenir avocat spécialisé dans les droits de l’homme. »
Il dit que cette expérience lui a appris à être reconnaissant d’avoir un vrai foyer et de ne pas vivre dans la peur.
« Aujourd’hui, quand je vois des gens travailler et qu’ils ont un accent, je me dis qu’ils doivent avoir une histoire très intéressante et je me rends compte combien il leur a été difficile de venir ici. »
Cette histoire fait partie d’une série appelée No Stranger Place, conçue et réalisée par Aubrey Wade en partenariat avec le HCR, présentant des réfugiés et leurs familles hôtes dans toute l’Europe. Plus de trois ans après la noyade d’Alan Kurdi, un petit réfugié syrien de trois ans, des milliers de gens se sont rassemblés pour combler les clivages culturels et les barrières de la langue, prenant parti pour la compassion, l’espoir et l’humanité - malgré le fait que certains gouvernements européens continuent à dresser des obstacles. Leur générosité est un exemple pour toute l’humanité.