Questions/Réponses : L'exil prolongé en Tanzanie
Questions/Réponses : L'exil prolongé en Tanzanie
GENEVE, 19 décembre (UNHCR) - Le Gouvernement tanzanien a reçu une ovation de la part de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés et d'autres acteurs pour ses efforts déterminés et éclairés mis en oeuvre pour mettre un terme à l'exil prolongé. Le pays accueille un grand nombre de réfugiés originaires du Burundi, du Rwanda et de la République démocratique du Congo (RDC). Certains des Burundais ont fui vers la Tanzanie en 1972 et la plupart d'entre eux ne veulent pas rentrer dans leur pays. Le Premier Ministre Mizengo Peter Pinda était à Genève la semaine dernière et il a prononcé un discours-programme lors du Dialogue du Haut Commissaire pour les réfugiés sur les défis de la protection. Cette réunion, qui a lieu chaque année, s'est concentrée sur les principales situations d'exil prolongé. Il s'est entretenu avec l'éditeur du site Internet du HCR, Leo Dobbs.
Parlez-nous de la situation des réfugiés dans votre pays.
Le fardeau représenté par la situation de réfugiés en Tanzanie s'est un peu allégé récemment. Non pas car nous n'hébergeons plus de réfugiés, nous avons toujours des réfugiés dans notre pays. Nous vivons cependant avec ce problème depuis longtemps, alors nous avons appris à gérer la plupart des problèmes de base.
En terme quantitatif, un nombre important de réfugiés se trouvent toujours dans notre pays. Par exemple, le nombre des Burundais arrivés en 1972 dont nous nous occupons dans trois zones [dites « d'anciennes installations »] a diminué de façon importante, mais on compte toujours plus de 100 000 réfugiés au total dans le pays.... Nous estimons que nous pouvons gérer ces réfugiés [originaires du Burundi, du Rwanda et de la République démocratique du Congo] si les choses se passent bien dans leur pays d'origine.
Le programme de rapatriement volontaire des réfugiés dépend en grande partie de la situation dans leurs pays d'origine.... Si la paix est établie, les gens sont rassurés, si la paix n'est pas restaurée, les gens ressentent alors une insécurité et ils restent coûte que coûte dans les pays où ils ont trouvé refuge. Nous sommes un peu plus confiants après avoir conclu un accord avec le Rwanda et le Burundi. Nous avons toujours un problème avec la RDC [environ 80 000 réfugiés congolais se trouvent en Tanzanie], mais nous espérons aussi qu'il se règlera, si la communauté internationale et les pays de la région continuent à collaborer conjointement.
Nous avons accepté le principe de l'intégration locale en Tanzanie pour ceux qui disent toujours ressentir une insécurité dans leur pays d'origine ou qui ne veulent pas rentrer simplement car ils vivent en Tanzanie depuis trop longtemps. Cela ne nous pose pas de problème, mais l'aide de la communauté des donateurs sera grandement nécessaire pour les intégrer localement de façon appropriée et efficace. Les intégrer localement ne sert à rien s'ils sont juste laissés à eux-mêmes dans certaines régions et si on leur dit « maintenant c'est à vous de trouver les moyens pour survivre. » Nous espérons que la communauté internationale prendra cette question au sérieux et que ceux qui décident de prendre la nationalité tanzanienne recevront au moins une aide au début de leur intégration locale.
Parlez-nous de la politique adoptée l'année dernière pour résoudre la question de l'exil prolongé des Burundais arrivés en 1972.
Cette politique donne tout simplement la possibilité à ces réfugiés de décider s'ils veulent rentrer dans leur pays ou s'ils veulent rester en Tanzanie. Très peu d'entre eux ont décidé de rentrer - seulement 20 pour cent ont dit qu'ils étaient prêts à retourner au Burundi. Par contre, 80 pour cent ont dit qu'ils voulaient rester en Tanzanie. Je peux en comprendre la raison. La plupart d'entre eux sont nés en Tanzanie, ils gagnent leur vie en Tanzanie et certains ont acquis diverses compétences dans le pays. Aucun ne ressent d'appartenance à son pays d'origine.
Le seul obstacle consiste à assurer que nous intégrons ces personnes en évitant qu'elles ne ressentent un abandon. Ce que nous demandons à la communauté internationale, c'est de comprendre que nous ne voulons pas que ces personnes restent dans les mêmes camps, les anciennes zones d'installation.... Laissons-les vivre dans d'autres communautés, et autant que possible au côté d'autres Tanzaniens. Cela pourrait causer quelques problèmes pour essayer de leur fournir une assistance, mais nous connaissons la situation sur place - cela peut se faire si l'idée est acceptée.
Cela dépendra vraiment de la façon dont la communauté internationale répondra à l'approche que nous suggérons aux réfugiés. Nous ne voulons pas qu'ils [les Burundais] restent dans les mêmes endroits parce que nous ne voulons pas qu'ils continuent à se considérer comme des réfugiés. Nous voulons qu'ils soient intégrés dans la société.
Quels sont les défis à relever ?
Le premier est de préparer la société où les réfugiés seront intégrés. Nous devons sensibiliser les communautés locales à ne pas ressentir que nous les forçons à accepter des réfugiés.... Nous devons prendre en compte une situation où les gens disent, « oh, ils font venir des criminels dans notre voisinage. » Alors nous devons les préparer [les membres des communautés locales] à ce que, quand ces personnes [des réfugiés] arrivent dans leurs villes, nous ne verrons apparaître aucune sorte de stigmatisation qui nous créerait des problèmes dans la politique d'intégration locale.
Le second défi concerne l'aspect financier. Nous devons aider ces personnes, mais nous ne pouvons pas le faire nous-mêmes. Nous devons être aidés par d'autres pays de la communauté internationale.... Nous aurons besoin d'un peu de temps pour nous préparer, pour que nous sachions exactement quelle charge financière représentera le transfert de ces personnes. Nous étudions environ 10 régions dispersées dans tout le pays.... L'aspect financier sera quoiqu'il arrive un casse-tête pour nous et nous aurons besoin d'une aide dans ce domaine.
Le peuple tanzanien se montre-t-il solidaire ?
Je dirais oui, car nous vivons au côté de ces personnes depuis de nombreuses années. L'aspect sensibilisation consiste simplement à garantir que lorsque vous transférez quelqu'un dans un autre lieu, le village d'accueil - ou la zone d'accueil - doit y être préparé. Non pas que vous craignez un éventuel refus [d'accepter les réfugiés], je ne le pense pas. Par contre, vous avez vraiment besoin que les personnes [les membres des communautés d'accueil] fassent partie intégrante du projet, pour qu'elles sachent exactement ce qui va se passer. C'est important car si la communauté internationale décide d'aider les réfugiés sans que nous ayons sensibilisé les communautés locales, les membres de ces communautés locales pourraient demander pourquoi les réfugiés reçoivent une aide et pas eux. Un habitant pourrait dire, « Il a reçu une belle maison, alors que je vis dans une vieille maison. »
Nous ne souhaitons pas que les Burundais soient différents des membres de la communauté locale. Mais nous souhaitons qu'ils reçoivent au moins une assistance élémentaire. Dans des domaines comme l'éducation, les services de santé et d'aide sociale, chacun bénéficiera du même accès. C'est le démarrage qui nous préoccupera probablement le plus.
Votre collaboration avec le HCR est-elle importante ?
Le HCR est une organisation importante avec laquelle nous travaillons étroitement et efficacement. Au contraire de certains pays, comme la Sierra Leone, nous n'avons pas constitué de commission nationale spécifique qui gère la question des réfugiés. Cette question relève de la responsabilité du Ministre de l'intérieur [Lawrence Masha], du gouvernement dans son ensemble et du HCR.
Le HCR est un excellent partenaire qui nous appuie dans l'aide en faveur des réfugiés. Le HCR a eu des idées novatrices pour aider les réfugiés dans les zones d'accueil où ils vivent actuellement. L'agence a aussi joué un rôle clé dans le programme de rapatriement.
Pourquoi avez-vous décidé de venir en personne au Dialogue ?
J'ai ressenti que j'avais l'obligation de venir. Le problème des réfugiés concerne toutes les parties du monde, mais nous-mêmes le gérons en Tanzanie depuis bien longtemps maintenant. Nous pensions que partager notre expérience avec des représentants d'autres pays enverrait un signal à l'attention de tous les participants à ce Dialogue, un signal selon lequel nous traitons ce problème très sérieusement et au plus haut niveau. Et si l'invitation avait été envoyée au Président [Jakaya Mrisho Kikwete], j'aurais attendu de lui qu'il vienne aussi. En effet, nous donnons une priorité élevée au problème des réfugiés en termes de restauration de la paix et de la stabilité dans la région.
Vous estimez qu'il devrait y avoir un meilleur partage du fardeau dans la gestion du problème des réfugiés. Pouvez-vous nous en parler ?
Je crois vraiment que la communauté internationale a tendance à penser que c'est le problème des pays hôtes. J'estime que ce n'est pas vrai. Les conventions et protocoles [relatifs au statut des réfugiés] donnent des obligations aux pays hôtes ; dès qu'un réfugié court vers un autre pays, nous ne pouvons pas refuser ce réfugié. Nous disons : « Oui, mais partageons alors ce fardeau entre le pays d'origine, le pays hôte et la communauté internationale sous le patronage du HCR. » La gestion de l'exode depuis un pays d'origine et des problèmes qui s'ensuivent ne devrait pas être laissée à la seule responsabilité du gouvernement d'un pays comme le nôtre, qui est pauvre et qui a besoin d'aide. Nous pensons plutôt que ces conventions et ces protocoles devraient être examinés pour que nous sachions exactement comment nous allons partager ce fardeau.... Nous estimons qu'il est également possible de partager la part d'obligation du pays d'origine.