La crise des réfugiés maliens : l'une des urgences humanitaires les plus négligées au monde
La crise des réfugiés maliens : l'une des urgences humanitaires les plus négligées au monde
CAMP de DAMBA, Burkina Faso, 2 août (HCR) - Le Haut Commissaire António Guterres a appelé les pays donateurs à accroître leur soutien à l'opération d'aide aux réfugiés maliens - qui manque cruellement de financement - dans une région qui peine à nourrir sa propre population.
Le Haut Commissaire a lancé cet appel, lors de sa visite de trois jours au Burkina Faso. Ce pays accueille 107 000 réfugiés maliens, soit la population réfugiée la plus importante par rapport aux autres pays de la région. Mercredi, il s'est rendu à Damba, dans un camp de réfugiés maliens au nord de Burkina Faso avec Anne C. Richard, la Secrétaire d'Etat américaine adjointe à la Population, aux Réfugiés et à la Migration (BRPM), pour attirer l'attention sur l'une des crises de réfugiés et des urgences humanitaires les plus négligées au monde.
Plus de 250 000 personnes ont fui le Mali ces six derniers mois, depuis que des combats ont éclaté entre les forces gouvernementales, les rebelles touaregs et divers groupes armés. En plus des réfugiés se trouvant au Burkina Faso, on compte également 96 000 réfugiés maliens en Mauritanie et 53 000 autres au Niger. Par ailleurs, 174 000 civils sont déplacés à l'intérieur du Mali.
« Nous comptons désormais 257 000 réfugiés originaires du Mali qui sont exposés à de profondes souffrances et à de nombreuses privations », a déclaré António Guterres au camp de Damba, où sont accueillis environ 1 200 réfugiés maliens. « Ils ont dû franchir les frontières de pays très pauvres soumis eux-mêmes à des problèmes dramatiques dans le domaine de la sécurité alimentaire : le Niger, la Mauritanie et le Burkina Faso. Les réfugiés maliens ont trouvé une générosité fantastique dans leurs pays d'accueil qui partagent avec eux tout ce qu'ils ont, mais ils attendent toujours un geste de la part de la communauté internationale. Nous, les agences d'aide humanitaire, faisons notre possible pour répondre à leurs besoins essentiels en eau, en nourriture, en installations sanitaires et en soins de santé. »
Après six mois de conflit au Mali, le HCR reste aux prises avec une sévère pénurie de fonds. Malgré un récent don des Etats-Unis d'une somme de 10 millions de dollars en parallèle avec d'autres contributions de bailleurs de fonds, l'agence pour les réfugiés a reçu seulement un tiers des fonds nécessaires pour aider les Maliens déracinés. Sur l'appel de fonds de 153 millions de dollars, le HCR n'a jusqu'ici reçu que 49,9 millions de dollars.
« Par mon appel à la communauté internationale, je demande aux pays donateurs de montrer aux réfugiés maliens ainsi qu'aux Gouvernements du Burkina Faso, du Niger et de la Mauritanie, le même niveau de solidarité dont ces gouvernements ont fait preuve envers les réfugiés maliens », a déclaré Anne C. Richard, la Secrétaire d'Etat américaine adjointe à la Population, aux Réfugiés et à la Migration (BRPM). « Il y a beaucoup d'autres crises à travers le monde, alors je pense que les gens se lassent d'entendre parler de crises. Toutefois, nous savons qu'un peu d'aide peut faire beaucoup. Donc, nous espérons que nous pourrons convaincre d'autres donateurs à en savoir davantage sur cette situation et à prendre des mesures positives en faveur des réfugiés maliens. »
Au camp de Damba, António Guterres et Anne C. Richard se sont rendus dans un centre d'enregistrement où une équipe du HCR enregistre et collecte des informations détaillées sur le nombre réel et le profil des réfugiés qui se trouvent dans les sites formels. Cette information permettra au HCR de fournir une assistance appropriée aux réfugiés en fonction de leurs besoins. Ce travail d'enregistrement doit avoir lieu dans tous les sites formels accueillant des réfugiés maliens au Burkina Faso ces prochaines semaines.
Les réfugiés au camp de Damba reçoivent 14,5 litres d'eau par personne et par jour, grâce à deux puits creusés par le HCR et aux réservoirs d'eau gérés par Oxfam. Les réfugiés et la population locale peuvent également utiliser le centre de santé géré par Médecins du Monde. Le paludisme, les infections respiratoires et les parasites intestinaux sont les affections les plus courantes.
La plupart des réfugiés du camp ont quitté la ville de Gossi au nord du Mali, en prévision d'attaques. Les nouveaux arrivants témoignent de l'émergence de nouveaux groupes extrémistes armés dans le nord du Mali depuis mars, ce qui pousse de plus en plus d'habitants à quitter leurs maisons.
Oumey, 25 ans, est arrivé au camp de Damba le 20 juillet, après avoir marché pendant deux semaines. « La peur m'a poussé à quitter ma maison », a-t-il expliqué à António Guterres et Anne C. Richard dans sa tente. « J'ai vu de mes propres yeux des gens se faire tuer quand Gossi est tombé aux mains des groupes armés à la fin juin. Je ne voulais pas attendre mon tour. »
Ses invités ont également rencontré Raichatou, une grand-mère âgée de 62 ans qui a fui le Mali avec 13 membres de sa famille, y compris son fils handicapé mental. Ils ont marché pendant deux semaines avec un âne, un peu d'eau et quelques vivres. Sur les 430 chèvres qu'ils ont emmenées avec eux, seules 30 d'entre elles ont survécu au long périple. Le reste du troupeau est mort de déshydratation.
« Nous sommes partis car tout le monde autour de nous quittait les villages. Nous avons paniqué. Nous avons entendu que les grandes villes sont tombées aux mains des groupes armés », a déclaré Raichatou. Elle se sent désormais à l'abri au Burkina Faso et ne rentrera au Mali que lorsque la paix y sera rétablie.
António Guterres a souligné les difficultés rencontrées par le HCR et d'autres agences humanitaires pour aider ces réfugiés. « Quand vous avez plus de 250 000 personnes arrivées dans des zones semi-désertiques de pays sans littoral, avec d'énormes problèmes logistiques, quand ces pays eux-mêmes sont confrontés à des défis exceptionnels non seulement en matière de développement mais aussi dans leur capacité à nourrir leur propre population, il est évident que toutes les ressources que nous pouvons trouver restent longtemps inférieures aux besoins auxquels nous sommes confrontés », a-t-il déclaré. « C'est pourquoi je souhaite que l'attention de la communauté internationale se concentre davantage sur la situation au Mali. »
António Guterres et Anne C. Richard devaient rencontrer jeudi de hauts responsables de l'administration burkinabé, y compris le Président et le Ministre des Affaires étrangères, à Ouagadougou, la capitale du pays. Ils rencontreront également d'autres agences des Nations Unies et des partenaires non gouvernementaux pour discuter de la crise des réfugiés maliens, de la situation humanitaire au Mali et des répercussions sur les pays voisins.
Par Hélène Caux
Au Camp de Damba et à Ouagadougou, Burkina Faso