Grandir dans un camp de réfugiés
Grandir dans un camp de réfugiés
IRIDIMI, Tchad, 3 août (UNHCR) - Comme beaucoup de filles de 11 ans, Fatouma aime chanter, danser et jouer au volley avec des amis. Mais à la différence d'autres enfants ailleurs dans le monde, elle pratique ses passe-temps dans un camp de réfugiés, à l'est du Tchad.
« C'est comme vivre dans une prison et ce n'est pas chez moi », raconte-t-elle de sa vie au camp d'Iridimi, où elle et sa famille cohabitent, depuis un an, avec près de 15 000 réfugiés depuis leur fuite de la région du Darfour, à l'ouest du Soudan.
Pour briser la routine quotidienne, Fatouma et ses amis donnent des spectacles de danse traditionnelle ou interprètent des chants soudanais lors de célébrations à Iridimi. En fait, il y a relativement peu de motifs de festivités pour ces enfants et leur famille qui ont fui leur pays par crainte d'être battus, violés ou tués.
Les enfants représentent 60 pour cent des 200 000 réfugiés soudanais accueillis dans 12 camps de l'est du Tchad. L'UNHCR travaille avec l'UNICEF et d'autres partenaires pour s'assurer de la mise en place, dans les camps, d'activités spécifiques pour les enfants.
Adolphe Mbaikouma Thomtet, chargé de protection pour l'UNICEF à Iridimi, travaille quotidiennement avec des enfants dans le camp. Lui-même ancien réfugié, il sait reconnaître la détresse se cachant derrière les grands sourires et « l'appel à l'aide » au-delà des rires.
« Au début, vous ne faites pas la différence entre un jeune réfugié soudanais et un jeune Tchadien car ils se ressemblent et portent le même type de vêtements usés », dit-il. « Mais en y regardant de plus près, l'enfant réfugié finit par vous confier sa souffrance et ses craintes. Ils se demandent tous pourquoi ils sont réfugiés et pourquoi ils doivent vivre dans un camp. Ils craignent toujours des attaques de milices armées, ils ont peur du vent qui fouette les tentes la nuit. Et ils ont tous le même leitmotiv : 'nous voulons revoir notre maison, nos amis'. »
Au camp d'Iridimi, une ONG américaine, Christian Children's Fund (CCF), a mis en place des programmes d'éveil pour les enfants d'âge préscolaire et scolaire pour leur réapprendre à jouer et à rire.
Pauline Deinsi, l'une des délégués de CCF, explique que les enfants réfugiés savent qu'ils ne sont pas chez eux au camp et qu'ils sont des étrangers. « Quand ils sont arrivés il y a un an, les jeunes Soudanais parlaient peu et restaient en retrait. Un an après, les enfants sont moins craintifs, ont davantage confiance en eux, cela se ressent dans leurs dessins et leurs chansons. Ils sont aussi plus heureux. »
La protection des enfants consiste aussi à identifier les enfants séparés de leurs familles ou encore les mineurs non accompagnés. Les agences d'aide humanitaire estiment que plusieurs centaines d'enfants réfugiés dans les camps de l'est du Tchad sont séparés de leurs parents et vivent avec des membres de leur famille ou des proches. L'UNHCR veille de même sur les enfants devenus chef de famille par la force des choses. L'agence cherche enfin à prévenir l'exploitation et la violence contre les enfants et sensibilise les réfugiés contre les dangers des pratiques traditionnelles comme les mutilations génitales des jeunes filles ainsi que les mariages précoces et contraints.
Un autre défi consiste à promouvoir l'importance de l'éducation auprès des filles et des garçons qui doivent souvent aider leur famille dans les tâches quotidiennes telles que l'approvisionnement en eau avec de longues attentes aux point d'eau, la collecte de bois de chauffage alentour, la surveillance du troupeau ou la responsabilité des frères et soeurs plus jeunes. Parmi plus de 70 000 enfants en âge scolaire dans les camps, plus de 54 000 sont allés à l'école l'année dernière.
Des comités de jeunes ont aussi été mis en place pour que la voix des enfants soit entendue et leurs points de vue pris en compte. C'est une part importante du travail de protection dans les 12 camps de l'est du Tchad.
En dépit de la dure vie en exil, les jeunes réfugiés ne se lassent pas de rêver. Beaucoup veulent devenir instituteurs, chanteurs ou médecins MSF « pour visiter de nombreux pays ». Fatouma dit vouloir « étudier et devenir institutrice puis rentrer à la maison au Darfour ... seulement quand la paix sera revenue. »
Mais Fatouma et ses amis peuvent uniquement espérer que le monde ne les oubliera pas.
Par Ginette Le Breton à Abéché, Tchad