En Afrique du Sud, les réfugiés peinent à survivre en milieu urbain
En Afrique du Sud, les réfugiés peinent à survivre en milieu urbain
PRETORIA, Afrique du Sud, 7 décembre (HCR) - Alors que le jour pointe en Afrique du Sud, Telmore Mutinhima se bat pour dormir sur son matelas élimé et crasseux. C'est ce qu'il possède de plus précieux - c'est son unique bien.
Une odeur de transpiration règne dans l'entrepôt abandonné où Telmore est allongé dans une cabine parmi d'autres dormeurs agités. Il pense à la journée qui commence. Le demandeur d'asile zimbabwéen sait bien qu'il devra bientôt se forcer à se lever pour chercher du travail. « Je prendrai n'importe quoi », déclare-t-il. « Nécessité fait loi. »
Il y a à peine un an, il menait une vie agréable - un travail sur un chantier de construction, une chambre en location dans le township d'Atteridgeville à Pretoria et suffisamment d'argent pour s'offrir trois vrais repas par jour et en envoyer un peu à sa famille au Zimbabwe. Tout cela s'est terminé lors d'une vague de xénophobie en mai 2008.
Telmore, son compatriote aveugle Philip Moyo et des dizaines de milliers d'autres ont été obligés de sauver leur peau en fuyant les townships de tout le pays tandis que des tensions croissantes entre les Sud-africains et les étrangers - principalement des Africains, y compris des réfugiés et des demandeurs d'asile - tournaient à la violence, faisant plusieurs dizaines de morts.
La situation s'est considérablement calmée depuis lors, mais la vie a complètement changé pour un grand nombre de personnes contraintes de fuir leur foyer qui, comme Telmore, ont été expulsées d'Atteridgeville par une foule résolue à se débarrasser de la communauté étrangère accusée de profiter des programmes de prestations sociales.
« Je me suis enfui juste à temps », se rappelle Telmore, qui n'est jamais revenu pour tenter de réclamer ses biens. « A quoi bon ? Tout a disparu depuis longtemps », dit-il avec résignation. Il a trouvé le précieux matelas dans l'une des nombreuses décharges de Pretoria.
Mais si Telmore est sans ressources et sans emploi, au moins il est entouré de gens qui comprennent et partagent ses souffrances. Près de 200 réfugiés, demandeurs d'asile et autres Zimbabwéens vivent dans cet entrepôt décrépit. Pour faire la cuisine et le lavage, ils prélèvent l'eau d'une rivière voisine - contrairement à de nombreux autres pays de ce continent, l'Afrique du Sud n'a pas de camps de réfugiés.
Telmore a aussi une préoccupation constante : nourrir et prendre soin de Philip dans la grande ville. « Qui d'autre prendra soin de lui ? » demande-t-il, en haussant les épaules. « Quand nous avons quitté notre pays pour l'Afrique du Sud, nous espérions une protection et l'opportunité d'améliorer notre vie, mais nous étions peut-être mieux lotis au Zimbabwe. Au moins, nous serions en train de nous lutter parmi les nôtres. »
C'est justement le fait que les étrangers aient réussi à trouver du travail et à monter de petits commerces - deux activités autorisées par le droit sud-africain - qui a contribué au ressentiment et à la xénophobie de la population locale. La situation a empiré quand la récession mondiale a atteint l'Afrique du Sud. De nombreux employeurs ont pris le parti de la population locale - qui prétendait que les expatriés volaient leur travail et leurs moyens de subsistance - et ils ont licencié les étrangers.
Telmore affirme qu'il a été licencié parce que les employeurs prétendaient qu'ils devaient détenir des documents d'identité sud-africains. « Beaucoup d'entre nous ont été licenciés… parce que nos permis en tant que demandeurs d'asile étaient considérés comme faux et non valides », dit-il, en ajoutant : « Ils ne nous disaient pas cela quand ils nous payaient des salaires de misère. »
L'ignorance des droits des réfugiés et des demandeurs d'asile est une question essentielle, explique Monique Ekoko, l'administrateur régional principal chargé des questions de protection au sein du bureau du HCR basé à Pretoria. « Même quand les réfugiés disposent de documents délivrés de manière officielle, l'absence de reconnaissance de ces documents par les institutions et les employeurs est un obstacle important pour la jouissance de leurs droits sociaux et économiques », affirme-t-elle, tout en ajoutant : « C'est là que commence le principal défi pour l'intégration locale des réfugiés. »
Ce problème n'est pas nouveau : une étude menée par le HCR ces trois dernières années à Johannesburg, à Pretoria, au Cap, à Durban et à Port Elizabeth montre que de nombreux réfugiés étaient dans l'incapacité de trouver un emploi en raison de la non-reconnaissance de leurs documents. Leur situation a toutefois empiré du fait de la crise économique.
« Nous luttons quotidiennement tant bien que mal », affirme Telmore, qui cherche dans les poubelles pour trouver des restes de nourriture. « Mon dernier repas remonte à deux jours. Je dois me débrouiller avec ce que je peux trouver », ajoute-t-il.
Quand ils n'ont pas de travail, les demandeurs d'asile ont aussi des difficultés d'accès à l'éducation et aux soins médicaux. En attendant, la fréquence de renouvellement des permis en tant que demandeurs d'asile s'accompagne de niveaux d'absentéisme élevés. « Cela suffit pour qu'un employeur licencie un salarié réfugié. C'est une situation inextricable », fait remarquer Monique Ekoko du HCR.
Le HCR est extrêmement préoccupé par les perspectives des réfugiés vivant en milieu urbain en Afrique du Sud. « La recherche de solutions pratiques et durables pour les réfugiés qui vivent dans cet environnement constitue un défi », affirme Monique Ekoko. « Même si nous comprenons que l'Afrique du Sud connaît elle-même un fort taux de chômage parmi ses propres citoyens et que la vie est également difficile pour eux, le pays a quand même une obligation envers les réfugiés. »
Par Pumla Rulashe à Pretoria, Afrique du Sud