Aux États-Unis, un Pasteur et ses paroissiens font en sorte que des réfugiés se sentent comme chez eux
Le révérend Bill Bigger, pasteur de l'église baptiste de Hope Valley (la Vallée de l'espoir), fait honneur à son nom. Du haut de son mètre quatre-vingt-dix, il remplit facilement une pièce à lui seul et n'est pas du genre à renoncer face à un défi.
Persuadé de la nécessité de faire plus pour aider ceux qui fuient la guerre et les persécutions, il a convaincu sa congrégation dans cette ville du sud de transformer une maison de briques abandonnée et située sur le terrain de l'église pour en faire un lieu d'accueil pour des réfugiés.
« Ma paroisse est plus conservatrice que moi », explique Bill Bigger, en admettant que son plan d'accueil provisoire de réfugiés dans Hope House, la maison bien-nommée et située à côté même de l'église, a suscité un tollé au sein de la congrégation.
« Je ne pense pas que ça présente un risque pour nous, si ce n'est celui d’investir notre temps et notre énergie pour s'occuper de gens. »
C'est que l'église baptiste de Hope Valley se trouve à Durham, en Caroline du Nord, un état bien à droite sur bon nombre de questions politiques.
Au cours d'une enquête réalisée cette année, le centre de recherche Pew a constaté que 76 pour cent des évangélistes blancs, qui constituent une grande partie de la congrégation de Hope Valley, approuvent les efforts à freiner l’arrivée de réfugiés en provenance de certains pays musulmans.
« Certains avaient vraiment peur à cause du discours qu'ils entendent », explique le révérend. « Ils posaient des questions comme : ‘Quelle est la probabilité que des terroristes passent à travers les mailles de la procédure ?' »
Bill Bigger se souvient d’avoir répondu à sa paroisse : « Je ne voudrais certainement pas mettre notre communauté en danger. Je ne voudrais certainement pas que des membres soient exposés au moindre risque. Je ne pense pas que ça présente un risque pour nous, si ce n'est celui d’investir notre temps et notre énergie pour s'occuper de gens. »
Pour répondre aux questions de ses paroissiens, il racontait les histoires vécues par des personnes réelles et il citait des faits avérés. « Nous avons essayé de rapporter les faits sur le nombre de gens qui ont rejoint notre communauté au cours de ces dernières années, qui se sont installés ici, qui gagnent leur vie ici, qui ont établi leurs familles ici et qui n'ont posé aucun problème. »
Des familles comme celle de John Hertier, qui a 16 ans et qui était l'un des premiers habitants de Hope House. John, sa mère Odette et sa sœur Mariam âgée de 13 ans ont déménagé depuis l’autre bout de la ville quand Odette est tombée malade et que l'église a proposé de les loger.
Leur famille a fui la République démocratique du Congo en 2011. Ils ont vécu au Kenya pendant cinq ans en attendant l'examen de leur dossier et leur réinstallation, avant d’arriver finalement aux États-Unis et commencer une nouvelle vie en Caroline du Nord.
Il a fallu des mois de dialogues et de dons généreux de la communauté pour que Hope House voie le jour. Ensuite, un artisan local a prêté son savoir-faire et un charpentier a construit des lits superposés pour les enfants.
Hope House est finalement devenue un vrai foyer en mars 2017. La maison servira de centre d'accueil provisoire aux réfugiés réinstallés en Caroline du Nord qui ont des difficultés à trouver un foyer de long terme pour leurs familles.
« J'ai évoqué dans mes sermons ce qui me semble être l'appel biblique à l'accueil de l'étranger, à être un voisin pour les autres. »
Bien qu’il ne s’agisse que d’une solution temporaire, Hope House donne l'occasion à la famille Hertier de se faire de nouveaux amis et de s'intégrer. Jacqueline Allen, une résidente locale retraitée, travaille l'anglais avec Odette deux fois par semaine. Cara Bolton, qui a aidé le pasteur Bill Bigger à convaincre les autres de créer Hope House, passe souvent du temps avec John, Mariam et Odette. « La semaine dernière par exemple, nous avons organisé une soirée pizza, nous avons dansé et discuté », raconte-t-elle.
« Nous avons eu de longues conversations avec les gens qui étaient convaincus que les réfugiés allaient venir changer notre mode de vie », explique Bill Bigger. « Le processus a impliqué quatre à cinq mois de discussions, d’explications et même de prières. Sans en faire un sujet récurrent, j’ai évoqué à quelques reprises dans mes sermons ce qui me semble être l'appel biblique à l'accueil de l'étranger, à être un voisin pour les autres, quelles que soient leurs origines. Je leur ai dit que les réfugiés ne sont pas la cause du danger, mais qu'au contraire, ce sont les réfugiés qui échappent à la peur et qui sont en danger. »
Le révérend explique que la crise des réfugiés du monde nécessite de l'action. « Je suis convaincu que l'église doit être impliquée », dit-il en conclusion. « Les gens me disent : ‘Ne devrait-on pas s'occuper des gens chez nous ?' et je leur réponds : ‘Ce n'est pas l'un ou l'autre, ce sont les deux.’”