Questions/Réponses : Retrouver une enfance perdue grâce aux programmes de sport pour les réfugiés
Questions/Réponses : Retrouver une enfance perdue grâce aux programmes de sport pour les réfugiés
GENEVE, 2 mars (UNHCR) - Depuis 14 ans, Claude Marshall est consultant bénévole à plein temps pour l'UNHCR, aidant ainsi des dizaines de milliers de réfugiés dans le monde. Agé de 74 ans, Claude Marshall avait proposé de travailler gracieusement au siège de l'UNHCR, après la fin de sa carrière en tant que Vice-président européen de l'une des grandes entreprises internationales de publicité et de relations publiques. Depuis lors, son travail a consisté à la sensibilisation du public et à la recherche de soutien du secteur privé pour les programmes de sport et d'éducation en faveur des enfants réfugiés. Claude Marshall se prépare à transmettre ses responsabilités à un successeur qui sera employé à plein temps, assurant ainsi la poursuite des programmes qu'il a mis en place et qui bénéficient aux enfants réfugiés dans le monde. Il a rencontré Ron Redmond, porte-parole de l'UNHCR, pour discuter de son engagement en tant que volontaire et de l'avenir des programmes qu'il a mis en place. Voici des extraits de l'entretien :
Vous avez travaillé à plein temps pour l'UNHCR gracieusement pendant 14 ans. Pourquoi ?
J'ai moi-même été un réfugié, lorsque j'étais enfant. Je suis né en 1932 à Heidelberg, en Allemagne. Par chance, mon père a perçu l'imminence de la catastrophe et a réussi à nous emmener aux Etats-Unis pour échapper à la persécution des Juifs par les nazis. L'UNHCR m'a donné l'opportunité de contribuer en retour à la cause des réfugiés. En effet, lorsque ma famille est arrivée à New York en 1936, nous étions des réfugiés sans argent, sans toit, mais avec beaucoup d'espoir et notre situation s'est arrangée. Maintenant je veux donner le même espoir aux enfants réfugiés.
Comment êtes-vous arrivé à l'UNHCR ?
Au début de ma retraite en 1993, j'ai recherché à m'investir pour une cause où je pourrais utiliser mes compétences et mon expérience. Par hasard, j'ai rencontré Madame Sadako Ogata, Haut Commissaire, lors d'un dîner. Nous avons discuté et je lui ai expliqué que l'UNHCR semblait idéal pour agir en faveur des réfugiés et que je ne voulais pas être payé. Elle m'a alors répondu, « Vous êtes embauché. »
Quel rôle ont les programmes de sport dans la vie des enfants réfugiés ?
Le sport peut aider les jeunes réfugiés à retrouver une grande partie de leur enfance perdue. Souvent, les enfants réfugiés ont énormément souffert, et ils en restent sévèrement traumatisés. Ils ont été témoins de guerres et de persécutions. Nombre d'entre eux ont été recrutés de force pour être enfants soldats, ou ils ont été victimes de violences sexuelles. Ils peuvent avoir vu leurs parents assassinés devant leurs yeux, ou avoir été séparés d'eux dans la panique et le chaos de la fuite. Le traumatisme ne disparaît pas quand ils arrivent enfin dans un camp de réfugiés. Certains enfants réfugiés sont nés dans les camps et nombre d'entre eux y passent la plupart de l'enfance, souvent sans pouvoir accéder au sport ou à la détente. Les enfants ont le droit de jouer, ils ont besoin de jouer. Grâce au sport, ils retrouvent un semblant de normalité. Le sport structure leur vie, il est bénéfique à plusieurs niveaux dans le domaine psychosocial. Il leur donne une possibilité de canaliser leur énergie de façon positive, ce qui peut être un atout pour le reste de leur vie, notamment pour les enfants ayant fui des situations de conflit. Le sport développe la tolérance, la coopération, l'appréciation des règles. Il motive les enfants réfugiés à aller à l'école dans les camps, ce qui est particulièrement important pour les jeunes filles qui souvent laissées de côté. Il aide les enfants à retrouver leur enfance perdue.
Pouvez-vous nous donner des exemples de programmes que vous avez développés ?
Nous avons beaucoup travaillé avec le Comité international olympique (CIO) avec, par exemple, la création de terrains de sport et la fourniture d'équipements sportifs pour les enfants réfugiés à Tindouf, en Algérie. Au Burundi, nous avons créé des terrains de football et avons fourni des équipements sportifs. En Zambie et au Zimbabwe, nous avons soutenu des écoles avec le CIO. Nous avons mis en place des sports d'équipe pour les jeunes filles à Kakuma, au Kenya, et au Népal - ces programmes ayant pour but qu'elles restent scolarisées. Des projets similaires financés par le CIO sont en cours cette année en Equateur, en Colombie et au Népal.
Nous avons aussi un programme avec la Fédération internationale de volley-ball grâce à laquelle nous fournissons des ballons de volley et des filets pour les enfants réfugiés et déplacés au Timor-Leste, au Sri Lanka, au Yémen et au Sud-Soudan. Nous avons mis en place des partenariats avec la Fédération internationale de basketball pour construire des terrains de basket dans les camps en Tanzanie et en Ouganda. Avec la Fédération internationale de badminton, nous fournissons du matériel sportif aux enfants réfugiés en Thaïlande. Nous avons aussi actuellement plusieurs programmes avec Right to Play, une ONG dont le travail est centré sur le développement des enfants réfugiés à l'aide des jeux et des sports, et qui a envoyé des entraîneurs dans de nombreux camps pour travailler avec les enfants réfugiés. De nombreux projets sont en cours, mais il reste encore beaucoup à faire.
Comment voyez-vous l'avenir des programmes sportifs pour les jeunes réfugiés ?
Le sport et l'éducation sont vitaux pour les enfants réfugiés, mais avec quelque 21 millions de personnes relevant de la compétence de l'UNHCR dans le monde - dont la moitié environ sont des enfants - l'UNHCR doit tout naturellement orienter ses ressources limitées vers les besoins les plus immédiats, pour sauver des vies. En regardant le travail effectué jusqu'à ce jour, je pense que la prochaine étape est de transmettre mes responsabilités à un coordinateur des programmes sportifs pour les réfugiés, qui sera employé à plein temps et dont le poste sera financé entièrement par un donateur extérieur.
J'ai 74 ans et j'ai l'intention de continuer à aider si possible. Cependant il est clair que la fonction a maintenant atteint un niveau demandant un responsable à plein temps qui peut prévoir et mettre en oeuvre davantage de programmes sportifs et trouver encore davantage de partenaires pour travailler avec nous et aider des millions d'enfants réfugiés. Nous aimerions que le poste de coordinateur des programmes sportifs pour les réfugiés soit assimilé à une chaire universitaire, financée par un seul donateur. Nous avons déjà identifié un certain nombre de candidats qualifiés et nous recherchons maintenant un donateur qui croit, comme nous croyons, à l'importance du sport et de l'éducation pour les enfants réfugiés.
Combien va coûter la création de ce poste de coordinateur des programmes sportifs pour les réfugiés ?
Nous aurions besoin de l'engagement d'un donateur pour au moins trois ans pour couvrir un budget annuel s'élevant entre 175 000 dollars et 200 000 dollars, pour le salaire du coordinateur, les missions sur le terrain et des fonds pour commencer de nouveaux projets dans les camps. Pour aider à faire avancer le projet, nous voudrions que le donateur soit aussi impliqué dans le processus de sélection du nouveau coordinateur.
Que vous a apporté personnellement votre travail à l'UNHCR ?
Depuis que j'ai commencé en 1993, l'UNHCR m'a permis de m'investir sur des sujets intéressants et m'a donné la chance de travailler sur de nombreux projets avec des personnes et des organisations impliquées pour mettre en place des programmes sportifs dans les camps de réfugiés pour les enfants qui, sinon, n'auraient pas de telles opportunités. Je suis extrêmement reconnaissant pour le soutien que nous avons reçu durant des années de la part des employés de l'UNHCR dont quelques-uns dans les plus difficiles endroits dans le monde. Maintenant nous avons juste besoin de garantir que ce travail continue.