Les progrès des réfugiés africains dans la lutte contre le SIDA
Les progrès des réfugiés africains dans la lutte contre le SIDA
NAIROBI, 7 juin 2004 (UNHCR) - Les réfugiés présents dans les camps africains ont accompli des progrès spectaculaires : d'après les experts de l'UNHCR, ils ont modifié leurs comportements afin de réduire le risque de contracter et transmettre le VIH, virus à l'origine du SIDA, maladie mortelle.
« Depuis que nous avons activement commencé à éduquer et sensibiliser les réfugiés, nous avons constaté des changements considérables », dit le Dr Patterson Njogu, expert de l'agence pour les réfugiés sur le SIDA en Afrique de l'est et dans la corne de l'Afrique, à l'occasion d'un atelier à Nairobi réunissant des experts techniques de l'UNHCR sur cette maladie, première cause de mortalité dans l'Afrique sub-saharienne.
« Le nombre de préservatifs utilisés dans les camps de réfugiés a énormément augmenté », rapporte le Dr. Njogu. « Auparavant, on ne pouvait pas parler de préservatifs dans les camps. Aujourd'hui, les préservatifs sont très souvent demandés. Il y a aussi eu des changements de comportement. Le nombre de partenaires a baissé de manière significative, tout comme les cas de prostitution. »
Il ajouta que de nombreux réfugiés, aussi bien que la population des communautés d'accueil, viennent volontairement faire des tests de dépistage et demander des conseils.
Les statistiques confirment ses observations. Par exemple, dans le camp de Kala, au nord de la Zambie, où résident 21 000 réfugiés congolais, seuls 538 préservatifs avaient été distribués en janvier 2003. Au mois de novembre 2003, le chiffre a augmenté au point d'atteindre presque 18 000 par mois.
« A l'arrivée des réfugiés en 1999 et 2000, les préservatifs étaient une sorte de tabou, nous avons donc dû être agressifs, que ce soit pour l'éducation ou la distribution », a expliqué Laurie Bruns, chargé technique régional de l'UNHCR pour le SIDA pour l'Afrique du Sud. « Contrairement à aujourd'hui, les préservatifs étaient alors seulement disponibles aux centres de santé du camp. Maintenant nous les distribuons partout, dans les marchés, dans les bars, aux postes de distribution de nourriture. »
De même, la distribution de préservatifs dans le camp de Kakuma au Kenya a été multipliée par six - de 40 préservatifs par mois pour 1 000 réfugiés fin 2002, à environ 250 par mois actuellement.
Malgré les succès de l'UNHCR et de ses partenaires - les autres agences des Nations Unies comme l'UNICEF et les ONG - concernant l'éducation des réfugiés, il existe toujours un besoin accru de ressources financières pour lutter contre le SIDA en Afrique, selon les experts de l'UNHCR.
Le Dr Paul Spiegel, médecin et épidémiologiste canadien dirigeant les programmes de l'UNHCR pour le SIDA, a eu du mal à dissiper le mythe selon lequel les réfugiés sont responsables de la propagation du SIDA, affirmant que cette idée fausse est à l'origine d'une double discrimination contre des personnes déjà traumatisées par le déplacement. « Les réfugiés sont traités en beaucoup d'endroits comme des parias », a dit le Dr Spiegel.
Alors qu'il était vrai que les réfugiés couraient un plus grand risque d'infection au VIH, à cause de viols durant les conflits, des soins interrompus et l'obligation parfois de se prostituer en échange de nourriture lors de la fuite, cela ne s'est en fait pas traduit par des taux d'infection plus élevés.
« Les gens ont fait le lien entre risque accru et taux d'infection accru, ce qui n'a pas été le cas », a indiqué le Dr Spiegel.
Il a évoqué une étude de l'UNHCR sur des femmes enceintes de plus de 20 camps africains accueillant 800 000 réfugiés. Sur cinq des sept pays concernés par l'étude, les réfugiés avaient en réalité un taux d'infection significativement inférieur à celui des populations voisines. Dans les deux autres, les taux étaient à peu près similaires.
Dans le camp de Kakuma au nord-ouest du Kenya, où résident environ 60 000 réfugiés soudanais et 20 000 réfugiés d'autres pays, le taux d'infection en 2002 était de 5 %, alors que dans la région voisine de Lodwar, au Kenya, il était de 18 %.
Le Dr Njogu a dit que les réfugiés ont constitué un bouc émissaire facile pour les gouvernements africains et les gens qui déniaient l'existence du SIDA. « Depuis plusieurs années, les pays ont nié l'existence du SIDA dans leur communauté et ont eu tendance à accuser les personnes venant de l'extérieur, touristes, réfugiés et commerçants. »
Ironiquement, les conflits chroniques comme ceux de l'Angola et du Sud-Soudan ont en réalité freiné la propagation du SIDA. « Cela semble contradictoire, mais les données montrent que les conflits chroniques en Sierra Leone, en Angola et au Sud-Soudan ont en réalité maintenu le taux d'infection à un niveau plus bas que celui auquel il aurait dû être », a expliqué le Dr Spiegel.
« En Sierra Leone et en Angola, par exemple, les infrastructures ont disparu », ajouta-t-il. « La mobilité est réduite. Les chauffeurs de camions ne se déplacent pas, ne vont pas dans les zones urbaines à fort risque, couchant avec des prostituées avant d'infecter leurs femmes. »
Lorsque la paix reviendra dans ces régions et que les réfugiés retourneront chez eux, le défi de l'UNHCR et de ses partenaires sera d'aider les réfugiés à garder les bonnes habitudes apprises dans les camps, et à continuer l'éducation et la sensibilisation au SIDA après leur retour chez eux.
« Nous souhaitons nous assurer que les réfugiés n'aggravent pas le problème (dans leur pays à leur retour) et qu'ils contribuent en fait à trouver une solution », a indiqué le Dr Spiegel. Dans des pays comme l'Angola, cela implique un travail en collaboration avec d'autres agences pour s'assurer d'un accès aux soins dans les régions isolées où retournent des réfugiés, et de former localement des infirmières et des travailleurs sociaux. Au Sud-Soudan, l'UNHCR envisage de travailler avec les autorités pour s'assurer de la mise en place de programmes pour endiguer le SIDA, l'une des deux préoccupations majeures avec l'éducation pour les réfugiés, de retour chez eux après des décennies d'exil dans des pays voisins.