Un couple de Berlin, d'abord hôtes et maintenant parents de substitution
Un couple de Berlin, d'abord hôtes et maintenant parents de substitution
BERLIN, Allemagne - Manuela et Jörg Buisset ont ressenti immédiatement qu’ils devaient faire quelque chose pour aider quand ils ont vu des centaines de milliers de réfugiés arriver dans leur ville de Berlin au cours de l'été 2015.
Les nouvelles relayaient des images de queues interminables de gens, dont nombreux vivaient sans abri dans les rues.
Les Buisset venaient de terminer les rénovations du petit appartement moderne au rez-de-chaussée qu’ils avaient prévu de mettre en location.
Au lieu de le louer, ils se sont inscrits pour l’offrir en tant que logement temporaire à des réfugiés auprès de l’association à but non lucratif Refugee Council Berlin.
Quelques semaines plus tard, Manuela, 54 ans, a reçu un appel disant qu'une famille avait besoin d'un logement. Ahmed, 28 ans, sa femme Nourhan, 20 ans, et leur fille de deux ans, Alin, étaient récemment arrivés depuis la Syrie. Ils avaient reçu des bons pour loger dans une pension, mais aucune chambre n’était disponible.
Manuela explique qu’ils ne s’attendaient pas à accueillir une famille. « Nous aurions préféré une jeune femme seule, mais dans une telle situation, on ne peut pas refuser », dit-elle.
Jörg, 51 ans, et Manuela sont allés chercher Ahmed et sa famille avec les deux petits sacs de plastique qui tout ce qu’ils possédaient.
« Notre rencontre a été bizarre », se souvient Manuela. « Ahmed manquait tout à fait d’assurance, il était timide, mais nous pensions qu'il été bourru. Il ne nous regardait pas dans les yeux, ce qui nous semblait impoli alors que, pour lui, il aurait été impoli de nous regarder dans les yeux puisqu’il ne nous connaissait pas. Il m’a dit plus tard qu’il se sentait tout simplement perdu ».
« Elle est comme ma mère, elle est si gentille avec nous.»
Les Buisset ont accueilli la famille dans le studio rénové du rez-de-chaussée et cet hébergement qui devait durer 10 jours est devenu un arrangement sans durée déterminée. Il y a un peu plus d’un an qu’ils ont emménagé et les deux familles sont enchantées. Même si tout le monde admet qu’il a fallu du temps pour faire connaissance et se faire confiance.
« Nous sommes si heureux ici », témoigne Nourhan, qui a accouché de Laith, son second bébé, en juillet 2016.
« Quand Manuela est allée à Paris pour 10 jours, elle m’a terriblement manqué. Elle est comme ma mère, elle est si gentille avec nous ».
Au cours de sa grossesse, Manuela accompagnait Nourhan pour tous ses rendez-vous chez le médecin.
« Je n’ai jamais été vraiment branchée bébés, mais ce petit bonhomme est tellement mignon », dit Manuela. « J’étais à l’hôpital avec Nourhan pour son accouchement et je l’ai accompagnée pour tous ses rendez-vous chez le médecin. Je ne voulais pas qu’elle soit seule et qu’elle ait peur. Elle est comme ma fille. »
Chaque soir, Nourhan monte avec quelques portions de plats syriens qu’elle a préparés pour les partager avec ses hôtes allemands.
Nourhan et Ahmed, qui préfèrent n’être identifiés que par leurs prénoms, sont originaires d’Al Quneitra, une petite bourgade du plateau du Golan. Ahmed travaillait comme chauffeur de camion et il suit aujourd’hui des cours d’allemand, cinq heures par jour. Nourhan s’occupe des enfants, mais elle rêve de devenir coiffeuse.
Ils n’ont tous les deux qu’une envie, retourner en Syrie. Ils suivent de près l’actualité et quand de hauts dirigeants mondiaux se sont réunis à Vienne en novembre dernier pour des négociations de paix en Syrie, Ahmed et Nourhan avaient déjà commencé à faire leurs bagages.
« C’est plus que de la compassion », explique Manuela. « Au début, j’avais peur, mais on s’aime vraiment beaucoup maintenant. »
Ce portrait fait partie de la série No Stranger Place, qui a été créée et photographiée par Aubrey Wade en partenariat avec le HCR et qui représente des habitants et des réfugiés qui vivent ensemble en Europe. Un an après la noyade d’Alan Kurdi, un petit réfugié syrien âgé de trois ans, des milliers de gens se sont retrouvés pour bâtir un pont entre les différences culturelles et les barrières de la langue, animés de compassion, d’espoir et d’humanité – en dépit des obstacles que certains gouvernements européens continuent à dresser. Leur générosité est un exemple pour le reste du monde.