Conférence sur l'Iraq : Des réfugiés iraquiens en quête d'une nouvelle vie pour oublier leur cauchemar
Conférence sur l'Iraq : Des réfugiés iraquiens en quête d'une nouvelle vie pour oublier leur cauchemar
LE CAIRE, Egypte, 13 avril (UNHCR) - Les expériences brutales vécues par une famille iraquienne à Bagdad, leur vie en tant que réfugiés au Caire et leur prochaine réinstallation en Australie donnent un aperçu de la crise, alors que l'agence des Nations Unies pour les réfugiés convoque une conférence internationale sur les personnes déplacées par la violence en Iraq.
« Combien de temps encore le monde va-t-il regarder notre tragédie sur les écrans de télévision et rester silencieux devant nos souffrances ? L'Iraq est en sang et les Iraquiens souffrent », explique Adel*, un réfugié iraquien de 48 ans arrivé en Egypte avec sa femme Sharifa et leurs trois enfants en 2005, après avoir quitté Bagdad à cause des violences sectaires, des enlèvements et des menaces de mort.
L'UNHCR va accueillir une conférence internationale sur les réfugiés et les personnes déplacées internes en Iraq et dans les pays avoisinants mardi et mercredi prochains, afin d'obtenir un engagement global et soutenu pour trouver des solutions. Plus de 450 participants originaires d'au moins 60 pays, 37 organisations intergouvernementales et 64 organisations non gouvernementales ont été inscrits.
L'UNHCR et ses partenaires estiment que près de deux millions d'Iraquiens sont déplacés au sein de l'Iraq et qu'un nombre équivalent se trouve hors du pays, principalement en Syrie, en Jordanie et dans les pays avoisinants comme l'Egypte, le Liban, la Turquie et l'Iran. Nombre d'entre eux étaient déjà partis avant 2003, mais un nombre croissant d'Iraquiens fuit maintenant leur foyer, jusqu'à 50 000 chaque mois.
Dans un studio modeste de la ville du 6 octobre - une banlieue du Caire où de nombreux Iraquiens sont maintenant installés et vivent de petits commerces - Adel raconte, en larmes, comment sa famille est venue grossir les rangs des réfugiés.
« J'avais 48 ans ; j'étais au sommet de ma carrière et j'avais une vie agréable. En Iraq, j'étais directeur d'une entreprise internationale dans le secteur privé ; j'avais un bon salaire et je pouvais subvenir aux besoins de ma famille », a expliqué Adel. « On était en sécurité tant qu'on ne s'occupait pas de politique ni du régime. Sunnites, chiites et chrétiens, nous étions voisins, frères et amis. Et puis, brusquement tout a changé. »
Adel ajoute que les premiers mois après l'invasion menée par les Etats-Unis ont été relativement calmes mais, qu'au milieu de l'année 2004, la situation a commencé à empirer de jour en jour.
« Nous étions une cible facile car mon mari travaillait dans le secteur privé et nous étions connus dans le milieu des affaires », explique Sharifa. Peu après, la famille a commencé à recevoir des menaces de mort écrites sur du papier blanc, en lettres de sang, leur disant de quitter le quartier.
« Au début, nous n'avions pas prêté attention à ces menaces, jusqu'à ce qu'un soir on frappe violemment à la porte. Avant de pouvoir réagir, plus de 100 personnes sont rentrées dans notre maison, toutes habillées en noir et le visage caché. Imaginez 100 personnes dans une maison de deux étages », explique Adel. « Ils ont traîné de force mon fils de 16 ans à l'extérieur ; ils l'ont battu, puis l'ont poussé dans une voiture. Ils ont commencé à me battre jusqu'à ce que je m'évanouisse. »
Les membres de la milice ont pillé la maison et pris les économies de la famille avant de conduire Adel et son fils dans un lieu inconnu où ils ont été torturés pendant trois semaines. Quand ils ont été finalement relâchés, ils ont été avertis de ne pas retourner dans leur maison et de quitter immédiatement l'Iraq.
« Notre histoire est celle de nombreux autres Iraquiens de toutes les factions, qui font l'objet de menaces quotidiennes. Nous avons immédiatement compris que nous n'avions d'autre choix que de partir immédiatement », explique Sharifa. Au Caire, ils ne sont plus en danger, mais la vie est difficile et ils souffrent toujours du traumatisme qu'ils ont vécu.
« Nous nous sentons enfin en sécurité, mais survivre est difficile, tout spécialement pour notre fils âgé de six ans qui souffre d'un traumatisme psychologique après avoir été battu par les milices et avoir vu son père et son frère être torturés et enlevés. Il a besoin de soins spécifiques », explique Sharifa, avant d'éclater en sanglots.
« Comment oublier ces scènes ? Mon fils de cinq ans par terre et l'un des membres de la milice debout sur lui avec ses chaussures pressant le cou et la tête de l'enfant. L'enfant a immédiatement perdu tout contrôle et a commencé à uriner. Je ne pourrai jamais oublier cette scène. »
Adel a enregistré sa famille auprès de l'UNHCR dès son arrivée au Caire. « Je ne sais pas ce que nous aurions fait sans l'aide que nous avons reçue de l'UNHCR. Nous étions sur le point d'être expulsés car la date de validité de notre visa était dépassée, mais les autorités nous ont accordé des permis de résidence après l'intervention de l'UNHCR », ajoute Adel.
On compte plus de 100 000 Iraquiens en Egypte. L'agence des Nations Unies pour les réfugiés a enregistré 6 400 Iraquiens et 6 200 entretiens pour procéder à des enregistrements sont par ailleurs prévus. Ce nombre est important, mais faible par rapport au nombre estimé à 1.2 million d'Iraquiens qui se trouvent maintenant en Syrie et 750 000 en Jordanie. Par ailleurs, plus de 40 000 Iraquiens se trouvent au Liban, 54 000 en Iran et 10 000 en Turquie.
La famille va débuter une nouvelle vie en Australie. Ils ont été acceptés par le gouvernement dans le cadre d'un programme humanitaire spécifique, en dehors du programme de réinstallation mené par l'UNHCR.
« Nous sommes vulnérables, démoralisés et nous avons perdu le goût de vivre. Nous espérons que nous pourrons recommencer une nouvelle vie et oublier les blessures et les cicatrices qui vont encore nous marquer pour de nombreuses années à venir », explique Mahmoud*, le fils âgé de 16 ans. « Je ne pourrai jamais retourner en Iraq. Je fais des cauchemars à chaque fois que je pose ma tête sur un oreiller. »
* Noms fictifs
Par Abeer Etefa au Caire, Egypte