Message de M. Ruud Lubbers, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à l'occasion de la Journée mondiale du réfugié, le 20 juin 2002
Message de M. Ruud Lubbers, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à l'occasion de la Journée mondiale du réfugié, le 20 juin 2002
Le 20 juin 2002 marquera la deuxième Journée mondiale du réfugié. Cette année, c'est aux femmes réfugiées, à leur courage et à leur ténacité que nous tenons à rendre hommage en priorité. N'oublions pas que près de 80 pour cent des personnes déracinées dans le monde sont des femmes et des enfants. Il faut que leur voix soit entendue et qu'elles puissent développer toutes les ressources qui sont en elles, afin que leur rôle soit pleinement reconnu.
Cette journée devrait également nous inciter à redoubler d'efforts en vue de trouver des solutions durables pour les millions de réfugiés et de déplacés en quête d'un avenir meilleur. En tant que Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, j'ai pour mission de les aider à reconstruire leur vie, à bâtir un nouvel avenir. Pour y parvenir, nous devons nous concentrer sur trois solutions à long terme : le rapatriement dans le pays d'origine, la possibilité de vivre dans le premier pays d'asile ou la réinstallation dans un pays tiers.
Pour atteindre ce but, le HCR dépend entièrement du soutien de la communauté internationale. Mais le soutien dont nous avons bénéficié jusqu'à présent est loin d'être suffisant. La réticence des donateurs vis-à-vis du travail du HCR est une vision réductrice. Si nous ne pouvons pas offrir de solutions durables aux réfugiés, les camps de réfugiés deviendront des camps du désespoir. Et, face au désespoir, les réfugiés n'ont d'autre choix que de continuer d'errer, devenant des proies idéales pour les trafiquants d'êtres humains, alimentant les réseaux de criminels. Trouver des solutions aux problèmes des réfugiés peut empêcher le crime de prospérer, prévenir l'explosion de nouvelles formes de violence, et faire reculer l'insécurité. Nous devons donc, ensemble, faire l'impossible pour aider, de manière durable, les réfugiés du monde entier.
Le HCR travaille toujours en partenariat. Mais si nos activités fondamentales souffrent d'un manque de fonds, nos partenaires opérationnels ne pourront pas, non plus que nous, fournir l'aide nécessaire.
Depuis la Journée mondiale du réfugié de l'année dernière, nous avons pu voir ce qu'il est possible de faire en unissant nos efforts. J'étais présent lors des célébrations d'indépendance du plus jeune Etat du monde : le Timor oriental. Après s'être battus pendant des années, et grâce au soutien de la communauté internationale, les Timorais ont finalement accédé à la liberté. Et nous, au HCR, sommes fiers d'avoir pris part à cet effort, en aidant 200 000 réfugiés timorais à rentrer chez eux, dans un esprit de réconciliation.
En Afghanistan aussi, l'espoir a de nouveau sa place, comme le montrent tous les jours les centaines de milliers de réfugiés afghans qui décident de rentrer chez eux. Les femmes afghanes, y compris nos collègues du HCR, ont repris leur place dans la société et les jeunes afghanes, le chemin de l'école.
Cette année, le HCR aidera au moins 1 million 250 000 Afghans à revenir chez eux, dont beaucoup dans des régions rurales. Il faut à présent les aider à reconstruire leurs maisons et leurs communautés. Pour cela, il faut très vite trouver de l'argent.
En Afrique aussi, il y a eu des progrès. Le HCR a aidé près de 70 000 réfugiés sierra-léonais à rentrer chez eux, juste avant les récentes élections. Des milliers d'autres les suivent.
Dans la corne de l'Afrique, quelque 330 000 réfugiés érythréens se préparent à regagner leur pays, après la fin du conflit frontalier entre l'Erythrée et l'Ethiopie. En Angola, l'espoir est revenu après des décennies de guerre. J'espère que d'ici la prochaine Journée mondiale du réfugié, je pourrai vous annoncer les premiers retours.
Mais de tels progrès ne constituent qu'une facette de la situation des réfugiés dans le monde. En effet, ils sont encore nombreux à languir dans des camps en attendant qu'une solution soit trouvée et que leur calvaire se termine.
Les réfugiés pourraient largement contribuer au développement national. Dans cette perspective, nous encourageons vivement les initiatives nouvelles associant l'aide d'urgence à des projets de développement à long terme dans les pays d'asile. Les réfugiés peuvent être un véritable facteur de développement et de changement.
Par exemple, le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, le NEPAD, a pour but de rétablir la paix, la stabilité et la prospérité sur l'ensemble du continent, grâce au développement durable. Nous sommes convaincus qu'il y a là également une possibilité de trouver des réponses aux problèmes des réfugiés, en incluant les réfugiés et les rapatriés dans les projets de développement globaux.
Sur le terrain, il nous reste encore beaucoup à faire. Nous devons nous assurer que tous les enfants réfugiés puissent aller à l'école et faire du sport. Nous devons nous assurer que les réfugiés, en particulier les femmes et les petites filles, aient suffisamment à manger et reçoivent l'aide nécessaire dans un climat de sécurité. Et nous devons aider les femmes réfugiées à devenir plus autonomes. Ne sont-elles pas, après tout, l'élément clé de la survie de toute communauté de réfugiés ?
A la fin de l'année dernière, j'ai pris cinq engagements pour améliorer la protection physique et juridique des femmes et des filles réfugiées :
D'abord par le biais de la formation et d'autres activités, impliquer davantage les femmes dans toutes les instances décisionnelles et administratives des communautés de réfugiés. Et pour que les femmes soient pleinement entendues, nous voulons arriver à une participation féminine de 50 pour cent.
Deuxièmement, enregistrer individuellement toutes les femmes réfugiées et renforcer les services de conseil pour améliorer leur sécurité, accroître leur liberté de mouvement et leur accès aux diverses formes d'aide.
Troisièmement, mettre en place des stratégies pour lutter contre les violences sexuelles.
Quatrièmement, garantir la participation active des femmes réfugiées dans la gestion et la distribution de nourriture et des biens de secours. En collaboration avec le programme alimentaire mondial, le HCR veillera à ce que dans la mesure du possible, 80 pour cent de la nourriture soit distribuée aux femmes et contrôlée par elles.
Finalement, que tous les programmes d'assistance du HCR incluent de manière systématique la distribution d'articles hygiéniques pour femmes et adolescentes, un élément clé de leur santé et de leur bien-être.
A l'occasion de cette Journée mondiale du réfugié 2002, je suis heureux de pouvoir dire que beaucoup a été accompli dans bien des domaines. Mais la route est encore longue si nous voulons continuer à répondre à la détresse des réfugiés, les aider à reconstruire leur vie, celle de leurs enfants et à bâtir un avenir où l'espoir aurait enfin sa place.
Au bout du chemin, c'est notre avenir à tous qui est en jeu.