Discours liminaire de M. António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la cinquante-sixième session du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire
Discours liminaire de M. António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la cinquante-sixième session du Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire
Genève, 3 octobre 2005
Monsieur le Président,
Excellences,
Distingués délégués,
Mesdames et Messieurs,
J'aimerais vous souhaiter à tous la bienvenue à cette cinquante-sixième session du Comité exécutif, et tout particulièrement les nouveaux membres, le Ghana et la Roumanie.
Je voudrais féliciter l'Ambassadeur Martabit du Chili qui, depuis trois mois, assume les fonctions de Président du Comité exécutif suite au départ de l'Ambassadeur Escudero Mart*nez de l'Equateur. Je leur suis extrêmement reconnaissant et les félicite pour leur enthousiasme, leur intelligence et leur dévouement dans une tâche difficile.
Mesdames et Messieurs,
Il y a deux semaines, le plus grand nombre jamais réuni de chefs d'Etats et de gouvernements a approuvé les conclusions du Sommet mondial de 2005, un pas en avant sur le chemin ardu de la paix, de la sécurité et du développement dans le monde.
Tout comme pour la réforme du système de réponse humanitaire des Nations Unies, le Haut Commissariat s'engage sans réserve à faire avancer le programme du Secrétaire général. Je suis extrêmement heureux de sa présence parmi nous jeudi prochain. Il a aimablement accepté de nous faire part de ses impressions sur ce sommet et les perspectives d'avenir.
Un consensus s'est dégagé dans certains secteurs pertinents pour notre travail. En particulier, la décision d'établir une commission d'établissement de la paix et la réaffirmation de l'engagement aux objectifs du Millénaire pour le développement. Nous espérons que ces décisions ouvriront de nouvelles possibilités pour s'attaquer aux causes profondes du conflit conduisant au déplacement forcé.
En même temps, le Sommet a démontré la défiance majeure qui prévaut encore au sein de la communauté internationale. Dans les domaines cruciaux de l'environnement où opère le HCR, des contradictions fondamentales sont toujours à l'oeuvre. Des contradictions que les rédacteurs des conclusions se sont efforcés en vain de réconcilier.
Mesdames et Messieurs,
Une institution apolitique et humanitaire, telle que la nôtre, se trouve souvent en contradiction avec cet environnement. Par nécessité plutôt que par choix, nous ne pouvons réagir que d'une seule façon. Pour faire face à des situations complexes, il nous faut une direction claire. Notre mandat exige que nous mettions les besoins des réfugiés et des autres personnes relevant de la compétence du HCR avant toute autre chose. C'est ce principe et lui seul qui guide notre action. C'est pourquoi il est si important de réaffirmer que nous sommes avant tout une institution chargée de la protection. Un concept moderne de la protection souligne la nécessité de créer un espace où les droits peuvent être exercés sans réserve et où la primauté du droit est reconnue. Dans ce sens, toutes nos actions doivent être conduites dans un souci de protection et jugées à l'aune de leurs conséquences en matière de protection, et tous les membres du personnel doivent se considérer comme des agents de protection.
Cela est l'une des principales raisons qui ont motivé ma proposition de créer un poste de Haut Commissaire assistant chargé de la protection et de réorganiser nos services d'appui au terrain pour une fourniture efficace de la protection aux personnes qui relèvent de notre compétence. Je me réjouis par avance de l'évaluation future de la décision et poursuivrai résolument sur la voie de la réforme de nos structures, de nos règlementations et de nos procédures en tant qu'instrument fondamental des changements nécessaires à la culture de l'Organisation.
Mon objectif est de veiller à ce que la protection infléchisse toutes nos politiques et inspire tout ce que nous faisons. La protection est le point de départ des solutions durables que nous nous efforçons de mettre en oeuvre pour les personnes dont nous avons la charge et le guide de nos interventions en faveur des femmes, des enfants et des personnes âgées. Je tiens à réaffirmer l'engagement du Haut Commissariat à l'Agenda pour la protection. Il en va de même pour les cinq engagements à l'égard des femmes réfugiées (participation des femmes à tous les comités de gestion et de direction, enregistrement individuel de l'ensemble des femmes et des hommes réfugiés, stratégie visant à faire face à la violence sexuelle et sexiste, participation des femmes à la distribution d'articles alimentaires et non alimentaires et fourniture d'articles sanitaires à l'ensemble des femmes et des jeunes filles relevant de notre compétence) ainsi que les cinq priorités concernant les enfants réfugiés (prévention de la séparation des familles, de l'exploitation sexuelle ainsi que du recrutement militaire, garantie de l'accès à l'éducation et aux activités de loisirs).
La toute première priorité pour 2006 consistera à intégrer de façon efficace les critères de genre, d'âge et de diversité dans l'ensemble de nos politiques, principes directeurs et activités. Il convient de faire de même pour éradiquer la malnutrition persistante et accroître de façon substantielle la capacité de lutte contre le VIH/SIDA et d'autres risques majeurs pour la santé. Ce ne sont que quelques exemples de notre vision d'ensemble de la protection. Pour moi, la protection c'est aussi un moyen de jeter des ponts au sein même du HCR, en créant des liens entre la protection et les opérations et entre le Siège et le terrain.
En tant qu'institution chargée de la protection, nous sommes confrontés aujourd'hui à des problèmes de plus en plus graves. Permettez-moi d'en détacher trois : la lutte contre la montée de l'intolérance dans les sociétés modernes, la sauvegarde de l'asile face à des flux complexes de populations et le comblement du fossé qui existe encore entre les secours humanitaires et le développement pour que les solutions soient réellement durables.
Le premier de ces problèmes est peut-être le plus difficile à résoudre. Nous faisons aujourd'hui l'expérience de l'intolérance en tant que citoyen. Elle est devenue familière à nos yeux par la presse et à nos oreilles par les slogans politiques. Mais c'est au travail que nous ressentons son impact le plus pervers à travers les souffrances des victimes auprès de qui nous travaillons.
L'intolérance vis-à-vis des gens d'ailleurs, des étrangers, des gens qui sont différents. L'intolérance est alimentée par certains hommes politiques en quête de popularité et par des médias désireux d'augmenter leur part de marché. La montée du populisme a entraîné une confusion systématique et délibérée dans l'opinion publique, mêlant les problèmes de la sécurité, du terrorisme, des flux migratoires et des questions de réfugiés et d'asile.
La défense de l'asile signifie la remise en question du concept selon lequel les réfugiés et les demandeurs d'asile sont des agents d'insécurité, voire de terrorisme, plutôt que leurs victimes. Malheureusement, on compte aujourd'hui nombre de situations où le concept de l'asile est mal compris, voire assimilé au terrorisme. Le terrorisme doit être combattu avec la plus grande détermination mais l'asile est et doit rester un principe central de la démocratie.
J'en appelle à vous tous, représentants de gouvernements responsables, membres de la société civile mondiale, fonctionnaires internationaux comme moi, à faire front commun, à joindre nos forces et nos voix, pour lutter contre cette approche populiste et promouvoir la tolérance, la raison et les valeurs démocratiques. Comme le philosophe allemand Jürgen Habermas le fait remarquer, la démocratie repose sur la reconnaissance mutuelle, chacun recevant le même niveau de respect et de considération réciproque.
Il est vrai que c'est l'époque où le nombre de réfugiés, au sens de la définition de la Convention, est à son plus bas niveau depuis presque un quart de siècle. Mais la plaie du déplacement intérieur est là pour nous rappeler la présence et la puissance du racisme, de la xénophobie, du conflit ethnique, du nationalisme violent et du fondamentalisme religieux dans notre monde contemporain. Nous ne pourrons les vaincre qu'au nom de la tolérance, non par la vertu d'une civilisation donnée mais de par la civilisation elle-même.
Le deuxième défi - les flux de migrants et de demandeurs d'asile - a trait au premier. La migration et la sécurité sont des caractéristiques récurrentes du débat public. Conjugués, ils exercent d'énormes tensions sur les régimes et les législations en matière d'asile.
La défense de l'asile exige que nous soyons en mesure de distinguer ceux qui ont besoin de protection lorsqu'ils sont dissimulés dans des flux migratoires complexes, comme c'est le cas en Méditerranée et dans le Golfe d'Aden. Tous les Etats ont le droit de gérer leurs frontières de façon responsable et d'adopter des politiques de migration appropriées. Ils devraient également agir avec force pour éliminer la traite et le trafic d'êtres humains et punir sévèrement ceux qui en profitent. Mais la garde des frontières ne doit pas interdire l'accès physique aux procédures d'asile ou à la détermination juste du statut de réfugié pour ceux qui y ont droit en vertu du droit international. Un coup de filet systématique et musclé à l'intention de ces affreux criminels doit se doubler d'une préoccupation humaniste visant à protéger leurs victimes nécessiteuses.
Cela implique la défense de la cause et des interventions opportunes en matière de protection, y compris l'accès à des groupes mixtes de nouveaux arrivants, et l'amélioration du traitement des cas individuels mais également la compilation et l'exploitation optimale de l'information. Permettez-moi d'être très clair : les mesures de lutte contre la fraude et l'abus sont inhérentes à la fourniture d'une protection et indispensables à la crédibilité du système d'asile. Je suis conscient des dilemmes auxquels les gouvernements sont souvent confrontés en la matière mais le Haut Commissariat se tient prêt à aider tous les Etats dans ce processus.
Le troisième défi représente un problème majeur pour la communauté internationale. L'absence d'un lien effectif entre les secours et le développement reste un handicap aussi important aujourd'hui qu'au cours du mandat de Mme Sadako Ogata qui le qualifiait alors de fossé. Ce fossé n'est pas seulement un problème interne pour les pays concernés. Il découle également des dysfonctionnements au sein de la collaboration des institutions internationales et peut être exacerbé par l'impact de stratégies différentes, voire conflictuelles, des institutions chargées de la coopération aux secours et au développement, lorsqu'elles sont mal coordonnées par certains pays donateurs.
L'absence de transition entre le court et le long terme dans l'aide accordée réduit l'espérance de vie des solutions. Cela est particulièrement vrai pour le rapatriement. Les retours à grande échelle sont difficiles à maintenir si le développement stagne et l'instabilité croît. Des solutions laborieusement mises au point pourraient se révéler fragiles même après des années d'efforts pour les consolider.
Environ la moitié des situations post-conflit renouent avec la violence dans les cinq ans qui suivent. La prévention et la gestion post-conflit sont donc toutes les deux cruciales pour éviter le déplacement de populations. C'est pourquoi le HCR voit avec beaucoup d'enthousiasme l'avènement d'une commission d'établissement de la paix. Nous avons l'intention de jouer un rôle actif dans le Bureau chargé de l'appui à cette commission car la consolidation de la paix inclut nécessairement des solutions durables pour les réfugiés et les personnes déplacées.
Notre institution n'est pas chargée du développement et n'a aucunement l'intention de l'être. Dans le cadre du Groupe des Nations Unies pour le développement, nous avons fait ressortir la nécessité d'inclure les réfugiés et les personnes déplacées dans les opérations de planification du développement national. Le HCR s'engage sans réserve à travailler avec le PNUD, la Banque mondiale et d'autres partenaires pour aider les personnes relevant de notre compétence à devenir plus productives et plus autosuffisantes au cours de leur déplacement et après leur retour et pour étayer le processus de développement des pays d'origine et des pays d'accueil. En Afghanistan, au Libéria, au Soudan et désormais en Somalie, les solutions durables pour les réfugiés et les autres personnes déplacées font partie intégrante des stratégies de relèvement, préconisées conjointement par le GNUD et la Banque mondiale.
Cela fait partie du cadre conceptuel de Convention Plus : conjuguer les efforts pour s'attaquer aux situations de réfugiés prolongées, adopter des approches plus globales en matière de solutions durables, trouver des moyens novateurs de partager le fardeau et imprimer un nouvel élan à la réinstallation.
Deux exemples concernant chacun une région distincte illustrent cette approche : le Plan d'action de Mexico en est désormais à sa phase d'application, enregistrant des progrès intéressants dans la couverture des besoins de protection des réfugiés et des personnes déplacées à l'intérieur du territoire en Amérique latine. Le programme émergent de réinstallation en Amérique du Sud offrira une solution durable à un nombre croissant de réfugiés colombiens. En Afrique, nous espérons que le Plan d'action global pour les réfugiés somaliens constituera un effort collectif visant à trouver des solutions novatrices à l'une des situations les plus anciennes de réfugiés sur le continent. Nous débattrons de ces deux problématiques lors de rencontres organisées en marge du Comité exécutif, afin de susciter positionnement et appui vis-à-vis de ces stratégies.
L'initiative Convention Plus doit faire partie de la façon dont nous allons aujourd'hui résoudre les problèmes de réfugiés. A l'heure de son intégration, cette initiative aborde une nouvelle phase qui lui permettra d'atteindre sa pleine maturité en tant que mode opérationnel standard au Siège et sur le terrain, couvrant ses différentes perspectives, depuis le nouvel accent mis sur le rôle de la réinstallation jusqu'à un meilleur appui de la réintégration et une meilleure défense de la poursuite de l'aide au développement pour assurer la durabilité du retour.
Mesdames et Messieurs,
Il se dégage aujourd'hui un consensus, souligné par l'examen de la réponse humanitaire, selon lequel l'incapacité de faire face aux déplacements intérieurs est devenue pour la communauté internationale l'échec le plus cuisant au niveau de l'action humanitaire. Cela n'est plus acceptable. C'est un impératif moral et une préoccupation croissante pour l'opinion publique mondiale. Je sais fort bien que la réponse au déplacement intérieur reste et doit rester l'apanage de l'Etat lui-même. Mais le HCR a été accusé dans le passé de faillir au niveau de son engagement, de sa prévisibilité et d'adopter une attitude éclectique. Il ne m'appartient pas de juger si cette accusation est fondée ou non. Ce que je puis garantir c'est que le HCR entend s'engager pleinement en tant que partenaire prévisible pour combler ce fossé.
Le mois dernier, les discussions au sein du Comité permanent interinstitutions conduites par le Coordinateur des secours d'urgence ont appuyé le principe d'une définition claire des responsabilités dans la collaboration face aux déplacements intérieurs. Le HCR a été chargé de conduire les efforts dans les secteurs de la protection, de la coordination et de la gestion des camps et des abris d'urgence dans le cadre d'une nouvelle démarche à adopter lors des crises futures. Dans les situations actuelles, un processus de transition flexible, respectant les responsabilités et les mandats des différents acteurs internationaux, doit être étudié avec soin. Dans cette opération, nous reconnaissons pleinement l'autonomie de nos partenaires qui ne font pas partis du système des Nations Unies et nous réjouissons par avance d'une collaboration très fructueuse.
Deux conditions claires se posent à l'intervention du HCR auprès des déplacées internes à la demande du Coordinateur humanitaire moyennant le consentement du pays lui-même : préserver le droit des populations touchées de chercher l'asile et d'en bénéficier et s'assurer de l'additionnalité du financement. Reconnaissant notre rôle dans la mobilisation des ressources pour les déplacés internes, nous ne pouvons distraire des fonds alloués à nos activités en faveur des réfugiés. Nous attendons avec intérêt des discussions plus approfondies avec le Comité exécutif sur notre rôle et comptons sur votre appui ainsi que sur les efforts du Coordinateur des secours d'urgence pour couvrir ces besoins additionnels, notamment par le biais d'un Fonds d'urgence central revitalisé et amélioré.
Le Coordinateur des secours d'urgence, M. Jan Egeland, sera présent aujourd'hui et je suis heureux qu'il ait accepté de participer à la discussion de groupe de cet après-midi sur le déplacement intérieur. Une belle occasion de faire le point aujourd'hui.
Mesdames et Messieurs,
L'année dernière, le HCR a déployé 184 missions d'urgence dans 24 pays sur 4 continents. Toutefois, une appréciation honnête de la capacité actuelle du HCR à faire face aux situations d'urgence, par rapport à celle du milieu des années 90, révèle une diminution de la capacité et de la promptitude à réagir. Plusieurs mesures ont déjà été prises et notre priorité opérationnelle aujourd'hui va clairement à la constitution de capacités pour qu'en 2007, nous soyons en mesure d'assumer une réponse rapide et efficace aux crises de réfugiés inattendues impliquant des déplacements pouvant aller jusqu'à 500 000 personnes.
La sécurité physique des réfugiés et des rapatriés reste au premier plan de notre Agenda pour la protection, aidant par-là les efforts gouvernementaux pour assumer leurs responsabilités primordiales dans des secteurs qui dépassent de loin le mandat et la compétence du HCR. Tout comme notre appui aux forces de police nationale qui assurent la sécurité des camps de réfugiés dans des pays comme la Tanzanie, le Tchad et le Kenya, nous avons renforcé notre coopération avec le Département des opérations du maintien de la paix dans des secteurs clés comme l'ordre public, le déminage, le désarmement, la démobilisation et la réintégration.
La sécurité des réfugiés mais également la sécurité de notre personnel et de nos partenaires. Tout comme mes prédécesseurs, je me suis engagé à garantir qu'il puisse opérer où le devoir nous appelle, tout en nous efforçant de réduire au minimum les risques pour leur sécurité physique. Les normes minimales de sécurité opérationnelles et la formation sont à ce titre essentielles. En collaboration avec le centre informatique du Japon, par exemple, nous avons adopté des instruments de gestion des risques qui aident les collègues à pondérer les besoins opérationnels par rapport aux risques de sécurité. Cette formation sera organisée à l'intention de tous les responsables de bureaux extérieurs en novembre et décembre de cette année.
Mesdames et Messieurs,
Pour relever les défis que je viens de citer, le HCR doit faire la preuve d'une vision et de résultats. Il a besoin de partenariats solides et d'une base financière saine. Il requiert une transparence, une obligation redditionnelle et une réponse structurelle.
Comme bon nombre d'entre vous le savez, j'ai accepté avec beaucoup de regret la démission du Haut Commissaire assistant, M. Kamel Morjane, parti servir les intérêts de son pays. Nous avons commencé le processus de sélection pour nommer son successeur de façon ouverte et transparente. Les mêmes critères s'appliqueront - sous réserve de la décision du Comité exécutif - au pourvoi du nouveau poste de Haut Commissaire assistant chargé de la protection.
Nous avons déjà pris des mesures pour renforcer le Bureau de l'Inspecteur général ainsi que son indépendance. Nous continuerons d'oeuvrer avec vous pour garantir cette dernière en appliquant des règles claires de non interférence et en communiquant les résultats des inspections à toutes les parties prenantes. Les membres du Comité exécutif peuvent désormais avoir accès aux conclusions d'inspection et poser des questions supplémentaires à l'Inspecteur général.
Je m'engage à établir un système de gestion axée sur les résultats, doté d'objectifs clairs, un processus mesurable pour y parvenir et un cadre d'obligation redditionnelle à l'échelle de l'organisation. Nous avons déjà adopté un certain nombre de ces éléments mais il conviendra de les renforcer et de les ancrer davantage dans notre culture institutionnelle.
Pour la première fois, cette année, nous avons publié des objectifs stratégiques globaux au début du cycle de planification pour guider le processus de budgétisation et de programmation. Nous avons établi un comité de gestion axée sur les résultats présidé par le Haut Commissaire adjoint. Le budget de l'année prochaine renforce notre section de gestion et de développement organisationnel et la rend responsable de la coordination, de la facilitation et de la garantie de qualité des efforts du HCR pour institutionnaliser cette gestion axée sur les résultats. Enfin, nous avons élargi la portée de notre programme de technologie de l'information afin que le projet de renouvellement des systèmes de gestion favorise une plus grande transparence, réduise les besoins en matière de rapports, assure un meilleur suivi et une efficacité de gestion.
Le processus de réforme structurelle nécessitera des efforts soutenus. Les propositions récentes présentées au Comité exécutif liées à la création d'un poste de Haut Commissaire adjoint chargé de la protection n'en constituent que les premières étapes. Elles engendreront une capacité d'élaboration centralisée de la politique générale sous ma supervision directe. Elles renforceront la coordination permanente au sein de la direction exécutive sous la forme d'une gestion de cabinet, et accroîtront les responsabilités du Comité supérieur de gestion. Elles établiront de nouveaux liens horizontaux entre les services d'appui et les responsables d'opérations, et renforceront le rôle central des bureaux qui doivent être au fait de toutes les informations liées aux activités du terrain. Tout cela en maintenant une politique de « croissance zéro » pour les effectifs du Siège dans la mesure où les créations de postes seront compensées par des suppressions.
L'instrument clé de cette réforme structurelle sera la définition d'une stratégie de gestion des effectifs pour satisfaire simultanément l'exigence d'efficacité du Haut Commissariat, l'épanouissement personnel et le bien-être de ses fonctionnaires et une réelle parité. Tout cela doit aller de pair avec une simplification des voies hiérarchiques et l'examen global des réglementations internes au niveau des procédures administratives et budgétaires pour une amélioration de la transparence, de l'obligation redditionnelle et de l'efficacité, assortie de l'application de stratégies nouvelles et actualisées en matière de financement et de communication.
Mesdames et Messieurs,
Rien de ce que nous faisons ne serait possible sans l'hospitalité des pays d'asile dont certains reçoivent des centaines de milliers, voire des millions de réfugiés, parfois malgré des ressources limitées et un risque énorme pour l'environnement. Une égale reconnaissance va au nombre limité de grands donateurs qui assument l'essentiel du financement de nos activités. Nous ferons de notre mieux pour élargir progressivement notre assise financière en recherchant de nouveaux donateurs et en intensifiant nos efforts auprès du secteur privé et des entreprises. Ces efforts ne suffiront naturellement pas à éviter les appels que j'ai lancés à nos principaux bailleurs de fonds pour étudier les moyens d'augmenter leurs contributions en 2005 afin de combler notre déficit actuel. L'importance des mesures d'austérité que nous serions alors obligés de prendre aurait des retombées néfastes directes sur nos activités et le bien-être des réfugiés. Le HCR a joui ces dernières années d'une stabilité financière relative qu'il serait bien fâcheux de perdre.
Pour ce qui est de l'année prochaine, je suis conscient des préoccupations que suscite le financement de la dotation budgétaire proposée pour 2006. Je partage ces préoccupations. Tous les efforts ont cependant été déployés - et continueront de l'être - pour établir des priorités parmi les activités et contenir les dépenses, surtout administratives, non pas par pur réflexe technocratique mais pour toujours garder à l'esprit les besoins pressants des populations dont nous avons la charge.
Mesdames et Messieurs,
Aucun groupe n'en fait plus pour les personnes de notre ressort que les ONG. En 2004, le HCR a compté 605 ONG partenaires, dont 453 nationales.
Nous comptons sur vous dans tous les secteurs de nos activités - réponse d'urgence, réintégration et protection. Nous compterons sur les compétences des ONG à mesure que nous nous engagerons davantage auprès des personnes déplacées de l'intérieur. Mais nous entendons faire des ONG des partenaires de plus en plus stratégiques, dans le cadre d'un dialogue substantiel visant à définir les objectifs et les politiques.
Nous tenons également à accroître la contribution des ONG à nos opérations de planification et de programmation, à les consulter plus fréquemment et nous nous réjouissons de leurs contributions aux conclusions du Comité exécutif.
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude pour l'excellente coopération avec nos institutions soeurs et le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. Mais il serait injuste de ne pas adresser un témoignage de reconnaissance tout particulier au Programme alimentaire mondial pour son engagement constant et dévoué aux côtés des réfugiés.
Le HCR a derrière lui une longue histoire de coopération avec les organisations régionales à la recherche de solutions durables pour les réfugiés et les personnes déplacées. La Commission européenne et son soutien sans faille. L'Union africaine de plus en plus active dans la recherche de la paix et de la sécurité et la promotion des buts du NEPAD. Les mêmes efforts doivent être déployés en Asie et dans les Amériques. Nous travaillons en étroite coopération avec l'Organisation de la Conférence islamique afin d'organiser conjointement une conférence sur les réfugiés dans ces Etats membres et espérons que cet évènement pourra avoir lieu en 2006.
Mesdames et Messieurs,
Depuis ma prise de fonctions il y a trois mois et demi, j'ai eu la chance de visiter plusieurs opérations sur le terrain. J'ai dit plus tôt que le début de l'année 2005 s'est distingué par le nombre le plus faible de réfugiés de ces vingt-cinq dernières années. La principale raison en est naturellement l'importance des mouvements de rapatriement. Plusieurs d'entre eux sont arrivés à leur pleine maturité. L'Afghanistan en est un exemple. Cette année, presque un demi million d'Afghans a reçu notre assistance pour rentrer chez eux, ce qui porte le total des personnes assistées depuis 2002 à 3,8 millions. Pour la quatrième année consécutive, il s'agit du mouvement de rapatriement volontaire le plus important enregistré dans le monde et le rapatriement librement consenti reste notre priorité absolue. Tout en étant conscient des conditions politiques, économiques et sécuritaires difficiles dans ce pays, nous entendons maintenir ce rythme et comptons sur votre appui sans faille à cette fin.
Le nombre résiduel de réfugiés afghans présentera de nouveaux défis. Les prochaines consultations stratégiques co-présidées avec le gouvernement américain et appuyées par la Commission européenne nous offriront une chance de galvaniser nos efforts collectifs pour trouver une solution. Je me réjouis par avance de visiter cette région à la mi-novembre.
En Afrique, plus d'un demi million de réfugiés seront rentrés chez eux en 2005. Le HCR a facilité le rapatriement de plus de 38 000 réfugiés libériens et fourni une assistance matérielle ainsi que le transport à 200 000 personnes déplacées. Les Angolais rentrent également chez eux en grand nombre, mettant ainsi un terme à leur exil.
Cet automne marque le dixième anniversaire de l'Accord de paix de Dayton qui a confirmé le HCR en tant qu'agence humanitaire chef de file pour le retour et la réintégration des réfugiés et des personnes déplacées de l'ex-Yougoslavie. Lors de la prochaine session annuelle du Comité exécutif, j'espère être en mesure de vous dire que la quasi-totalité des personnes chassées de chez elles par la guerre ont pu soit rentrer librement chez elles soit s'installer où elles se trouvent actuellement.
Mais, Mesdames et Messieurs,
D'autres conflits ont tendance à persister pendant de longues périodes. En Colombie, le déplacement intérieur touche plus de deux millions de personnes. Le HCR joue un rôle moteur dans leur protection dans le cadre d'une approche de collaboration en matière de déplacement outre la protection des réfugiés en Equateur, au Costa Rica, au Panama et au Venezuela. Seul un petit nombre d'entre eux ont été reconnus comme tels par des comités nationaux d'éligibilité mais le HCR s'emploie à renforcer les systèmes d'asile et à appuyer les communautés hôtes de la région.
Alors que certaines situations émergent de conflits récents, à l'heure où je parle, nous nous préparons à deux mouvements majeurs de retour en Afrique. Le sud du Soudan et le Burundi s'efforcent de consolider la paix et la démocratie. L'espoir pour un grand nombre d'exilés et de déplacés est aujourd'hui permis.
L'optimisme est de plus en plus de rigueur parmi les réfugiés burundais suite aux dernières élections. Le nombre de réfugiés rentrés de Tanzanie en août et septembre a doublé par rapport au mois précédent, atteignant 43 700 à ce jour en 2005.
La communauté internationale doit mobiliser son appui pour la création d'institutions et le développement économique du sud du Soudan afin de créer les conditions propices au retour durable et s'engager à appuyer pleinement le processus de paix pour l'est du Soudan et le Darfour. Au Darfour précisément, un accord de paix est une condition sine qua non au rétablissement progressif de la sécurité, au retour de la confiance et à la promotion de la réconciliation afin qu'une communauté pluriethnique et multiculturelle puisse vivre ensemble et éviter la terrible répétition du cauchemar qui a bouleversé le monde. Ce qui s'est passé la semaine dernière illustre clairement qu'il s'agit là d'une réelle menace car c'est une occasion unique qui risque d'être perdue.
Dans plusieurs cas, des solutions durables ont été trouvées et des problèmes aigus ont été résolus ou ont fait l'objet de progrès authentiques. Tel est le cas des 12 000 réfugiés tadjiks qui ont obtenu la nationalité au Turkmenistan, des Montagnards vietnamiens pour lesquels des solutions sont en vue ainsi que des ressortissants du Myanmar en Thaïlande. D'autres situations en revanche n'ont que trop duré, qu'il s'agisse des réfugiés sahraouis à Tindouf, des Bhoutanais au Népal ou des Rohingyas au Bangladesh.
En Irak, beaucoup attendent encore la stabilité politique. Les régions centrale et méridionale de la Somalie en sont aux premières phases de la reconstruction politique. Le retour vers la République démocratique du Congo prend petit à petit son essor.
Alors que certains problèmes sont en voie de solutions, d'autres malheureusement ressurgissent ou représentent une menace considérable pour l'avenir. La Côte d'Ivoire, la République centrafricaine et Myanmar requièrent une attention soutenue. Dans des pays tels que la République démocratique populaire de Corée, les violations des droits humains constituent également une cause profonde des déplacements de populations.
Mesdames et Messieurs,
J'aimerais clore ce bref aperçu de certaines de nos opérations par un retour à la protection. Plusieurs développements cette année illustrent les diverses formes que peut prendre notre engagement et les besoins divergents que nous rencontrons.
Les évènements au Kirghizistan en sont un vivant témoignage. Le HCR a fourni une assistance et une protection humanitaires à quelque 450 demandeurs d'asile ouzbeks nouvellement arrivés après les évènements violents d'Andijan en mai 2005. En juillet, 439 réfugiés ouzbeks ont fait l'objet d'un transfert humanitaire depuis le Kirghizistan vers la Roumanie afin d'assurer leur protection et leur réinstallation définitive. Depuis lors, 11 autres ont été réinstallés directement depuis la République kirghize. La résolution de cette situation a démontré l'appui exemplaire des institutions des droits de l'homme, de la communauté internationale et des Etats concernés, illustrant le rôle crucial des partenariats.
Les évènements tragiques récents en Méditerranée et dans le Golfe d'Aden attestent la nécessité de renforcer la coopération internationale en matière de sauvetage en mer, tout particulièrement les éléments de protection qui sont inhérents à ces opérations. Le Haut Commissariat a travaillé avec l'Organisation maritime internationale et fait tout ce qui est en son pouvoir pour veiller à ce que le régime mondial de recherche et de sauvetage soit respecté par les Etats et par la marine marchande. Les réfugiés et les autres personnes en détresse doivent être secourues et non pas mises en danger.
Nous éprouvons les plus vives difficultés à gérer le problème des demandeurs d'asile de bonne foi dissimulés dans des flux migratoires tout en respectant les préoccupations légitimes des gouvernements en matière de surveillance des frontières. Les progrès dans ce domaine sont souvent entravés par l'absence d'accès du HCR aux groupes cibles. Je réitère le désir et la disponibilité du HCR à coopérer avec les Etats dans les régions touchées - tant au nord qu'au Sud - pour établir les capacités nécessaires et garantir que ceux qui ont besoin d'une protection internationale jouissent d'un accès à l'asile.
Nous continuerons de suivre avec la plus grande attention les situations de refoulement direct ou indirect, induites par des accords bilatéraux au mépris du droit international ou par l'assimilation des demandeurs d'asile de bonne foi à des migrants clandestins.
Nous venons de mettre un terme ce mois au processus décennal de la Conférence sur la CEI. Même s'il reste quelques lacunes, les résultats sont encourageants au niveau de l'aide aux pays pour se doter de capacités propres et d'instruments législatifs et administratifs nécessaires pour gérer la migration et l'asile, même si la région enregistre encore des problèmes de déplacement interne non résolus.
Dans un même esprit de dialogue, nous sommes prêts à aider les Etats membres de l'Union européenne à garantir que la transposition des directives de l'Union européenne sur l'asile dans les législations nationales ne représente pas un amoindrissement de la protection. L'Europe doit rester un continent d'asile.
Enfin, nous nous sommes réjouis cette année de voir l'Afghanistan ratifier la Convention de 1951 et le Protocole de 1967. Il existe très peu de pays au monde qui savent mieux que l'Afghanistan à quel point l'asile et la protection peuvent être vitaux. Son engagement à la défense de la cause des réfugiés constitue une étape admirable dans le cheminement de ce pays vers la paix et la stabilité.
Nous nous sommes également réjoui de l'adhésion du Sénégal à la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie et j'encourage vivement d'autres Etats à envisager d'adhérer aux Conventions de 1954 et de 1961 sur l'apatridie. Le HCR intensifie ses efforts dans ce secteur fondamental de nos activités de protection, tant pour accroître la prise de conscience que pour trouver des solutions pratiques visant à mettre fin aux situations d'apatridie, qui pèsent lourdement sur la vie de millions de personnes dans le monde.
Mesdames et Messieurs,
Je vous ai brossé les préoccupations et les priorités du HCR telles qu'elles se présentent pour un nouveau venu. N'importe qui peut toutefois comprendre que l'époque actuelle comporte d'importants défis à relever pour le Haut Commissariat. Elle nous offre également de remarquables opportunités. Beaucoup d'autres opportunités resteront toutefois hors d'atteinte si nous ne sommes pas prêts à aborder les causes profondes des déplacements humains forcés. Au HCR, nous traitons les symptômes d'une maladie. Mais qu'il s'agisse de pauvreté et d'exclusion, de conflits violents ou de violations généralisées des droits humains, le défi pour le monde contemporain est de s'attaquer à la maladie elle-même.
Merci.