Déclaration de M. António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, au camp de réfugiés de Dadaab, Kenya : « Préserver la protection dans un monde en mouvement »
Déclaration de M. António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, au camp de réfugiés de Dadaab, Kenya : « Préserver la protection dans un monde en mouvement »
Genève, le 11 décembre 2007
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi d'ouvrir cette réunion en vous souhaitant à tous une chaleureuse bienvenue. C'est un grand plaisir pour moi que de voir représentés ici tant d'Etats, d'organisations internationales, d'ONG et d'experts pour notre premier Dialogue sur les défis de protection.
Pour entamer ce Dialogue, j'aimerais brièvement aborder trois questions. Quel en est l'objectif ? Pourquoi avons-nous choisi de cibler nos débats sur la question de la protection des réfugiés et de la migration internationale ? Quelles sont les perspectives que peut ouvrir le HCR à cet égard ?
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La première de ces questions appelle des réponses très brèves. Nous avons lancé ce Dialogue du fait de la nécessité de dégager un consensus international sur les principes et la pratique de protection des réfugiés dans le contexte actuel du déplacement humain.
Comme vous le savez, le nombre de réfugiés dans le monde n'a pas connu d'augmentation importante ces dernières années. Il a même été en baisse durant plusieurs années avant 2006. Mais le défi que représentent la fourniture d'une protection et la recherche de solution à ces personnes ainsi qu'à d'autres personnes déplacées n'est pas devenu pour autant plus facile à relever. C'est particulièrement le cas dans des régions où les réfugiés se déplacent aux côtés de personnes qui n'ont pas besoin de protection internationale.
Je fonde sur ce Dialogue l'espoir de parvenir à un accord sur les moyens d'améliorer notre réponse aux défis contemporains que nous lance la protection des réfugiés. J'espère également que notre débat sera aussi informel, interactif et franc que possible.
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Deuxième question. Pourquoi avons-nous choisi de cibler ce premier Dialogue sur la question de la protection des réfugiés, des solutions durables et de la migration internationale ?
La réponse à cette question se trouve dans le fait que la mobilité humaine s'accroît tant au plan de l'échelle que de la portée et de la complexité. De nouveaux modes de déplacement se font jour, y compris une migration forcée, qui ne relèvent pas du droit international des réfugiés. Les Etats se déclarent partout préoccupés de l'impact de ces développements sur leur économie, leur sécurité et la cohésion de leur société.
Malheureusement, le débat sur la mobilité et la migration n'est pas toujours rationnel. L'opportunisme électoral, le populisme et la presse à sensations se conjuguent pour empoisonner le débat sur cette question, encourageant la crainte, l'intolérance et le rejet.
Mais, en même temps, le discours sur la migration internationale a récemment pris un tournant neuf et plus positif. Comme le révèle l'établissement du Forum mondial sur la migration et le développement, le besoin se fait de plus en plus sentir d'optimiser la contribution que la migration peut faire à la réduction de la pauvreté et à la croissance économique, tant au nord qu'au sud de la planète.
L'ordre du jour qui a été établi pour la deuxième réunion du Forum mondial aux Philippines, atteste également que nous prenons de plus en plus conscience de la nécessité de préserver les droits humains des personnes qui se déplacent. Je ne fais guère mystère de mon ambition de faire en sorte que le débat actuel sur la migration, le développement et les droits humains mette l'accent sur les besoins de protection des réfugiés et la contribution qu'ils peuvent apporter à leurs pays d'asile.
Je suis fermement convaincu que les efforts de mon Office pour promouvoir la protection des réfugiés et la recherche de solutions sont pleinement compatibles avec les efforts (ainsi consolidés) des Etats pour assurer leur propre sécurité et définir leurs politiques de migration. J'espère que ce Dialogue nous permettra de définir comment ces objectifs complémentaires pourraient être atteints avec plus d'efficacité.
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Permettez-moi de poursuivre ces remarques liminaires par quelques observations quant à la position du HCR sur les questions que nous allons aborder au cours de ce Dialogue, examinées plus en détail dans le document de travail qui vous a été remis.
Comme vous pouvez le constater dans ce document, la cheville ouvrière de ce Dialogue est la Convention de 1951 sur les réfugiés, compte tenu du statut et des droits distincts accordés aux réfugiés en droit international et du mandat unique du HCR consistant à fournir à ce groupe de personnes une protection et des solutions durables de concert avec les Etats..
En même temps, nous reconnaissons que le concept des réfugiés a changé au cours des 50 dernières années et qu'il s'est complexifié du fait d'instruments juridiques additionnels, de la nouvelle jurisprudence, de la pratique évolutive des Etats et des modifications apportées au mandat du HCR. Tous ces développements témoignent d'un phénomène auquel je viens de me référer, soit la complexité croissante des mouvements de population.
Les 10 millions de réfugiés que compte aujourd'hui le monde ne constituent qu'un modeste pourcentage des quelque 200 millions ou davantage de personnes qui vivent à l'extérieur de leur propre pays. Mais de plus en plus, ces réfugiés se trouvent pris dans des mouvements mixtes, avec les mêmes destinations, les mêmes itinéraires et les mêmes moyens de transport que les migrants.
Dans de nombreux cas, ils sont également exposés à des risques et des dangers similaires, particulièrement lorsqu'ils voyagent dans des embarcations précaires et surchargées comme nous l'ont révélé récemment les informations venant du Golfe d'Aden, de Méditerranée du Sud, de la côte occidentale de l'Afrique et des Caraïbes.
Le HCR s'est fixé un certain nombre d'objectifs fondamentaux face à ces mouvements mixtes, qui font l'objet de notre Plan d'action en dix points sur la protection des réfugiés et la migration mixte.
Nous voulons garantir que ces personnes qui ont besoin d'une protection ont accès aux territoires d'autres Etats et sont en mesure de voir leur demande d'asile examinée dans le cadre de procédures justes et efficaces.
Nous voulons vous assurer que les contrôles aux frontières sont effectués dans le respect des préoccupations en matière de protection et des droits des réfugiés.
Nous voulons préconiser des mesures qui sauveront la vie des gens en détresse en haute mer et assureront leur débarquement sûr et rapide.
Nous voulons que des mesures soient prises pour réprimer les trafiquants et veiller à ce que les victimes de ces crimes soient efficacement protégées.
Nous voulons veiller à ce que des solutions durables soient trouvées pour les réfugiés et en même temps veiller à ce que les réfugiés qui n'ont pas besoin de protection internationale puissent soit rentrer dans leur patrie de façon digne, soit régulariser leur statut conformément aux politiques de migration des Etats concernés. Dans la recherche de solutions aux réfugiés, par ailleurs, nous aimerions demander que les personnes relevant de la compétence du HCR puissent bénéficier de façon plus systématique des possibilités de migration légales.
Et par-dessus tout, nous voulons garantir que nos efforts pour atteindre ces objectifs soient fermement ancrés sur les principes de la solidarité internationale, de la coopération et du partage des responsabilités. De fait, l'une de mes ambitions principales dans ce Dialogue est de faire plus largement admettre la nécessité d'établir une capacité de protection dans toutes les régions du monde afin que les réfugiés puissent trouver la sécurité où et quant ils en ont besoin afin de ne pas être contraints de poursuivre leur route.
Dans ce contexte, permettez-moi de rappeler que la question de la protection des réfugiés et de la migration internationale n'est pas simplement une question de mouvements du sud vers le nord de la planète. La majorité des réfugiés du monde se trouvent dans les pays en développement et certains des mouvements migratoires actuels les plus importants ont lieu dans l'hémisphère sud.
Nous devons veiller à ce que nos efforts pour améliorer la situation des réfugiés dans les régions en développement ne servent pas de prétexte aux pays les plus prospères du monde pour se décharger des problèmes de protection sur les Etats dotés de ressources beaucoup plus rares et de capacités bien moindres. La protection des réfugiés dans l'hémisphère sud est une nécessité qui ne saurait en aucun cas constituer une alternative à l'asile dans l'hémisphère nord.
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Mesdames et Messieurs,
Avant d'ouvrir le débat, permettez-moi de conclure en soulevant quelques questions qui pourraient sortir du cadre du mandat de mon Office mais qui ont de lourdes conséquences sur la marge de manoeuvre qui m'est accordée pour m'acquitter de ce mandat.
Tout d'abord nous devons reconnaître que dans la phase actuelle et très dynamique du processus de mondialisation, la migration est inévitable. Il est probablement illusoire de penser que les biens, les capitaux, les services et les informations peuvent circuler de plus en plus librement à travers les frontières nationales sans accroître simultanément l'échelle et la portée de la mobilité humaine.
Deuxièmement, la migration internationale ne peut être efficacement gérée par les seuls contrôles aux frontières ou politiques de migration. Une démarche plus cohérente, plus globale et mieux intégrée est nécessaire, intégrant les initiatives appropriées dans un large éventail d'autres domaines politiques.
Une attention particulière doit être conférée à l'établissement de programmes de coopération au développement mieux coordonnés et ciblés, axés sur la réduction de la pauvreté, la création d'emplois, le renforcement des services publics et communautaires. Des efforts plus importants sont nécessaires pour relever les défis de la prévention et de la résolution des conflits et de l'établissement de la paix. Le commerce international doit devenir un véritable instrument de développement. De nouvelles initiatives sont nécessaires pour alléger les conséquences inévitables du changement climatique et permettre aux communautés de s'adapter aux modifications subies par leur environnement.
Troisièmement, j'encourage les Etats à reconnaître la nécessité d'établir un équilibre entre les contrôles efficaces aux frontières et la fourniture de possibilités supplémentaires de migration légale. Dans un environnement où prévaut la migration irrégulière, les trafiquants et passeurs ne peuvent que prospérer. La migration irrégulière ne peut être jugulée que si les candidats au départ peuvent espérer le faire de façon sûre et légale.
Nous devrions reconnaître que si la migration internationale est motivée par des forces économiques et sociales puissantes, il s'agit néanmoins en dernier ressort d'un phénomène humain. Les gens qui se déplacent d'un pays et d'un continent à l'autre le font en général pour mener une vie meilleure. Nous devons nous assurer que ces déplacements sont choisis et qu'il ne s'agit pas de la seule option de survie.
Quatrièmement, je suis convaincu que si nous voulons régler la question de la mobilité humaine de façon efficace et équitable, nous devons nous employer à resserrer les liens de coopération, particulièrement entre les Etats mais également avec d'autres parties prenantes. Cette coopération doit avoir lieu aux niveaux régional et mondial et promouvoir un dialogue dynamique entre les pays d'origine, les pays de transit et les pays de destination.
D'ici une semaine exactement, nous célébrerons la Journée internationale des migrants. Je vous propose d'utiliser cette journée ainsi que ce Dialogue pour réaffirmer la nécessité de respecter les droits de toutes ces personnes qui ont quitté leur propre pays, indépendamment de leur statut juridique ou de leur motivation.
Je ne cherche pas, par là, à élargir le mandat de mon Office. Je ne veux pas que le HCR assume la responsabilité d'activités qui peuvent être conduites de façon plus adéquate par d'autres organisations, particulièrement l'Organisation internationale pour les migrations. Je ne suis pas en faveur de la dilution de la distinction fondamentale entre les réfugiés et les migrants et je ne souhaite certainement pas laisser entendre que chaque personne déplacée doit être considérée comme réfugiée.
Je crois néanmoins fermement au caractère universel et indivisible des droits humains. En créant un environnement mondial où les droits des migrants sont respectés, nous créerons également un environnement où le HCR pourra exercer de façon plus efficace son mandat de protection des réfugiés et de solutions à leur sort.
Je vous remercie.