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Allocution prononcée par M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la Troisième Commission de l'Assemblée Générale des Nations Unies

Discours et déclarations

Allocution prononcée par M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la Troisième Commission de l'Assemblée Générale des Nations Unies

19 Novembre 1962
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Le 19 novembre 1962

La discussion qui s'ouvre aujourd'hui, Monsieur le Président, revêt, vous le savez, une signification particulière pour le Haut Commissariat. C'est que l'Assemblée doit, au cours de cette session, se prononcer sur l'avenir de cet office, en décidant si son mandat doit ou non être renouvelé.

En lisant le rapport qui leur est soumis, les membres de la Commission auront pu également constater que le Haut Commissariat traverse à l'heure actuelle une phase important de son évolution, dont je rappellerai seulement les étapes les plus importantes à savoir : l'achèvement de notre action en faveur des réfugiés algériens après que leur rapatriement eût été assuré au cours de l'été passé; les nouvelles tâches que, dans des circonstances parfois dramatiques, nous avons dû assumer en Afrique en 1961 et 1962 et qui concernent les réfugiés de l'Angola au Congo, les réfugiés au Togo et, plus récemment, les réfugiés du Rwanda accueillis dans les pays voisins ; la perspective, enfin, d'une liquidation prochaine du problème résiduel des « anciens » réfugiés européens qui était l'un des pénibles héritages de la dernière guerre, cette liquidation devant permettre au Haut Commissariat de concentrer désormais ses efforts sur la protection internationale assortie d'une assistance courante de caractère complémentaire, destinée à assurer le fonctionnement. régulier du mécanisme de la solidarité internationale en faveur des réfugiés.

La Commission a sous les yeux, Monsieur le Président, mon rapport à l'Assemblée (document A/5211/Rev.l) auquel est joint, en appendice, le rapport du Comité exécutif du programme sur sa septième session. Un addendum à ce rapport vient d'être distribué sous la cote A/5211/Rev.1; il contient le rapport du Comité exécutif sur sa huitième session qui s'est tenue à Genève du 22 au 25 octobre dernier.

Ces documents donnent, je crois, un aperçu assez complet des activités déployées par le Haut Commissariat, des résultats acquis au cours de cette période et aussi des problèmes qui restent à résoudre. Je me bornerai donc à souligner à l'intention de la Commission, les aspects les plus significatifs de cette oeuvre, et à faire le point de la situation présente en complétant mon rapport par des informations récentes.

Je serai, pour cela, appelé à faire mention parfois des tâches futures du Haut Commissariat. Il va de soi que je n'entends, en aucune manière, préjuger pour autant de la décision de l'Assemblée quant à la prolongation éventuelle des activités de cet office. Mais c'est seulement en me plaçant dans l'hypothèse de travail d'une telle prolongation que je puis exposer à la Commission, non seulement les services que cet office a pu rendre jusqu'à présent aux réfugiés et aux pays qui les hébergent, mais aussi ceux que l'on pourrait raisonnablement attendre de lui si son mandat venait à être prorogé.

Il est un point, de même, que j'ai eu l'occasion de mentionner l'été dernier au Conseil économique et social et que je rappellerai ici en passant : c'est celui d'un élargissement possible de la composition du Comité exécutif du programme, élargissement qui serait en quelque sorte le reflet de l'extention de nos activités sur le plan géographique. Le Conseil économique et social a, vous le savez, dans sa résolution 862 adoptée l'an passé, décidé de « maintenir la composition du Comité en attendant que l'Assemblée ait statué sur l'avenir du mandat du Haut Commissariat, mais au plus tard jusqu'au 31 décembre 1963 ». Sans doute le Conseil à sa session de l'été prochain où il aura, comme de coutume, à examiner mon rapport à l'Assemblée, voudra-t-il se pencher sur cette question, et formuler, à l'intention de l'Assemblée, telle recommandation qui lui paraîtra opportune.

Mais venons-en, si vous le voulez bien, Monsieur le Président, au tableau très général des activités de notre office que je voudrais maintenant brosser à l'intention de la Commission.

La tâche première, la tâche fondamentale du Haut Commissariat est, vous le savez, la protection internationale. Il s'agit en un mot d'obtenir pour les réfugiés un statut juridique aussi proche que possible de celui des nationaux du pays où ils vivent, en attendant qu'ils aient pu, à leur tour, recouvrer - soit dans leur pays d'origine, soit dans leur pays d'adoption - un statut de national, avec tous les droits et obligations qui en résultent. L'idée qui préside à la protection internationale n'est nullement donc de faire des réfugiés une catégorie d'individus privilégiés. Son but est au contraire d'effacer toute trace de discrimination sur le plan juridique, économique et social entre le réfugié et ceux qui l'entourent, d'éviter qu'il ne demeure un perpétuel déclassé, un éternel déraciné. C'est en lui donnant les moyens de se recréer une vie nouvelle que l'on atteindra cet objectif essentiellement humanitaire, et qu'on l'aidera de surcroît à orienter ses pensées et ses activités vers des fins constructives, en lui permettant de participer pleinement aux oeuvres vives qui le sollicitent.

Or des progrès substantiels, je suis heureux de le dire, Monsieur le Président, ne cessent d'être accomplis dans ce domaine. C'est ainsi que le nombre des pays ayant ratifié la Convention du 18 juillet 1951 sur le statut des réfugiés s'élève maintenant à trente-six. Au cours des douze derniers mois le Cameroun, le Dahomey, la Côte-d'Ivoire, le Togo et la République centrafricaine ont successivement informé le Secrétaire général des Nations Unies qu'ils se considéraient comme liés par la Convention dont l'application avait été étendue à leur territoire avant qu'ils ne deviennent des Etats indépendants. J'espère sincèrement que de nouveaux pays continueront d'adhérer à cette Convention qui est l'instrument le plus important adopté jusqu'à ce jour en faveur des réfugiés.

La situation juridique des réfugiés s'est améliorée, d'autre part, dans de nombreux pays, en ce qui concerne plus particulièrement droit au travail et les facilités de circulation d'un pays dans un autre. De plus en plus l'on comprend, en effet, que les restrictions apportées parfois à l'accès des étrangers à certains emplois constituent pour les réfugiés un obstacle insurmontable à. leur intégration économique et sociale. Nous avons trouvé, à cet égard, beaucoup de compréhension auprès des grandes organisations européennes avec lesquelles nous gardons un étroit contact en vue de parfaire l'intégration des réfugiés dans le domaine de la protection sociale, de la liberté de mouvement et de travail.

De nouveaux pays, d'autre part, à savoir la Grèce, la Nouvelle-Zélande, la Tunisie et la Yougoslavie, ont accepté de délivrer aux réfugiés le titre de voyage prévu par la Convention de 1951.

En ce qui concerne l'Accord sur les réfugiés marins, élaboré en 1953, dix Etats y ont jusqu'à présent adhéré. Cet accord a considérablement aidé à résoudre le problème des réfugiés marins, qui se heurtait à des difficultés particulières. En tant que marins, ces réfugiés n'étaient en effet admis à résider dans aucun pays et ne pouvaient donc obtenir de titre de voyage. La situation d'un grand nombre d'entre eux a pu ainsi, par suite de la mise en vigueur de l'Accord de 1953, être régularisée.

De grands efforts restent néanmoins à accomplir dans ce domaine de la protection avant que nous n'ayons pu atteindre l'objectif que j'évoquais il y a un instant et qui est d'obtenir pour les réfugiés un statut aussi proche que possible de celui des nationaux du pays où ils résident.

J'aimerais, Monsieur le Président, avant de quitter ce chapitre de la protection, dire un. mot de l'Accord passé le 5 octobre 1960 entre mon office et le Gouvernement de la République fédérale allemande au sujet de l'indemnisation des personnes qui furent persécutées en raison de leur nationalité. En ce qui concerne l'article 2 de l'Accord dont l'application est confiée au Haut Commissariat, la date limite pour la présentation des requêtes était fixée au 31 mars dernier. Quarante mille demandes avaient alors été enregistrées.

Afin d'apporter sans trop tarder aux intéressés l'aide dont ils ont besoin, un premier versement a été effectué à ceux d'entre eux : dont la requête avait déjà été reconnue recevable. Ceux-ci bénéficieront ultérieurement de nouveaux versements. Pour ce qui est des dispositions de l'article premier dont l'application incombe aux autorités fédérales d'Allemagne, la date limite pour la présentation des requêtes a été fixée au 31 décembre 1962. Un certain nombre de décisions favorables sont intervenues déjà à ce jour.

Mais la protection serait bien souvent inopérante si elle n'avait pour complément une assistance qui lui sert à la fois de support et de stimulant. C'est pour cette raison que furent mis sur pied, en 1955, les grands programmes d'aide aux réfugiés européens.

Que, l'on doive aujourd'hui encore mentionner le problème résiduel de ces ultimes et vivants témoins des bouleversements engendrés par la guerre que sont les anciens réfugiés européens non encore installés, voilà qui, à mon sens, suffirait, s'il en était besoin, à justifier l'effort délibéré que nous avons entrepris pour en terminer avec ce problème. Déjà les fonds ont été réunis, en partie grâce à l'Année mondiale du réfugié, pour assurer le réétablissement de ceux d'entre eux : qui séjournent encore dans les camps. Trente-neuf de ces camps ont été ainsi évacués au cours des neuf premiers mois de cette année, cependant que près de 2 800 réfugiés qui s'y trouvaient étaient réinstallés avec l'aide du Haut Commissariat. Le programme d'évacuation des camps en Allemagne, en Autriche, en Italie et en Grèce, est ainsi entré maintenant dans sa phase ultime, et sera complètement achevé en Allemagne et en Autriche, les deux pays où les camps étaient les plus nombreux, dans un avenir rapproché.

La réinstallation a pris de même un rythme plus rapide en ce qui concerne les réfugiés vivant hors des camps. Ce problème peut en effet être considéré comme potentiellement résolu en Allemagne, en Autriche et en Italie. Notre action, en conséquence, se concentre maintenant sur la Grèce et certains pays du pourtour méditerranéen où ces problèmes n'ont été approchés que plus tardivement et où ils revêtent, du fait des conditions locales, une gravité particulière. Au fur et à mesure que nous avançons, d'autre part, il nous faut, nous attaquer aux cas les plus handicapés pour lesquels une solution n'avait pu jusqu'à présent être trouvée. Un phénomène identique se produit, bien entendu, en ce qui concerne les réfugiés européen qui se trouvent encore en Extrême-Orient et dont le rétablissement se poursuit, selon le rythme des arrivées, grâce à la constante générosité de nombreux pays.

Ainsi pouvons-nous espérer, Monsieur le Président, voir enfin menée 'a son terme, dans un proche avenir, une grande oeuvre de solidarité internationale qui, pendant tant d'années, a mobilisé des ressources et des énergies considérables. Aucun des pays qui y ont si généreusement participé n'accepterait, j'en suis sûr, l'idée que cette tâche puisse demeurer inachevée.

C'est le jour en effet où nous y mettrons le point final qu'elle prendra tout son sens, et c'est 'a ce moment-là seulement que la communauté internationale pourra en retirer tout le bénéfice moral qu'elle est en droit d'en attendre.

En face. de cette oeuvre qui, donc, appartient déjà dans une large mesure au passé, il importait, d'autre part, de définir les tâches courantes du Haut Commissariat, en ce qui concerne tout d'abord l'assistance aux réfugiés sous le mandat. Le programme d'un montant de 700 000 dollars approuvé à cette fin par le Comité exécutif prévoit une aide qui s'exerce sous des formes diverses : assistance juridique, aide a l'intégration des réfugiés dans les pays d'asile ou à leur réinstallation dans d'autres pays, pour ceux qui désirent émigrer ; aide d'appoint pour faire face à des besoins urgents mais passagers,

Cette assistance, de caractère marginal, se propose de faire face aux problèmes au fur et à mesure qu'ils se présentent et de prévenir ainsi, par une action limitée mais appropriée, toute nouvelle accumulation de besoins qui finirait, si l'on n'y prenait garde, par imposer tôt ou tard une action plus ample et plus coûteuse de la communauté internationale.

Cette assistance est orientée, cela va de soi, vers la recherche des solution solutions permanentes classiques : rapatriement librement consenti, intégration ou réinstallation dans un autre pays.

Le programme d'assistance complémentaire pour l'année 1963 comporte de même une somme identique de 700 000 dollars destinée a faire face aux nouveaux problèmes de réfugiés. Le fait que ces derniers trouvent maintenant place dans le programme régulier du Haut Commissariat vaut, je crois, d'être souligné. Il témoigne de l'évolution à laquelle nous avons assisté et qui a été marquée par l'adoption des résolutions de l'Assemblée sur la procédure des « bons offices » qui fait maintenant partie intégrante des activités du Haut Commissariat.

La Commission aimera je pense, Monsieur le Président, que je rappelle brièvement ici les diverses interventions de mon office dans cette nouvelle sphère de ses activités.

Pour ce qui est tout d'abord des 150 000 réfugiés d'Angola arrivés l'an passé au Congo (Léopoldville), ils ont pu, vous le savez, être réinstallés dans des régions avoisinant la frontière. Si, en raison des circonstances, il n'a pas été toujours possible d'assurer sur le champ une répartition absolument rationnelle de cette masse de réfugiés dans les différentes zones de réimplantation qui leur étaient accessibles, des aménagements peuvent encore intervenir, qui d'ailleurs s'effectuent souvent de manière spontanée, sans qu'aucune intervention extérieure soit pour cela nécessaire. Mon Chargé de mission à Léopoldville continue de surveiller attentivement la situation, en étroite liaison avec l'ONUC, les agences bénévoles et les autorités congolaises. Les mouvements constatés dans les régions frontières voisines de l'Angola, mouvements qui affectent soit des réfugiés provisoirement réinstallés, soit de nouveaux arrivés dont le nombre est actuellement évalué à 10 000, pourront, je pense, être aisément contrôlés, grâce au concours que je viens de mentionner.

En ce qui concerne mon office, l'action en faveur des réfugiés d'Angola peut ainsi, dans l'ensemble, être considérée pratiquement terminée. Je n'exclus pas cependant la possibilité d'une action complémentaire, beaucoup plus modeste, qui pourrait s'imposer, à brève échéance, afin de parfaire l'oeuvre déjà accomplie.

La situation est identique au Togo où, six mois durant, des vivres ont été distribués par la Ligue des sociétés de la Croix-Rouge en coopération avec la Croix-Rouge togolaise aux quelque 3 500 réfugiés qui étaient dans le besoin. Un plan simple et efficace d'installation rapide dans les divers secteurs de l'économie togolaise a été élaboré en collaboration avec les autorités centrales ou locales et les autres instances qualifiées : assistance technique, FAO, OIT. La plus grande partie de ces réfugiés a pu être ainsi réinstallée dans l'agriculture notamment, et le gouvernement s'emploie en ce moment même, avec le Gouvernement : togolais ; il est prêt à lui procurer l'aide limitée qui paraît encore nécessaire pour mener à bien une tâche maintenant en voie d'achèvement.

De plus grande ampleur, et plus récent aussi dans l'ordre . chronologique, est le problème des réfugiés du Rwanda qui affecte pratiquement quatre pays différents : le Tanganyika, l'Ouganda, le Burundi et le Congo (Léopoldville). Dans les deux premiers Etats que je viens de mentionner, les gouvernement ont, pour l'essentiel, été en mesure de faire face à la situation, et ont mis en oeuvre des plans de réinstallation intéressant les 15 000 et 35 000 réfugiés que respectivement ils hébergent. De fréquents contacts ont été établis et sont maintenus avec les gouvernements auxquels mon office a prodigué un appui technique et un soutien financier occasionnel et modeste.

Plus important a été et est encore le rôle du Haut Commissariat dans l'exercice de sa mission de bons offices auprès du Gouvernement du Burundi et du Congo (Léopoldville). Par suite des circonstances l'action s'est en et effet révélée plus difficile à organiser et plus longue à démarrer dans chacun de ces deux pays, qui ont accueilli respectivement 40 000 et 60 000 réfugiés du Rwanda. Il a fallu dans la province du Kivu notamment, mettre sur pied des centres de regroupement à partir desquels est organisée la réinstallation des réfugiés sur les terres mises généreusement à leur disposition par les autorités de ce pays. D'une manière générale, et, grâce à l'esprit de coopération qui s'est manifesté de toutes parts et qui a permis de réunir rapidement les moyens d'une action coordonnée et efficace, je puis dire que la solution du problème est là aussi en vue. Selon les informations les plus récentes reçues de mon Chargé de mission, la majorité de ces réfugiés seront en effet à la fin de année, ou au printemps suivant, en mesure d'assurer leur subsistance,

Des plans ont de même été élaborés au Burundi en liaison avec les autorités et avec le concours du Gouvernement belge, en vue de permettre l'intégration d'un nombre aussi élevé que possible de réfugiés. Les ressources de ce pays étant néanmoins limitées, certains retards en sont résultés, et il nous faut envisager l'éventualité d'un transfert dans des pays voisins d'une partie des réfugiés qui y ont été accueillis et qui ne pourraient y être installés. Approchés à ce sujet, les Gouvernements du Tanganyika et du Congo (Léopoldville) ont bien voulu marquer leur accord de principe à. un tel transfert. Je. tiens, Monsieur le Président, à dire ici combien j'apprécie ce geste de la part de pays où tant de réfugiés déjà ont reçu asile. Leur décision, je pense, est également le signe de l'intérêt qu'ils portent et de l'estime en laquelle ils tiennent l'oeuvre de coopération internationale que poursuit là mon office.

Dans chacun de ces pays, l'intervention de ce dernier a été guidée par le souci primordial de donner aux réfugiés, dans le minimum de temps, le moyen de subvenir à leurs propres besoins. L'expérience et le bon sens se rejoignent en effet pour commander une action constructive, la seule qui puisse préserver en l'homme ce bien précieux qu'est le sentiment de sa propre dignité, de sa responsabilité vis-à-vis de lui-même, de sa famille et de la communauté qui l'entoure.

Comme j'ai eu d'autre part l'occasion de l'indiquer en d'autres occasions, l'intervention du Haut Commissariat, en pareille circonstance, doit être justifiée par le fait qu'elle est à la fois possible, utile, voire nécessaire, et en même temps conforme au désir des gouvernements intéressés et, plus spécialement, des pays d'accueil. Son but est d'aider ces pays à résoudre le problème humanitaire que pose l'admission de réfugiés sur leur territoire, problème auquel ils ne seraient pas en mesure de faire face par leurs propres moyens. Le Haut Commissariat, ce faisant, apporte l'élément de compréhension internationale qui permet la mise en oeuvre de plans constructifs, en même temps qu'il stimule et coordonne l'action de toutes les instances disposées à coopérer à cette oeuvre humanitaire.

J'ai fait une brève allusion déjà, Monsieur le Président, à une oeuvre de grande envergure à laquelle mon office a dû faire face au cours des années passées et qui s'est achevée récemment par le retour massif des réfugiés dans leurs pays : je veux parler de l'assistance aux réfugiés d'Algérie au Maroc et en Tunisie. Au prix d'un effort de solidarité internationale aussi large que persévérant, et grâce au concours actif de la Ligue des sociétés de la Croix-Rouge, du Croissant-Rouge, du Lion et du Soleil-Rouge, la subsistance de ces réfugiés a pu être assurée dans des conditions convenables jusqu'au moment où, selon le voeu de chacun, a sonné pour eux l'heure du retour dans leur pays. Le rapatriement rapide et ordonné de quelque 180 000 personnes posait, cela va saris dire, de nombreux problèmes que les parties intéressées ont, dans le cadre des accords d'Evian, demandé à notre office de les aider à résoudre. C'est ainsi que le Haut Commissariat s'est trouvé, pour la première fois, directement engagé dans une opération de rapatriement dont il a été la cheville ouvrière et qui, grâce aux efforts de tous ceux qui y ont participé, a pu être menée à bien dans les délais impartis.

Je ne saurais trop dire, en tout cas, la satisfaction qui fut la nôtre de voir ainsi résolu de la manière la plus heureuse, puisqu'elle répondait au voeu des réfugiés aussi bien qu'à celui de tous les pays intéressés, l'un des problèmes qui fut pour nous, pendant des années, une source de constante préoccupation. Pour donner à la Commission une idée de l'importance de l'oeuvre ainsi accomplie, je me bornerai à indiquer que le montant total des contributions directement reçues par le Haut Commissariat et par la Ligue, tant en espèces qu'en nature, s'est élevé depuis le début de l'opération à plus de 22 millions de dollars. Ce chiffre ne comprend pas les dépenses supportées par les pays d'accueil eux-mêmes, par d'autres gouvernements ou par les agences bénévoles qui ont apporté une aide à ces réfugiés, sans passer par le canal du Haut Commissariat et de la Ligue. des sociétés de la Croix-Rouge. Mais tant par son montant que par l'énumération des pays qui ont participé à cet effort, il suffit démontrer à la fois l'ampleur et l'universalité de l'appui dont bénéficie l'opération conjointe du Haut Commissariat et de la Ligue. Cette universalité, et les contributions importantes consenties notamment par la France, ont heureusement souligné le caractère purement humanitaire et apolitique de l'action du Haut Commissariat qui s'en est ainsi trouvée renforcée.

Ainsi les réfugiés d'Algérie sont-ils rentrés dans leur pays. Le problème avec lequel nous nous sommes à l'époque trouvés confrontés a été clairement exposé dans mon rapport intérimaire en date du 11 juin 1962 distribué à l'Assemblée générale sous le No A/5132, Je ne saurais mieux faire, je crois, Monsieur le Président, que de citer ici quelques passages de ce rapport où je m'exprimais notamment ainsi :

« Le rapatriement des réfugiés cependant ne prendra toute sa signification que dans la mesure où il s'accompagnera de son corollaire normal et nécessaire qui est la réintégration effective de ces réfugiés dans l'économie de leur pays, afin qu'ils puissent de nouveau subvenir à leurs besoins. Or divers facteurs interviennent en l'espèce qui font apparaître la nécessité de prolonger l'oeuvre d'entraide en faveur de ces quelque 200 000 réfugiés, de telle sorte que cette oeuvre puisse être considérée comme ayant pleinement atteint son objectif, Les réfugiés en question sont en effet originaires, dans leur très grande majorité, de régions frontalières qui ont été directement affectées par le récent conflit et d'où les populations civiles avaient en général été évacuées. Leur réimplantation dans ces zones abandonnées depuis plusieurs années ne peut s'effectuer sans qu'une certaine aide leur soit accordée. Il est bien évident d'autre part que, pour des raisons d'ordre aussi bien matériel que psychologique, le sort des réfugiés en cours de rapatriement ne peut, dans une région déterminée, être dissocié de celui d'autres catégories de la population civile qui avaient été également éloignées du lieu de leur résidence habituelle et dont la situation est, à cet égard, comparable à celle des réfugiés rapatriés. Ces diverses catégories de la population algérienne ne pouvant être traitées autrement que sur un pied de stricte égalité, l'action qui s'impose doit, dans ces conditions être étendue à l'ensemble des populations nécessiteuses des zones intéressées, soit, selon les évaluations qui ont pu être faites, à quelque 600 000 personnes.

Dans l'oeuvre d'entraide qu'il a poursuivie jusqu'à ce jour conformément au voeu de l'Assemblée générale, le Haut Commissariat a eu, on le sait, pour partenaire opérationnel la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant Rouge. Or la vocation normale de la Ligue est de venir en aide aux populations éprouvées par les événements, sans distinction aucune entre réfugiés ou autres catégories de personnes. En plein accord avec les autorités compétentes en Algérie, la Ligue se propose donc de prodiguer son assistance à l'ensemble des populations nécessiteuses des régions frontière, où sont rapatriés la plupart des réfugiés.

Cette action, qui vient se greffer Sur celle menée jusqu'à présent avec le Haut Commissariat en faveur des seuls réfugiés, permettra à ces derniers de bénéficier des secours d'urgence dont ils auront besoin après leur retour. »

Dans ce même document, j'annonçais d'autre part, Monsieur le Président, que, pour assurer le succès de cette action de la Ligue dont devaient dépendre le bien-être et la réinstallation des réfugiés, je me proposais d'attirer sur elle l'attention de la communauté internationale et de solliciter son concours.

C'est ainsi que fut lancé le 18 juin mon appel aux gouvernements, en même temps que la Ligue s'adressait elle-même aux sociétés nationales de la Croix-Rouge.

Mon souci majeur fut, au cours de cette période, d'assurer, notamment sur le plan financier, une transition sans heurts entre l'action conjointe du Haut Commissariat et de la Ligue, d'une part, et celle que la Ligue décidait d'entreprendre dans les zones frontières de l'Algérie, d'autre part, Cette préoccupation répondait à une nécessité pratique évidente. Elle m'était inspirée en outre par les termes mêmes de la résolution 1672 adoptée l'an passé par l'Assemblée qui me priait d' « utiliser les moyens dont Je dispose pour aider à assurer le retour ordonné de ces réfugiés dans leurs foyers et d'envisager la possibilité, si besoin est, de faciliter leur réinstallation dans leur pays, dès que les circonstances le permettront ».

Nous avons pu, il y a quelques jours, faire le point de la situation financière. Il est apparu que nous disposions de fonds suffisants non seulement pour couvrir les dépenses afférentes à l'opération conjointe de la Ligue et du Haut Commissariat et à l'opération de rapatriement, mais aussi I pour aider au financement de l'action subséquente de la Ligue I en Algérie. La somme dont je puis aujourd'hui disposer à cette fin se monte à quelque 635 000 dollars, et j'ai de bonnes raisons pour escompter des versements additionnels qui me permettraient de porter cette somme à environ un million de dollars. Cette aide financière - à laquelle s'ajoute une quantité substantielle de denrées et de matériel initialement destinés aux réfugiés au Maroc et en Tunisie et qui, du fait des événements, ont pu être utilisés par la Ligue en Algérie - aura ainsi permis I d'assurer la continuité de l'oeuvre internationale d'assistance aux réfugiés maintenant rapatriés.

Permettez-moi, Monsieur le Président, en terminant ce chapitre, d'appeler l'attention des gouvernements sur les exigences de l'action de solidarité internationale qui se poursuit à l'heure actuelle en Algérie sous l'égide de la Ligue et d'autres agences bénévoles, et qui revêt, pour les ex-réfugiés que nous avons dû assister dans le passé, une importance évidente. Tenant compte de la résolution 1672 et des arrangements pris avec la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge, je serais évidemment heureux d'accepter, pour les transmettre à cette dernière, les dons qui me seraient encore adressés pour le financement de l'action de secours qu'elle a maintenant entreprise en Algérie.

Telles sont, brièvement résumées, Monsieur le Président, les diverses actions menées ici ou là par mon office. Dans l'accomplissement de ces tâches, le Haut Commissariat, je me dois de le souligner, n'a cessé de bénéficier du précieux concours des services de l'assistance technique, de l'UNICEF, la FAO, l'OIT, l'OMS et l'UNESCO. Cette coopération nous continuerons bien entendu de la rechercher chaque fois qu'elle peut s'avérer utile, car elle est rationnelle et répond au souci d'efficacité et d'économie qui nous anime. Que chacun, dans la sphère qui lui est propre, puisse ainsi apporter le concours de sa technicité, des moyens matériels et financiers ou du crédit dont il dispose, n'est-ce pas là en vérité une manière d'agir en tous points conforme avec les buts que poursuit l'Organisation des Nations Unies ?

J'aurai garde, Monsieur le Président, d'omettre d'autre part le tribut que doit mon office aux diverses organisations bénévoles qui, dans tous les secteurs de ses activités, sont ses partenaires quotidiens autant qu'indispensables. Toute l'action du Haut Commissariat s'appuie en fait très largement sur elles et je ne saurais trop souligner ici leurs mérites et l'importance du rôle qui est le leur dans l'oeuvre que nous poursuivons en commun.

De ce rapide bilan de nos activités, et plus spécialement de celles qui se sont exercées en faveur des nouveaux groupes de réfugiés, il est un enseignement enfin qui me paraît se dégager : c'est la nécessité de maintenir l'oeuvre humanitaire du Haut Commissariat en dehors du contexte politique qui préside, à l'origine, à la naissance des problèmes qu'il doit ensuite contribuer à résoudre. Dans l'exercice de la mission spécifique que lui a confiée l'Assemblée générale, seules peuvent et doivent en effet avoir place les considérations humanitaires et sociales, à l'exclusion de tout autre.

C'est dans cet esprit, Monsieur le Président, que nous travaillons chaque jour, et que devrait, je crois, continuer de travailler le Haut Commissariat si l'Assemblée estimait que l'oeuvre de solidarité humaine à laquelle il se consacre mérite, dans les circonstances présentes, d'être poursuivie.