Soudan : Un rapport recommande le statut prima facie pour les Tchadiens arrivés au Darfour
Soudan : Un rapport recommande le statut prima facie pour les Tchadiens arrivés au Darfour
L'UNHCR et son partenaire gouvernemental soudanais, le Commissariat aux réfugiés (COR), ont recommandé que les milliers de nouveaux arrivants depuis le Tchad, ayant traversé la frontière vers le Darfour ces derniers mois, soient reconnus par le Gouvernement du Soudan comme des réfugiés prima facie. C'est la première recommandation du rapport publié récemment par l'UNHCR et le COR. Cependant, le rapport spécifie aussi que le statut de réfugié ne devrait pas être accordé à d'anciens combattants, ou d'autres encore actifs, qui pourraient faire partie du groupe venant du Tchad.
Les recommandations conjointes font suite à des évaluations approfondies menées sur le terrain par l'UNHCR et le COR, durant plusieurs mois, dans la région de l'Ouest du Darfour et fait référence aux interviews menées avec des réfugiés récemment arrivés. L'UNHCR et le COR estiment qu'environ 30 000 personnes ont quitté le Tchad vers le Darfour dans un flux régulier depuis le début de l'année.
Le rapport conjoint établit que la plupart des nouveaux arrivants appartiennent à des tribus arabes nomades ou semi-nomades, mais aussi à des tribus non arabes. Deux tiers du groupe entré à l'Ouest Darfour près de Foro Baranga, à 200 kilomètres au sud d'El Geneina, la capitale de l'Etat. Un grand nombre d'entre eux s'est installé le long du lit de la rivière Wadi Azoum. Ils viennent de campements situés le long de la frontière entre le Tchad et le Soudan, la majorité d'entre eux est originaire des régions de Tiero, Marena, Mayo et Awinrado au sud-est du Tchad.
Les familles interviewées par les équipes conjointes de l'UNHCR et du COR ont déclaré avoir quitté le Tchad après que des hommes armés vêtus d'uniformes militaires soient entrés dans leur maison, à la recherche d'armes, en accusant les villageois de soutenir et de participer aux activités des milices. Les personnes interviewées ont indiqué que les fouilles sont souvent violentes avec des pillages, des passages à tabac, des arrestations, des meurtres et dans certains cas, des viols commis par ces groupes. En plus de ces fouilles brutales, de nombreuses familles ont rapporté avoir quitté le Tchad à cause de l'insécurité généralisée et des combats entre les forces gouvernementales et les groupes d'opposition. La plupart des personnes interviewées ont clairement indiqué ne pas vouloir retourner au Tchad à cause de la situation sécuritaire.
L'UNHCR et le COR ont entrepris plusieurs missions d'évaluation dans d'autres régions d'arrivée comme Mukjar, Mornei, Bindinsi, Um Dukhum, El Geneina et Krenek. Les nouveaux arrivants dans ces régions ont mentionné diverses raisons ayant motivé leur fuite depuis l'est du Tchad, y compris le fait que plusieurs hommes aient été battus à mort après que des fouilles en quête d'armes aient eu lieu, d'autres meurtres, des combats tribaux incessants et des attaques contre les villages. Etant donné ces conditions, nous sommes persuadés que si ce groupe de Tchadiens devait rentrer, leur sécurité serait en jeu. Par conséquent, nous recommandons qu'ils soient reconnus comme réfugiés, dans la mesure où ils remplissent les critères d'éligibilité selon les articles y afférents dans la Convention de l'OUA de 1969 et la loi soudanaise sur la régulation de l'asile datant de 1974.
Les mouvements nomades transfrontaliers existent depuis des siècles dans cette région, avec des groupes de nomades allant et venant avec leur bétail, à la recherche de régions pourvues en eau et en pâturage. Quelques personnes parmi les nouveaux arrivants ont mentionné les ressources rares au Tchad, spécialement l'eau, comme principale raison de leur départ. Cependant, les mouvements transfrontaliers récents vers le Darfour sont principalement motivés par l'insécurité à l'est du Tchad à la fin de l'année dernière et durant la première partie de cette année.
Le rapport de l'UNHCR et du COR fait aussi état du fait qu'à leur arrivée dans l'Ouest Darfour, quelques familles auraient été envoyées par des membres de tribus locales soudanaises ou des chefs locaux soudanais pour occuper des terrains vides, spécialement dans les zones Wadi Azoum et Wadi Saleh. Les terrains appartiennent à des personnes qui sont maintenant déplacées dans des camps au Darfour ou réfugiées dans l'est du Tchad. Le rapport recommande que le Gouvernement soudanais clarifie sans délai les problèmes de propriété de terrains et assure que les propriétaires de terrains, principalement des déplacés au Darfour et des réfugiés au Tchad, pourront revenir dans leurs villages d'origine lorsqu'ils sentiront que la situation sécuritaire le leur permettra.
Le rapport souligne que la plupart des nouveaux arrivants ne semblent pas avoir besoin d'urgence de nourriture ou de matériel d'assistance. La plupart des familles sont arrivées avec leur bétail et des sacs de sorgho, et ils ont installé leurs abris mobiles dans différentes localités à l'Ouest Darfour. Cependant, nous recommandons que les personnes les plus vulnérables parmi ce groupe reçoivent des rations alimentaires. Nous recommandons aussi que le Ministère de la Santé lance le plus rapidement possible une campagne de vaccination pour les enfants.
Enfin, le rapport mentionne que dans certains cas, la nationalité des nouveaux arrivants n'est pas définie car certains affirment être des ressortissants soudanais qui ont fui leur pays dans les années 80 à cause d'une période de grande sécheresse et qu'ils habitaient depuis au Tchad. L'UNHCR et le COR recommandent que les autorités soudanaises clarifient la nationalité de ces personnes et de tous les autres groupes qui ne sont pas originaires du Tchad ou du Soudan.