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Déclaration liminaire de M. Jean-Pierre Hocké, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la Table ronde sur le thème « Aider les réfugiés à contribuer à la paix » le 28 avril 1986

Discours et déclarations

Déclaration liminaire de M. Jean-Pierre Hocké, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la Table ronde sur le thème « Aider les réfugiés à contribuer à la paix » le 28 avril 1986

28 Avril 1986

Le 28 avril 1986

J'aimerais saluer chacun des participants à cette Table ronde. Chacun aura l'occasion de s'exprimer, et nous souhaitons aussi que vous parveniez à un certain nombre de conclusions. J'aimerais aussi en ce début de séance saluer tous ceux qui ont bien voulu se joindre à nous. Je crois en effet que votre participation témoigne du souci que vous apportez à cette question des réfugiés et certainement, de l'espoir que vous manifestez par votre présence que ce problème, non seulement ne soit pas oublié, mais qu'il puisse trouver dans l'avenir des solutions nouvelles et plus humaines.

Les réfugiés seraient-ils en effet les nouveaux pestiférés de cette fin de XXèmes siècle ? Depuis 18 mois à lire d'innombrables articles, à suivre de nombreux débats politiques ou parlementaires en Europe, en Amérique du Nord et ailleurs, le péril que représentent pour beaucoup les réfugiés ressort à l'évidence. a l'inverse, en juillet dernier, 18 heures de grâce, de communion profonde de toute une jeunesse de quatre continents témoignaient, au travers des artistes de Live Aid, de son refus de laisser mourir des innocents sur la terre d'Afrique.

Angoisse, compassion, rejet, solidarité, égoïsme : où se situent nos sentiments véritables à l'égard de millions de femmes d'enfants, d'hommes jetés sur chemins de l'exode par une violence inexorable ? Ne serait-ce pas plutôt que les plus nantis continuent de pense que l'aumône doit permettre de tenir la misère humaine à 10 000 ou 20 000 km de chez soi ? Car, enfin, l'occident n'a-t-il pas ses propres soucis, le chômage en particulier. Dans la confusion croissante qui marque les rapports humains, aussi bien que les relations internationales, les vertus de coeur à elles seules restent impuissantes à corriger dans la durée les causes profondes qui, d'exclusion en affrontement, déracinent des communautés entières.

L'émotion la plus noble masquera les raisons profondes de tant de drames aussi longtemps qu'une volonté déterminée ne la conduira pas à exiger de comprendre le pourquoi de ces mécanismes infernaux, puis à s'atteler à y remédier. En ceci, il appartient à chaque homme de bonne volonté - et cette dénomination est moins désuète que jamais - à faire acte de culture et de courage pour faire comprendre à ses élus parlementaires son refus de voir se prolonger le maintien de millions d'êtres humains coincés le long de frontières ou enfermés dans des camps de réfugiés, car chaque jour qui ponctue leur exil accroît leur dépendance et entame un peu plus leur dignité d'homme, donc la nôtre à n'en pas douter.

Certains me rétorqueront qu'il ne faut pas tout mélanger, que les problèmes politiques liés aux crises et aux conflits de ces dernières années sont suffisamment ardus pour se garder de les charger de questions humanitaires. Précisément, la participation aux principales action humanitaires de ces 20 dernières années m'enseigne deux vérités importantes ; réfugiés, prisonniers de guerre, détenus politiques, populations déplacées, ne sont jamais que les conséquences des conflits armés et des troubles qui déchirent la communauté internationale. Ensuite la recherche d'une solution pacifique à un différend passe dans un premier temps par un accord qui permettra à un réfugié, à un prisonnier de guerre, à un détenu politique, de rentrer chez lui et de mener à nouveau une vie d'homme dans la dignité et la sécurité. Pour avoir ignoré cette seconde évidence, combien d'accords de paix se sont trouvés inutilement retardés, combien de négociations se trouvent aujourd'hui presque paralysées ? En d'autres termes, par exemple, lorsque les autorités concernées permettront au HCR d'assister, d'une part, des réfugiés, et de l'autre d'entamer rapidement le démarrage d'un processus qui aboutira à des retours progressifs dans le pays d'origine, à quelques transferts dans un pays d'accueil définitif, à des solutions plus durables dans des pays de premier accueil, cette activité humanitaire contribuera singulièrement à décrisper les attitudes des belligérants, à créer des conditions d'une reprise du dialogue. Au contraire, trop souvent au cours de ces dernières années, certaines autorités ont vu dans l'action humanitaire qui nourrit est soigne les victimes, une possibilité illusoire de laisser pourrir une situation politique. Par là-même, ils se rendent responsables de l'impossibilité croissante pour les organisations comme le HCR d'accomplir leur mandat de protection.

Dans cet engrenage, les problèmes humanitaires sont condamnés à devenir une partie intégrante des affrontements politiques qui être isolée du marchandage politique. C'est là que réside le véritable intérêt des gouvernements dans l'immédiat comme dans la durée.

Il ne faudrait pas déduire de ce qui précède que le découragement saisit le HCR. Au contraire, une meilleure compréhension des mécanismes et des attitudes décrits conduit les délégués du HCR à faire preuve d'une grande détermination, jour après jour, pour surmonter les obstacles placés sur leur chemin. Ils constatent cependant qu'en l'absence d'une convergence temporaire des objectifs humanitaires qu'ils poursuivent et de l'intérêt politique qui guide les gouvernements, rien de concret et de durable ne sera accompli en faveur des réfugiés. Cette convergence se dérobera de plus en plus si nous ne nous attachons pas à rechercher, ainsi que je l'ai souligné, les causes profondes des migrations de réfugiés ; à en rendre conscient chacun afin qu'il puisse résolument pousser ces autorités à y remédier avec le souci déclaré d'accepter de partager le fardeau et de se refuser à le passer purement et simplement au voisin.

J'aimerais pour terminer remercier très chaleureusement chacun de vous qui avez pris la peine de participer à cette Table ronde afin de nous permettre de marquer un bref arrêt pour prendre l'indispensable recul qui nous aidera à mieux accomplir notre tâche immense.