Remarques presentées par M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la réunion tenue à Paris le 17 décembre 1962 par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe
Remarques presentées par M. Félix Schnyder, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la réunion tenue à Paris le 17 décembre 1962 par le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe
Monsieur le Président,
J'aimerais tout d'abord vous remercier, ainsi que le Comité des Ministres, d'avoir bien voulu m'offrir aujourd'hui l'occasion de soumettre à votre attention personnelle un problème qui est actuellement au centre des préoccupations du Haut Commissariat : je veux parler du problème des « anciens » réfugiés européens qui, n'ayant pu se reclasser convenablement dans l'économie de leur pays d'accueil, ont encore besoin d'une aide matérielle pour sortir de la misère.
L'Assemblée générale des Nations Unies vient, vous le savez, par une décision pratiquement unanime, de prolonger le mandat de cet office pour une période de cinq ans, soit jusqu'au 31 décembre 1968. L'adhésion de pays qui, jusqu'à présent, avaient contesté l'utilité de cette oeuvre.
Cette décision souligne clairement, je crois l'importance que la communauté internationale attache au rôle du Haut Commissariat, et les services qu'elle continue d'attendre de lui. Ces services, je les résumerai comme suit :
terminer tout d'abord les grands projets d'assistance en faveur des quelque 20.000 anciens réfugiés européens victimes des bouleversements engendrés par la dernière guerre et qui, sans une aide internationale, ne pourraient, par leurs propres mayens, recouvrer des conditions de vie normales ;
continuer en second lieu d'assurer la protection internationale, pour les réfugiés relevant du mandat, en conjuguant celle-ci avec une assistance matérielle complémentaire, l'une et l'autre devant permettre de consolider l'oeuvre entreprise et de faire face aux besoins résultat notamment de l'arrivée de nouveaux réfugiés ;
prêter enfin nos bons offices pur aider à résoudre les nouveaux problèmes de réfugiés qui ont surgi dans d'autres parties du monde, en Afrique notamment (réfugiés d'Angola et du Ruanda pour ne citer que les principaux groupes, après le rapatriement des réfugiés algériens).
De ces trois chapitres également importants, également actuels, c'est le premier, je mous l'ai dut, qui, sur le plan financier, constitue aujourd'hui pour nous la préoccupation majeure. Si en effet le financement du programme d'évacuation des camps est pratiquement assuré grâce notamment à l'Année mondiale du réfugié, et si la mise en oeuvre de ce programme peut donc se poursuivre de manière régulière et à un rythme qui tend même à s'accélérer, un ultime effort financier demeure par contre nécessaire afin d'en terminer avec le programme d'assistance aux réfugiés européens non encore établis et vivant hors des camps. Effort en vérité minime, si on le compare aux énergies déployées et aux centaines de millions de dollars dépensés depuis la fin de la guerre pour l'aide aux réfugiés en Europe.
Nul, j'en ai la conviction, Messieurs, ne comprendrait que l'on abandonnât, si près du but, une tâche humanitaire qui a suscité tant de concours généreux de la part de nombreux pays, parmi lesquels, bien sûr, les pays européens eux-mêmes. Le moment est venu donc pour ces pays, en parachevant grande oeuvre de solidarité humaine, de lui conférer tout son sens et toute sa portée, et d'en tirer, pour eux-mêmes, le bénéfice moral et matériel qu'ils sont en droit d'en attendre.
J'ai cité il y a un instant, Monsieur le Président, de chiffre de 20.000 réfugiés qui ont encore besoin de notre aide. Ce chiffre, qui correspond qui statistiques établies il y a quelques mois déjà, est à l'heure actuelle plus encore. Comparé aux quelque 270.000 réfugiés non installés dont le Haut Commissariat a eu à s'occuper lorsqu'il a entrepris ses programmes d'assistance, réfugiés auxquels sont venus ensuite s'ajouter soudain 200.000 réfugiés hongrois, il témoigne suffisamment du fait que le problème est ramené maintenant à des proportions telles que nous pouvons entrevoir enfin son issue prochaine.
Mais deux faits interviennent ici qui rendent la tâche de mon Office de plus en plus ardue au fur et à mesure qu'elle approche de sa fin. D'une part en effet les réfugiés dont nous avons maintenant à nous occuper sont, très souvent, des handicapés dont le reclassement se heurte à de sérieuses difficultés. Le centre de gravité de nos opérations s'est transporté d'autre part vers le sud-est européen, et plus spécialement vers la Grèce, où la situation économique et sociale, après la guerre qu'elle a subie et dont elle support encore les séquelles, n'est pas en elle-même très propice à l'établissement des réfugiés.
Il nous faut donc, pour trouver la solution qui convient à chacun d'eux, faire preuve de plus d'initiative ou d'imagination, multiplier les démarches et trouver toujours plus de compréhension auprès des pays d'accueil. Mais il faut aussi que nous disposions de mayens financiers suffisants, mayens que nous ne saurions nous procurer sans un ultime mouvement de solidarité internationale en faveur de ce groupe particulier de réfugiés.
Cela souligne suffisamment, je crois, Monsieur le Président, l'importance toute particulière que nous attachons à l'initiative qui vient d'être prise au sein du Conseil de l'Europe, en tant que nouvelle preuve tangible de l'intérêt profond des pays européens pour cette oeuvre humanitaire. Cette initiative viendra tout naturellement renforcer le mouvement qui déjà a pris corps en Europe, et que reflètent si heureusement les décisions récemment prises par l'Irlande. Je tiens à rendre hommage à ces deux pays qui ont ainsi tracé la voie dans laquelle s'engageront bientôt, je n'en doute pas, les autres pays européens qui ont donné, dans le passé, tant de témoignages de leur attachement à la cause des réfugiés.
Il va sans dire d'autre part que le geste pue le Conseil de l'Europe voudrait bien lui-même accomplir en annonçant une contribution financière, au programme final pour les anciens réfugiés européens aurait, outre une valeur symbolique sur la portée de laquelle il m'est inutile d'insister, l'effet le plus stimulant sur l'attitude de nombreux gouvernements en Europe, et hors d'Europe.
Soucieux de m'abuser en aucune manière de votre hospitalité, il ne me reste plus, Monsieur le Président, qu'à vous remercier une fois encore, ainsi que le Comité des Ministre tout entier, d'avoir bien voulu m'accueillir aujourd'hui. Je sais que je puis compter sur votre compréhension, et je l'espère aussi sur votre appui bienveillant, dont je n'ai pas besoin de souligner combien il me sera précieux dans la poursuite de la tâche confiée au Haut Commissariat par la communauté internationale.