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Rosa AL JUHMANY, lauréate de la troisième promotion de l’Académie

Rosa AL JUHMANY, lauréate de la troisième promotion de l’Académie

Rosa Al Juhmany

Quel est votre parcours professionnel ?

Je m’appelle Rosa, je suis de nationalité syrienne et j’ai récemment obtenu la nationalité française. J’ai quitté la Syrie en 2015, quatre ans après le début de la révolution, en raison de la grave détérioration de la situation sécuritaire. Je suis arrivée en France en passant par la Guyane, avant de rejoindre la métropole en 2016. En tant que réfugiée politique, j’ai dû tout recommencer à zéro. J’ai décidé de poursuivre un deuxième master en école d’ingénieur à Paris pour m’intégrer sur le marché du travail en tant qu’ingénieure spécialisée en prévention des risques. Aujourd’hui, je réalise des projets avec des bureaux d’études.

En Syrie, avec des amis et des collègues du master en gestion des risques environnementaux de l’Université de Poitiers que j’ai suivi à l’Université de Damas dans le cadre d’un programme de coopération entre les deux universités, nous nous réunissions pour réaliser des court-métrages visant à sensibiliser au changement climatique. L’afflux de populations déplacées du nord de la Syrie à cause de la sécheresse des années 2004 et 2005, a exacerbé les inégalités économiques dans le pays. Cependant, notre démarche n’a pas été entendue. D’une part, le pays souffrait de nombreux problèmes et le changement climatique n’était pas une priorité, même jusqu’à maintenant. D’autre part, en 2011, la situation politique et sécuritaire s’est gravement détériorée.

La guerre en Syrie nous a ensuite obligés à suspendre le projet. J’ai été contrainte de quitter mon pays et de chercher une nouvelle terre d’accueil. C’est ici, en France, à Lyon, que mes rêves ont pu se réaliser. Mon ancien rêve de contribuer à la paix et à la justice reste une évidence et m’anime toujours. C’est pour cette raison que j’ai décidé de constituer une équipe avec d’anciennes connaissances, et nous avons retrouvé l’énergie et la motivation pour relancer le projet Grains Green. Nous avons décidé de créer un projet associatif ayant pour objectif de contribuer à la justice sociale et environnementale.

N’oubliant pas mes racines du Moyen-Orient, j’ai également cherché à constituer des équipes/antennes avec mes anciens amis en Syrie et en Irak afin de recommencer notre action. Chacun de son côté, mais en coopération, nous partageons nos expériences et nos énergies dans le but de semer les premiers grains.

 

De quelle manière êtes-vous engagé auprès des personnes exilées en France et quels sont vos champs d’expertise ?

En arrivant en Guyane, mon frère et moi avions besoin d’aide pour nos dossiers de sécurité sociale en urgence, car il avait des problèmes de santé. La CIMADE nous a conseillé d’aller chez Médecins du Monde (MDM) pour obtenir de l’aide. Les bénévoles de MDM ont été très aidants et empathiques.

J’ai alors décidé de devenir bénévole chez MDM, même si j’étais encore demandeuse d’asile. Je voulais aider en traduisant de l’arabe au français et en accompagnant les gens dans leurs démarches de sécurité sociale. Mon bénévolat chez MDM en Guyane pendant 8 mois m’a beaucoup aidée à m’intégrer en France, et j’espère avoir pu aider d’autres personnes aussi. Cette période a été enrichissante pour moi, car j’ai acquis des compétences en traduction arabe-français ainsi que des compétences de travailleur social. Cela m’a également permis de mieux comprendre leurs difficultés.

En tant qu’usagère du système administratif pour les réfugiés, j’ai également aidé les familles exilées autour de moi. Grâce à ma propre expérience, j’ai pu leur fournir des conseils et un soutien pour naviguer dans les procédures administratives complexes, trouver un logement, accéder aux services sociaux et intégrer la communauté locale.

Mon engagement m’a permis de créer des liens solides avec ces familles et de contribuer à leur adaptation et leur intégration en France.

 

Qu’est-ce que la participation des personnes réfugiées pour vous et comment pourrait-on aller plus loin ?

Pour moi, la participation des personnes réfugiées est cruciale. Pourquoi ? Parce que nous sommes les nouveaux arrivants dans cette terre d’accueil et, sans des canaux d’échange et de communication, nous ne pouvons pas nous intégrer correctement dans notre nouvelle vie.

L’exilé arrive avec un lourd fardeau de problèmes. Non seulement il doit s’adapter à une nouvelle culture et apprendre une nouvelle langue, mais il doit aussi faire face aux traumatismes de son passé, à l’incertitude de son avenir et à la séparation de sa famille et de sa communauté. De plus, il rencontre souvent des difficultés pour accéder à l’emploi, au logement et aux services de santé, tout en affrontant les préjugés et la discrimination, et tout ce que nous souhaitons, c’est recommencer notre vie.

Après toutes mes expériences en tant que réfugiée et au sein de la communauté des réfugiés autour de moi, il est clair que nous ne sommes pas écoutés en ce qui concerne les lois et les politiques qui nous concernent.

En réfléchissant aux solutions pour une meilleure participation des personnes réfugiées, plusieurs idées me viennent à l’esprit : la création de tables rondes et de groupes de soutien, la participation aux consultations publiques, le plaidoyer pour des changements législatifs, et l’implication dans des conseils consultatifs, etc…

La participation des réfugiés à la vie politique et sociale de leur pays d’accueil est non seulement bénéfique pour leur intégration, mais elle enrichit également la société dans le domaine culturel, économique et politique. Une fois bien intégrés, les réfugiés peuvent contribuer à la société avec leurs expériences et compétences, ainsi qu’à l’économie locale en tant que travailleurs, entrepreneurs et consommateurs. Finalement, ils se sentent plus intégrés et investis dans leur nouvelle communauté. Cela renforce la cohésion sociale, réduit les tensions et favorise une meilleure compréhension et tolérance entre différents groupes.