Briser les barrières
Briser les barrières
Rabat, Maroc, 13 mars (HCR) - Sur un terrain de basket, on n'est ni grand, ni petit. Ni noir, ni blanc. Ni Marocain, ni Congolais. Ni réfugié, ni migrant. On est membre d'une équipe. L'individualité se dissipe pour faire place au collectif.
Tous différents mais tous les mêmes, tel est le slogan de « Rabat Playground », une initiative lancée par le HCR au Maroc dont le but est de promouvoir la cohésion sociale, la diversité culturelle et l'intégration locale des réfugiés et des migrants par le biais du basket-ball.
« L'idée est de montrer que nous sommes plus semblables que différents, de rapprocher les communautés et de leur offrir une opportunité de se rencontrer », explique Leila Nassif, Représentante du HCR au Maroc.
Lancé le 12 décembre 2012, « Rabat Playground » consiste en un programme de 8 semaines d'entraînement de basket et un championnat de deux jours les 16 et 17 février. L'initiative s'est déroulée dans quatre quartiers populaires de Rabat et Salé. Elle s'adresse aux jeunes âgés entre 16 et 24 ans de la société marocaine ainsi que des communautés des réfugiés et migrants résidant au Maroc. C'est ainsi que plus de 250 jeunes hommes et femmes se sont donnés rendez-vous toutes les fins de semaine dans différents quartiers populaires des villes de Salé et de Rabat.
« Les jeunes dans les quartiers périphériques ont peu d'offres de loisirs et d'activités sportives et leurs parents n'ont pas les moyens de les inscrire dans des clubs. C'est l'une des rares fois que nous participons à une telle initiative et on espère que d'autres éditions vont suivre », affirme Amal, l'une des 10 entraîneurs de basket impliqués dans le projet.
Sylla Bakary est un jeune Malien de 17 ans. Il est arrivé au Maroc avec son grand frère, il y a 6 mois. Silla a perdu sa mère qui était très malade et il a dû quitter Gao, la ville où il a grandi. « Ma mère était mon repère. Après sa mort, j'ai perdu toute notion de sécurité. Plus rien ne me retenait au Mali où les tensions rendaient notre quotidien de plus en plus incertain ».
Après un bref passage par l'Algérie, le jeune orphelin a rejoint le Maroc en septembre 2012. Il habite dans le quartier populaire de Youssoufia, à l'est de Rabat et il rencontre des difficultés à s'intégrer. « Ce n'est pas toujours facile pour moi. Une semaine, je travaille et, les deux semaines suivantes, je suis dans la rue à la recherche d'un boulot. Le pire, c'est quand on m'arrête la nuit et qu'on me dérobe les petites économies que j'ai pu faire. J'ai été agressé à trois reprises et ça devient de plus en plus difficile à gérer ».
Sylla est un grand fan de basket. Quand il a entendu parler de « Rabat Playground », il n'y croyait pas trop. Mais les jeunes de son quartier en parlaient de plus en plus et il a fini par s'inscrire. « Je rêve de devenir basketteur professionnel un jour. « Rabat Playground » m'a permis de suivre des entraînements avec des coaches professionnels et j'ai surtout tissé des amitiés inimaginables il y a quelques mois ».
Plus de 10 nationalités différentes ont participé à ce projet qui a été monté en deux mois par une jeune stagiaire au HCR. « J'ai été au contact d'un grand nombre de migrants et réfugiés sub-sahariens durant mon séjour à Rabat. Ils se plaignaient tous de la difficulté d'avoir accès aux terrains de sport mais aussi du manque d'opportunités pour rencontrer de jeunes Marocains dans un cadre détendu et convivial. Ce projet est un pas pour briser les barrières, le mur invisible qui se dresse entre eux », explique Luca Putteman, stagiaire en relations extérieures du HCR.
Petit à petit, des associations de quartiers et d'autres organisations se sont greffées à ce projet qui a non seulement rassemblé les jeunes autour d'un même projet mais leur a également fourni des occasions et des espaces pour se rencontrer.
La grande finale du tournoi « Rabat Playground » a eu lieu en présence d'une grande foule des familles et des supporters et a été animée par des spectacles de danse folklorique et des concerts qui célèbrent la richesse des cultures des différentes communautés réunies.
Après un match intense et haut en couleurs, Sylla a décroché la 2e place du championnat. Déçu, il s'est éloigné du terrain avant que ses camarades des différentes équipes ne le rattrapent et commencent à le porter en triomphe en répétant son nom. En voulant le consoler, il nous a dit : « C'est vrai, on n'est pas là pour la première place. On a gagné quelque chose de beaucoup plus précieux ».
Les chemins vers une intégration réussie existent, du moment qu'on donne les moyens aux différents acteurs de la réussir, et qu'on identifie avec eux des espaces d'échanges et de rencontres.
Le projet Rabat Playground a été soutenu par la fondation Ninemillions.org, l'association Basketball Global Vision, la Fondation Orient Occident, le Collectif des Communautés Subsahariennes au Maroc, l'Association Equivalence et Solidarité de Développement Social et l'Association pour les Basketteurs Étrangers au Maroc.
Par Dalia Al Achi, à Rabat