Rôle du HCR dans le renforcement des capacités juridiques et judiciaires nationales
Rôle du HCR dans le renforcement des capacités juridiques et judiciaires nationales
EC/46/SC/CRP.31
ROLE DU HCR DANS LE RENFORCEMENT DES CAPACITES JURIDIQUES ET JUDICIAIRES NATIONALES
I. INTRODUCTION
1. Par « renforcement des capacités juridiques et judiciaires nationales » dans le contexte des activités du HCR, il faut entendre la fourniture d'une assistance et d'un appui aux Etats dans les efforts qu'ils déploient pour mettre en place les structures et les systèmes d'opérations qui permettront aux réfugiés, aux rapatriés et à d'autres personnes relevant de leur compétence, de bénéficier d'une protection nationale effective. Cette approche vise également à renforcer les aptitudes, les connaissances et la capacité des gouvernements, d'autres entités locales et des partenaires non gouvernementaux dans ce domaine. Cette action est menée à bien de concert avec les organisations intergouvernementales et non gouvernementales ainsi qu'avec d'autres institutions des Nations Unies.
2. L'objectif ultime de cette approche est de renforcer la capacité des Etats à honorer leurs engagements juridiques internationaux et à renforcer l'ordre public et le respect des droits de l'homme dans ces Etats.
3. De tout temps, les activités du HCR pour favoriser le renforcement des capacités juridiques et judiciaires se sont principalement concentrées sur les pays d'asile. Ces activités ont inclus l'appui aux Etats dans leurs efforts pour établir une autorité nationale responsable des questions de réfugiés/d'asile; la mise en oeuvre de procédures de détermination du statut de réfugié justes et efficaces; recevoir, prendre en charge et intégrer les réfugiés dans leur société; élaborer des lois équitables sur des questions telles que la nationalité et la citoyenneté; et dépolitiser et renforcer le système judiciaire.
4. Plus récemment, le HCR a élargi son approche pour qu'elle porte sur les pays d'origine, afin d'éviter de nouveaux déplacements et de renforcer la protection nationale, particulièrement pour les rapatriés. Les activités du HCR à l'appui du renforcement des capacités juridiques et judiciaires nationales contribuent à l'objectif international plus large visant à renforcer les systèmes de gestion dans les pays d'origine.
II. FONDEMENT JURIDIQUE DES ACTIVITES DE RENFORCEMENT DES CAPACITES JURIDIQUES ET JUDICIAIRES DU HCR
5. L'appui du HCR au renforcement des capacités juridiques et judiciaires est un élément nécessaire de sa responsabilité globale à l'égard des réfugiés et découle de son mandat, lui enjoignant de chercher des solutions durables aux problèmes des réfugiés. A sa quarante-sixième session, le Comité exécutif du Programme du Haut Commissaire a clairement reconnu la nécessité pour le HCR de promouvoir le renforcement des capacités juridiques et judiciaires. Le Comité exécutif a reconnu dans sa conclusion générale sur la protection internationale que, pour que les Etats assument leurs responsabilités en matière d'accueil de réfugiés, de réintégration des réfugiés rentrant chez eux et de résolution de certaines des causes de mouvements de réfugiés, des régimes efficaces des droits de l'homme sont essentiels, y compris les institutions qui soutiennent la primauté du droit, de la justice et de la responsabilité; et, à cet égard, invite le HCR à renforcer ses activités visant à se doter d'une capacité juridique et judiciaire nationale, si nécessaire, en coopération avec le Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme. (A/AC.96/860, par. 19 i))
6. L'Assemblée générale a réaffirmé dans sa résolution A/50/152 du 21 décembre 1995 que la promotion et la protection efficace des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont des moyens fondamentaux pour traiter certaines des causes des mouvements des réfugiés et aider les Etats à réintégrer les réfugiés qui rentrent. A cet égard, elle demande au Haut Commissariat de renforcer son appui aux efforts nationaux pour renforcer les capacités juridiques et financières.
III. LA NECESSITE DE RENFORCER LES CAPACITES JURIDIQUES ET JUDICIAIRES
7. Les activités de protection des réfugiés tombent dans le cadre plus large des droits de l'homme. Alors que les institutions nationales ont un rôle substantiel, voire primordial, à jouer dans la protection effective des droits de l'homme, elles ont souvent besoin d'être complétées par des efforts internationaux. La plupart des pays disposent de structures juridiques traditionnelles mais qui ne sont pas toujours accessibles ou efficaces. Dans certains pays, les systèmes juridiques peuvent devoir être revitalisés ou modernisés. Dans d'autres, le conflit prolongé a détruit les institutions civiles existantes. Dans de telles situations, l'appui au renforcement des structures juridiques et judiciaires nationales est indispensable.
8. Un appui de cette nature est impérieux si l'on entend assurer la viabilité et la longévité des solutions aux problèmes des réfugiés. En particulier, le caractère durable du rapatriement librement consenti dépend essentiellement du niveau de protection et d'assistance à la réintégration y afférente accordé aux rapatriés pour faciliter leur réintégration dans le pays d'origine.
9. A cet égard, le rétablissement ou le renforcement de l'ordre public est souvent une condition sine qua non. Afin que les rapatriés aient une impression de sécurité et pour veiller à ce que leurs droits soient respectés, il est impérieux qu'ils fassent confiance au système juridique et qu'ils puissent déposer leurs plaintes devant des tribunaux ou d'autres mécanismes de résolution des conflits mis en place pour le règlement des différends. Par exemple, dans certaines des sociétés où rentrent aujourd'hui les réfugiés, outre les problèmes engendrés par la destruction des biens, il est difficile de régler les différends concernant la propriété ou l'occupation des biens. En outre, l'un des facteurs les plus déstabilisants souvent associés au conflit est la perte de personnel hautement qualifié ou d'experts dans des domaines techniques, y compris les juges et les avocats.
10. Dans certains pays d'Europe centrale, les sociétés ont besoin d'un appui spécial de la communauté internationale pour transformer leur système juridique afin de s'adapter à une réalité nouvelle ou combler les lacunes dans la législation existante. Ce besoin peut être rendu plus aigu par l'absence d'une société civile bien établie ou le faible degré de priorité accordé aux questions de réfugiés par des pays plus préoccupés par les questions immédiates posées par la transition socio-économique et politique.
11. Les institutions responsables de l'ordre public peuvent également jouer un rôle important dans la suppression des causes sous-jacentes des mouvements de réfugiés. Dans ce sens, l'aide au renforcement des capacités juridiques et judiciaires nationales peut servir d'action préventive concrète.
IV. ACTIVITES SPECIFIQUES
12. Certains des programmes les plus ambitieux du HCR pour appuyer le renforcement des capacités juridiques et judiciaires nationales ont été conduits en Asie centrale.
13. Au Tadjikistan, le HCR mène à bien un programme d'assistance judiciaire dont le principal objectif est de fournir un appui technique et une formation aux organes judiciaires et d'application de la loi. Le but est de promouvoir leur contribution active au processus de réconciliation et d'instauration de la paix dans les zones touchées par le conflit, particulièrement dans les principales zones où s'effectuent les retours. Au cours des deux dernières années, une assistance a été fournie au Gouvernement du Tadjikistan moyennant un appui matériel limité visant à édifier un système judiciaire indépendant et à renforcer les associations de juristes, entre autres. Le HCR a participé directement à l'élaboration et à la promotion de l'adoption d'une législation concernant les droits de l'homme et les réfugiés.
14. Outre une série de séminaires et d'ateliers à l'intention des fonctionnaires gouvernementaux tadjiks organisés en 1995 sur des questions concernant les droits des réfugiés, le rôle des systèmes judiciaires et juridiques comparatifs et la prise de décisions judiciaires, le Haut Commissariat a l'intention de soutenir l'établissement d'un groupe de juges expérimentés qui servira de noyau pour la formation de collègues. Le HCR a également organisé la publication à faible coût à Dushanbe de lois pertinentes adoptées au cours des quatre dernières années afin de les distribuer aux juges, aux procureurs, aux services gouvernementaux, aux universités et à la bibliothèque nationale. Cette activité est conduite avec l'assistance de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). En outre, des recueils de textes juridiques doivent être fournis aux tribunaux, aux facultés de droit ainsi qu'à la bibliothèque nationale. Ce programme est élargi pour couvrir d'autres républiques d'Asie centrale.
15. En Europe centrale, outre la promotion d'adhésions aux instruments de droit des réfugiés et à certains instruments des droits de l'homme, le Haut Commissariat a fourni des services consultatifs à différents gouvernements pour la préparation de lois d'application dans les domaines suivants : droit des réfugiés, législation sur les étrangers, sur la citoyenneté et dans certains domaines des droits de l'homme (y compris la protection des minorités, le service civil, l'indépendance du pouvoir judiciaire, les lois sur les ONG ainsi que la législation sur les médiateurs).
16. Un large éventail d'activités ont été conduites dans plusieurs autres régions. En Afrique australe, ces deux dernières années, plus de 1 000 fonctionnaires ont été formés par le Haut Commissariat dans les domaines du droit des réfugiés et les questions de protection y afférentes afin qu'ils soient mieux à même de protéger les personnes qui en ont besoin. Parmi les stagiaires, on a recensé des agents de la police, de l'armée, des ministères de la justice et des affaires étrangères ainsi que des ONG participant à l'orientation sociale et juridique.
17. Au Rwanda, les activités pertinentes ont inclus : la fourniture d'un appui logistique au ministère de la justice; des contributions financières ainsi que la fourniture d'une documentation et d'une assistance administrative au système judiciaire; le lancement d'un programme avec les ONG pour former les femmes sur les questions relatives aux droits de propriété et de succession; l'organisation et le financement de séminaires dans toutes les communes conjointement avec le Centre des Nations Unies pour les droits de l'homme, le ministère de la justice et les autorités locales sur la détention préventive et les procédures d'arrestation; la distribution d'un équipement de bureau aux tribunaux et autres autorités nationales ainsi qu'à la faculté de droit de l'université de Butare. L'objectif de cette assistance est de garantir plus efficacement l'égalité d'accès aux tribunaux pour les rapatriés, les résidents de longue durée et les nouveaux venus.
18. Dans de nombreux pays tels que l'Angola, le Mozambique et le Guatemala, le HCR contribue à la remise en état des infrastructures de base et à la fourniture de matériaux essentiels et fournit une aide financière limitée mais ciblée à l'appui de structures gouvernementales et non gouvernementales naissantes (équipement de bureau, documentation et traduction).
19. En Amérique centrale, outre une collaboration renouvelée avec des institutions telles que l'Institut interaméricain des droits de l'homme, le HCR met sur pied, moyennant une série de mémoranda d'accord, un réseau de protection avec les ONG, les gouvernements et d'autres institutions pertinentes visant à promouvoir et promulguer une législation concernant les réfugiés, à mettre en oeuvre des activités de formation et à servir d'éléments clés pour les mesures de préparation aux situations d'urgence, y compris les systèmes d'alerte précoce.
20. Les activités conçues pour contribuer au renforcement des capacités juridiques et judiciaires nationales requièrent un large éventail d'expérience et de connaissances qui peuvent ne pas exister au sein d'une seule entité. En conséquence, pour fournir son appui aux autorités nationales, le HCR a coopéré et continue de collaborer avec les institutions des Nations Unies compétentes, les organisations internationales et les ONG, y compris le Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l'homme et le Comité international de la Croix-Rouge.
V. CONCLUSION
21. Alors que l'appui au renforcement des capacités juridiques et judiciaires nationales doit en règle générale avoir pour vocation de répondre à la demande, il est des situations où le Haut Commissariat a pris l'initiative de telles activités, particulièrement dans des pays qui peuvent ne pas être conscients de tout l'éventail d'assistance ou de soutien qu'ils peuvent recevoir de la communauté internationale. Toutefois, afin d'éviter une situation de dépendance des autorités nationales à l'égard des acteurs extérieurs, il est impérieux que les projets et activités à l'appui du renforcement des capacités juridiques et judiciaires soient clairement définis et assortis d'objectifs de calendrier et de dates limites spécifiques.
22. Dans ce domaine, le HCR entend mettre graduellement un terme aux projets visant à appuyer le renforcement des capacités juridiques et judiciaires nationales pour encourager et permettre aux systèmes et aux personnels local et national d'assumer de plus grandes responsabilités et de prendre en main la direction du processus. A cette fin, il est essentiel que le Haut Commissariat fasse participer l'éventail le plus large de parties à ces projets, si possible dès le départ.
23. Bien que le Haut Commissariat ait appuyé le renforcement des capacités juridiques et judiciaires nationales dans les pays d'asile pendant des décennies, son appui en la matière dans les pays d'origine évolue encore. Comme il a été indiqué, et comme l'ont confirmé la conclusion du Comité exécutif l'année passée ainsi que la résolution de l'Assemblée générale susmentionnée dans ce document, l'appui au renforcement des capacités juridiques et judiciaires est un élément indispensable des activités du Haut Commissariat. Il aide les Etats à honorer leurs engagements juridiques internationaux et à réintégrer les réfugiés qui rentrent chez eux et, surtout, il contribue à la suppression des causes profondes des mouvements de réfugiés.
24. Certains bureaux extérieurs du HCR, forts de leur expérience ou de leur potentiel dans ce domaine, sont invités à préparer de brefs descriptifs de stratégies précisant les façons dont ils se proposent de renforcer les capacités juridiques et judiciaires dans leurs régions/pays respectifs. L'objectif de cette opération est, entre autres, de définir les approches pouvant servir de modèles au développement d'activités dans ce domaine dans d'autres régions du monde et d'obtenir une première indication des ressources requises pour mener à bien ces activités dans le cadre d'un programme.
25. De toute évidence, il convient de renforcer la capacité du HCR à fournir un appui efficace aux Etats dans les efforts qu'ils déploient pour renforcer les capacités et les institutions juridiques afin de mieux faire respecter l'ordre public. Les efforts dans ce domaine doivent bénéficier à la population tout entière, y compris les réfugiés, les rapatriés et les personnes déplacées à l'intérieur du territoire.