Attaques militaires contre des camps de réfugiés et des zones d'installation en Afrique australe et ailleurs
Attaques militaires contre des camps de réfugiés et des zones d'installation en Afrique australe et ailleurs
EC/SCP/23
1. A sa 32ème session, le Comité exécutif a considéré la question d'attaques militaires contre des camps et des zones d'installation de réfugiés dont s'occupe le HCR. Dans sa conclusion sur cette question le Comité exécutif « a noté avec une profonde préoccupation les attaques militaires inhumaines dirigées contre des camps de réfugiés en Afrique australe et ailleurs, qui sont cause d'une détresse extrême et d'épreuves indicibles pour les réfugiés, et a demandé au Haut Commissaire d'étudier les graves problèmes humanitaires que posaient les attaques militaires contre les camps et les zones d'installation de réfugiés doit s'occupe le HCR, et la nécessité de prendre des mesures spéciales pour protéger ces réfugiés et garantir leur sécurité, et de faire rapport à ce sujet au Comité exécutif dès que possible » (A/36/12/Add.1 (1)(h)).
2. Conformément à cette conclusion du Comité exécutif, le Haut Commissaire a procédé aux consultations nécessaires avec un nombre de gouvernements concernés le Secrétariat des Nations Unies et le Comité international de la Croix-Rouge, en vue de recommander les mesures appropriées pour la protection et la sécurité des réfugiés dans des camps et dans des zones d'installation dont s'occupe le HCR.
3. A la suite de ces consultations, le Haut Commissaire décida de faire appel à une personnalité connaissant particulièrement bien les problèmes des réfugiés et de leur protection, pour passer en revue les différents aspects du problème. La tâche d'effectuer cette enquête et de présenter un rapport avec les recommandations appropriées a été confiée à l'Ambassadeur Félix Schnyder, ancien Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.
4. L'Ambassadeur Schnyder a maintenant soumis un rapport préliminaire dans une lettre adressée au Haut Commissaire le 29 septembre 1982. Le texte de cette lettre se trouve ci-joint.
Monsieur le Haut Commissaire,
J'aimerais me référer aux conclusions adoptées par le Comité exécutif à sa 32ème session concernant les attaques militaires contre des camps et des zones d'installation de réfugiés dont s'occupe le HCR. Dans cette conclusion, le Comité exécutif « a noté avec une profonde préoccupation les attaques militaires inhumaines dirigées contre les camps de réfugiés en Afrique australe et ailleurs, qui sont cause d'une détresse extrême et d'épreuves indicibles pour les réfugiés, et a demandé au Haut Commissaire d'étudier les graves problèmes humanitaires que posaient les attaques militaires contre les camps et les zones d'installation de réfugiés dont s'occupe HCR, et la nécessité de prendre des mesures spéciales pour protéger ces réfugiés et garantir leur sécurité, et de faire rapport à ce sujet au Comité exécutif dès que possible » (A/36/12/Add.1 (1)(h)).
Conformément à cette conclusion du Comité exécutif, vous m'avez confié la tâche d'examiner les divers aspects qui s'y rapportent. Je voudrais donc maintenant vous présenter le rapport préliminaire qui suit.
J'ai pu commencer à travailler après la mi-août en prenant les contacts nécessaires à Genève puis en tenant des réunions à New York entre le 8 et le 15 septembre. Mes premières discussions, avec des fonctionnaires du HCR, des représentants de gouvernements particulièrement intéressés, le Président du Comité international de la Croix-Rouge; des collaborateurs du Secrétaire général des Nations Unies et, finalement, avec le Secrétaire général lui-même, ont été très utiles. Ces discussions m'ont aidé à saisir la nature et les implications du problème que vous m'avez demandé d'examiner.
Puisqu'il m'a été demandé pour la prochaine session du Comité exécutif, de vous présenter un rapport préliminaire sur ce problème, je peux vous donner une brève indication de la façon dont je compte l'aborder.
J'ai reçu à Genève, en particulier de votre Office, et du Siège des Nations Unies à New York, d'importantes informations concernant « les attaques militaires inhumaines dirigées contres les camps de réfugiés en Afrique australe et ailleurs, qui sont cause d'une détresse extrême et d'épreuves indicibles pour les réfugiés »; pour reprendre les termes de la conclusion adoptée par le Comité exécutif à sa 32ème session.
En effet, du point de vue de la tâche humanitaire qui vous a été confiée, il est certainement légitime d'exprimer la profonde douleur et l'indignation que ces événements suscitent dans le monde. Il serait aussi opportun d'adresser un appel pressant à tous les gouvernements et organisations concernés d'utiliser tous les moyens possible afin de préserver l'intégrité et la dignité des réfugiés, victimes des drames de notre époque et d'éviter toute action mettant en danger leur vie et bien-être.
J'ai été frappé par le fait que, dans les années lui ont suivit mon mandat de Haut Commissaire, mandat qui a couvert la période de 1961 à 1966, la nature et l'ampleur des situations de réfugiés en dehors d'Europe ont subi des changements très significatifs, Les situations de réfugiés se sont non seulement généralisées, comportant un bien plus grand nombre de personnes déracinées mais elles sont aussi devenues beaucoup plus diverses et complexes. Dans ces situations, il semble qu'il soit de plus en plus difficile de faire la distinction entre les aspects politiques et ceux purement humanitaires. Ceci est particulièrement vrai dans le cas d'événements aussi tragiques que des attaques militaires contre des camps de réfugiés.
Il semble d'autant plus impératif pour le HCR, dans l'intérêt même de l'efficacité et de la crédibilité de son action, d'établir les distinctions nécessaires et de sauvegarder le caractère purement humanitaire et apolitique de son importante mission. Il est certain qu'une de mes tâches essentielles consiste précisément à examiner cette question, pour laquelle j'ai trouvé, lors de mes discussions à Genève et à New York, qu'il existait un intérêt très positif.
A ce sujet, je voudrais simplement remarquer, à ce stade, qu'une solution ne peut évidemment être trouvée sans une clarification précise de la division du travail entre les différents organes des Nations Unies et dans leur rapports avec des Etats et d'autres institutions, par exemple, le Comité international de la Croix-Rouge. En me référant à la division du travail entre les institutions concernées, je pense à une coordination et à une coopération efficace et pratique, chaque institution agissant, bien entendu, dans le cadre de ses responsabilités spécifiques, Le Secrétaire général des Nations Unies a exprimé très clairement, lors de notre entretien du 15 septembre, qu'il attache aussi la plus grande importance à une efficace division du travail avec le HCR et que, par exemple, il désirerait envisager, au moment opportun, des missions communes avec le HCR.
Les attaques contre des camps de réfugiés ont été portées à l'attention des organes politiques des Nations Unies, souvent du Conseil de sécurité puisqu'elles affectent la souveraineté des pays d'asile. Dans ces circonstances, le HCR - tout en usant de son influence auprès des gouvernements et d'autres institutions afin que la sécurité des réfugiés soit assurée - doit certainement concentrer toute son attention et ses efforts sur la nécessité d'apporter de l'aide aux réfugiés victimes de ces attaques.
Une des principales fonctions du HCR consiste à développer et promouvoir les principes juridiques tendant à améliorer le statut des réfugiés ainsi que leurs possibilités de cesser d'être des réfugiés Les attaques militaires contre des camps de réfugiés consistent un phénomène relativement récent qui n'avait donc pas été spécifiquement considéré par des conventions se rapportant aux réfugiés ni lors de l'élaboration dos Conventions de Genève relatives à la protection des personnes civiles en cas de conflits armés. Dans ces circonstances, la question se pose au HCR de savoir si, plus généralement, des mesures et des principes pourraient être élaborés dans le cadre international approprié, afin d'assurer une meilleure protection des camps de réfugiés. Dans ce contexte, on pourrait examiner si les camps de réfugiés - ces derniers étant expressément mentionnés dans la Convention de Genève du 12 août 1949 comme étant des « personnes protégées » - ne pourraient pas bénéficier d'un statut spécial comparable, peut-être, à celui des hôpitaux militaires placés sous l'emblème de la Croix-Rouge. J'essaierai d'étudier ces idées plus à fond, J'ai été encouragé à ce faire par la réponse spontanément positive que j'ai reçue en particulier de représentants des régions où se trouvent les plus importants camps de réfugiés exposés aux risques d'attaques.
Voilà ce que je suis en position d'établir peur le moment. J'espère pouvoir vous remettre mon rapport final dans quelques mois.
Félix Schnyder