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Compte rendu analytique de la 509ème séance

Réunions du Comité exécutif

Compte rendu analytique de la 509ème séance
A/AC.96/SR.509

14 Octobre 1996

COMITE EXECUTIF DU PROGRAMME DU HAUT COMMISSAIRE
Quarante-septième session

COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA 509ème SEANCE
tenue au Palais des Nations, à Genève, le 8 octobre 1996, à 10 heures
Président : M. MCHUMO (République-Unie de Tanzanie)

Le présent compte rendu est sujet à rectifications.

Les rectifications doivent être rédigées dans l'une des langues de travail. Elles doivent être présentées dans un mémorandum et être également portées sur un exemplaire du compte rendu. Il convient de les adresser, une semaine au plus tard à compter de la date du présent document, à la Section d'édition des documents officiels, bureau E.4108, Palais des Nations, Genève.

Les rectifications éventuelles aux comptes rendus des séances publiques de la présente session seront groupées dans un rectificatif unique qui sera publié peu après la clôture de la session.

La séance est ouverte à 10 h 30.

THEME ANNUEL : RECHERCHE ET MISE EN OEUVRE DE SOLUTIONS (A/AC.96/863, A/AC.96/867 et A/AC.96/872) (point 4 de l'ordre du jour) (suite)

1. M. IRUMBA (Ouganda) se félicite de la nouvelle formule de l'examen du point 4, axée sur l'étude approfondie de thèmes précis favorisant un consensus. Le thème de la présente session est approprié car il permet d'aller au-delà des opérations d'urgence à la recherche de solutions durables qui préservent la dignité humaine et l'amour-propre des réfugiés. Le retour des réfugiés est certes la solution préférable, mais il faut également s'attaquer aux causes profondes du problème, qui sont la persécution, les conflits armés, les troubles civils et la violence. L'Ouganda, qui accueille de nombreux réfugiés et qui, à un moment donné, a été pays d'origine de réfugiés, comprend les sacrifices des pays d'accueil et les souffrances des réfugiés eux-mêmes.

2. Les causes des conflits qui donnent lieu à des mouvements de réfugiés résident dans la mauvaise gestion des affaires publiques et le non-respect des droits de l'homme et de la primauté du droit. Il convient donc d'intégrer la promotion des droits de l'homme et de l'état de droit dans les efforts pour la paix, la démocratie et le développement. La délégation ougandaise partage l'opinion du représentant du Japon pour qui la pauvreté est à l'origine des conflits. Il faut lutter contre la pauvreté et non pas ériger des forteresses aux frontières ou réécrire la Convention pour rendre plus difficile l'entrée des réfugiés.

3. Se tournant vers les problèmes de la sous-région de l'Afrique de l'Est, à laquelle appartient son pays, le représentant de l'Ouganda se dit consterné par la situation au Burundi, qui pourrait s'aggraver si rien n'est fait. Pour l'Ouganda, la solution est de garantir la sécurité et la démocratie pour tous les habitants. A cette fin, le processus de paix de Mwanza, renforcé par l'Initiative de paix d'Arusha sous les auspices de M. Julius Nyerere, constitue un cadre viable de dialogue national. Tous les Burundais ainsi que la communauté internationale devraient appuyer les efforts régionaux visant à trouver une solution. En ce qui concerne le Rwanda, la délégation ougandaise félicite le Gouvernement rwandais, qui, malgré les provocations des auteurs du génocide, s'engage à mener une politique de réconciliation et à favoriser le retour et la réinstallation des réfugiés. Il convient de se pencher sur le problème ethnique afin de favoriser l'état de droit et de prévenir le recours à des mesures extrajudiciaires.

4. L'Ouganda est d'avis que le retour des réfugiés est la solution préférable mais qu'entre-temps, il faut faire face aux besoins des réfugiés et trouver les moyens de promouvoir leur dignité, leur amour-propre et leur indépendance. C'est pourquoi l'Ouganda met en oeuvre des projets de réinstallation axés sur l'intégration et l'autonomie des réfugiés. En conclusion, le représentant de l'Ouganda réaffirme que la solution durable du problème passe par le respect des droits de l'homme et de la primauté du droit ainsi que par l'aide aux pays d'accueil. Il s'inquiète de l'apparition de nouvelles formes de xénophobie, de racisme et d'intolérance et déplore que le problème du chômage dans certains pays incite au harcèlement des réfugiés. Il dit comprendre le problème du chômage mais trouve dangereux que les plus faibles servent de boucs émissaires.

5. M. KHALID (Pakistan) dit que son pays a observé avec un grand intérêt les efforts du Haut Commissaire visant à améliorer l'efficacité du HCR. Pour que le HCR puisse réussir ses opérations, il doit déployer un personnel efficace, qui connaisse la région, sa culture et ses traditions. En tant que pays d'accueil d'un grand nombre de réfugiés, le Pakistan espère être consulté avant que toute décision ne soit prise concernant les opérations en faveur des réfugiés afghans et d'autres situations.

6. Le Pakistan abrite aujourd'hui 1,4 million de réfugiés afghans, dont le problème est l'un des plus anciens au monde. Le Pakistan les a accueillis et aidés en puisant dans ses fonds propres, et leur a accordé une grande liberté de circulation dans le pays. Lorsque la communauté internationale a brutalement mis fin à son aide, le Pakistan n'a pas choisi la solution de facilité qu'est le rapatriement forcé, mais a continué de prendre en charge les réfugiés afghans, ce qui représente un fardeau très lourd pour un pays en développement.

7. Pour le Pakistan, le retour de la paix en Afghanistan est essentiel car les mouvements massifs de réfugiés ont créé d'énormes problèmes administratifs, économiques et sociaux. Des tensions se font jour dans certaines provinces, dont le profil démographique se trouve modifié par la taille de la population de réfugiés. Le long séjour de millions de réfugiés afghans et de leur important cheptel a causé de gros dégâts écologiques, dont le PNUD a estimé le coût déjà en 1990 à plus de 208 millions de dollars. Le Pakistan est d'avis que le rapatriement librement consenti, suivi d'une réinsertion rapide, est la solution la plus logique au problème des réfugiés.

8. Au début de l'année 1994, des centaines de milliers d'Afghans ont été déplacés dans leur propre pays suite à l'escalade des combats entre groupes rivaux à Kaboul. Plus de 200 000 d'entre eux ont trouvé refuge au Pakistan, mais le HCR n'en a enregistré que 85 000. En raison de la politique du HCR et de contraintes financières, le Pakistan s'est vu dans l'obligation de fermer sa frontière, prévenant ainsi l'arrivée de 300 000 autres réfugiés. La plupart de ces personnes déplacées vivent dans des camps provisoires et le HCR ainsi que d'autres organismes de l'ONU doivent, en priorité, assurer leur retour, leur réinsertion et leur réinstallation.

9. La majorité des réfugiés afghans qui restent au Pakistan viennent de régions où la paix est revenue. Il faut donc y entreprendre de grands travaux de relèvement et de reconstruction pour susciter le retour des réfugiés. Le Pakistan y contribue en permettant le passage à travers son pays d'équipements et d'autres matériels essentiels à l'Afghanistan. Malheureusement, la communauté internationale semble peu disposée à engager des ressources et du personnel pour le rapatriement des réfugiés afghans. Le Pakistan constate avec préoccupation que l'assistance aux réfugiés afghans a été réduite, de toute évidence dans le cadre d'une stratégie préconçue visant à imposer l'intégration sur place comme solution. Or, pour le Pakistan, l'intégration sur place est une solution qui n'est ni acceptable ni pratique.

10. Le représentant du Pakistan pense que la récente évolution de la situation en Afghanistan est sans doute la meilleure chance pour le pays de retrouver la paix depuis le retrait des forces soviétiques. Il espère que, comme l'a dit le premier ministre Bhutto, le gouvernement provisoire mis en place par les talibans reviendra sur certaines de ses politiques considérées comme discriminatoires à l'égard des femmes ou susceptibles de freiner le développement économique et social de l'Afghanistan. Cependant, les différences idéologiques ne doivent pas influer sur des décisions qui touchent les hommes, les femmes et les enfants d'Afghanistan, dont les souffrances ont trop duré. Bloquer l'assistance en faveur de la reconstruction de l'Afghanistan et du rapatriement des réfugiés équivaudrait à condamner des millions d'innocents, en particulier des femmes et des enfants. Les nouvelles perspectives de paix doivent aller de pair avec une intensification de l'aide internationale en faveur de l'Afghanistan. C'est là la meilleure solution, sur le plan tant humanitaire que politique.

11. Mgr BERTELLO (Saint-Siège) rend hommage au HCR qui, de tout temps, a mis la question des solutions durables au coeur même de son approche des problèmes de réfugiés, en en faisant, avec la protection, l'un des piliers de ses activités essentielles. Les programmes d'assistance matérielle, de plus en plus nombreux, devraient viser eux aussi cette recherche, qui est dans l'intérêt de tous, c'est-à-dire du réfugié, du pays d'origine ou d'installation et de la communauté internationale. Devant la multiplication des conflits et des guerres, la communauté internationale s'interroge sur la prévention de nouveaux déplacements de population, dont les causes sont les renversements politiques et les guerres civiles, les violations massives des droits de l'homme et des minorités et l'expansion du marché des armes. Ceux qui en souffrent le plus sont les groupes vulnérables, notamment les personnes âgées, les femmes et les enfants, qui n'ont pas accès à des biens essentiels tels que la sécurité, l'éducation et les soins de santé. Il n'est pas surprenant que la majorité des réfugiés proviennent aujourd'hui de pays en développement.

12. L'élimination des causes de ce flux croissant de réfugiés et de personnes déplacées tombe largement en dehors du mandat du HCR. Il s'agit d'une tâche qui incombe à la communauté internationale tout entière et à ses organisations, qui doivent oeuvrer soit pour un développement qui ne se limite pas à la sphère économique mais qui affirme la dignité de la personne humaine par la promotion de ses droits, soit pour une intervention appropriée qui puisse éviter l'éclatement de nouveaux conflits. Toutefois, le HCR garde une place importante parmi ces organisations grâce aux moyens dont il dispose et à son expérience. Outre qu'il a à son actif le rapatriement des réfugiés du Mozambique et la récente Conférence sur la Communauté des Etats indépendants, il peut aussi fournir d'importants éléments d'analyse et avancer des propositions utiles devant de nouvelles situations précaires. Le génocide rwandais aurait probablement été évité si la communauté internationale avait contribué à résoudre pacifiquement, en son temps, le problème de ceux qu'on appelle « les anciens réfugiés » rwandais.

13. Se référant à la recherche de solutions durables, le représentant du Saint-Siège dit que le rapatriement librement consenti doit être fondé sur le respect du principe du choix volontaire, qui va de pair avec la protection du réfugié. Afin de rendre possible le rapatriement librement consenti, il faut travailler avant tout pour que change la situation politique, économique et sociale qui a conduit à l'exil. Pour ce faire, on doit assurer le respect effectif des droits de l'homme, une politique orientée vers le bien général de tous les citoyens, une administration indépendante de la justice et un projet de développement soutenu par la communauté internationale.

14. Il faut également que la communauté internationale prenne des engagements plus fermes pour un contrôle efficace du commerce et du transfert des armements. La présence d'armes dans les camps de réfugiés rend plus difficile encore la recherche d'une solution pacifique, et les mines antipersonnel tuent ou mutilent des milliers d'innocents et entravent le développement de régions entières. Il arrive parfois que les pays qui financent l'action humanitaire soient ceux-là mêmes qui produisent et exportent les armes, recevant en retour des bénéfices considérables. Il faut donc démilitariser les camps, pour que les réfugiés puissent prendre une décision libre, loin de la menace des armes ou de l'influence de la propagande de certains politiciens qui croient avoir tout à gagner du maintien du statu quo.

15. En conclusion, le représentant du Saint-Siège souligne que la réconciliation reste le pas nécessaire à franchir par tous les membres d'une société : ceux qui vivent à l'intérieur comme les réfugiés qui souhaitent y retourner, mais aussi la communauté internationale, qui doit respecter l'identité nationale et les traditions culturelles propres à chaque pays. Les programmes de reconstruction et de réinsertion peuvent porter leurs fruits si l'homme change à l'intérieur, de façon à pouvoir contribuer à la création d'une société nouvelle. Cette contribution doit être fondée sur des principes démocratiques et sur des idéaux de solidarité, au lieu d'être encadrée par des méthodes dictatoriales ou empoisonnée par le régionalisme. L'Eglise catholique est consciente de cette responsabilité et considère comme un élément de sa mission de porter sa contribution là où elle est présente, par son enseignement et ses oeuvres.

16. M. ZISWILER (Suisse) dit que si, aux yeux du grand public, le HCR apparaît avant tout comme une organisation travaillant dans le court terme et parant au plus pressé, sa mission la plus essentielle réside dans la recherche de solutions durables aux problèmes de réfugiés. Parmi ces solutions durables, la plus souhaitable demeure le rapatriement librement consenti. La Suisse, qui fait de cette solution une priorité, met en oeuvre, dans le cas de la Bosnie-Herzégovine, une politique d'encouragement au retour fondée à la fois sur une aide individuelle à chaque réfugié et sur des projets de remise à niveau des structures communautaires d'accueil en Bosnie. Cette politique pragmatique connaît déjà un certain succès mais des interrogations subsistent concernant les possibilités de retour dans les lieux d'origine. Aussi la Suisse souhaiterait-elle que le HCR réunisse à nouveau les pays intéressés afin de trouver des réponses à ces interrogations.

17. La Suisse souscrit entièrement au concept de l'approche globale, qui fait du maintien de la paix et de la sécurité, de la promotion du développement économique et social et du respect des droits de l'homme, des éléments devant impérativement être pris en considération dans la recherche de solutions durables. Pour cela, la responsabilité d'un grand nombre d'acteurs est engagée. Il y a d'abord la responsabilité des Etats d'origine, auxquels il appartient en premier lieu de garantir à leur population le respect des droits de l'homme pour qu'elle ne se sente pas contrainte à la fuite et, ensuite, de créer les conditions matérielles et de sécurité qui permettront le retour des réfugiés.

18. Il y a ensuite la responsabilité de la communauté internationale qui doit, dans le cadre de la diplomatie préventive, soutenir davantage les efforts de coopération régionale, que ceux-ci soient politiques et économiques ou qu'ils soient spécifiquement consacrés aux questions de déplacement de population. Quant au HCR, il ne semble pas être fondé à intervenir en amont d'une crise et ne devrait donc pas se mêler de prévention pure, qui est une activité essentiellement politique. C'est en aval de la crise que sa présence ainsi que l'assistance et la protection qu'il fournit permettront d'éviter que la situation ne se dégrade à nouveau. Le HCR, acteur humanitaire, neutre et impartial, doit se garder de s'engager dans des activités politiquement trop sensibles, qui risqueraient de brouiller la perception des acteurs humanitaires qu'ont les parties au conflit et de rendre le travail sur le terrain plus dangereux qu'il ne l'est déjà souvent.

19. Il y a enfin la responsabilité des organisations, non gouvernementales ou intergouvernementales, en particulier celles qui s'occupent de développement. A cet égard, la coordination entre acteurs humanitaires et acteurs de développement se révèle d'une importance fondamentale pour faciliter la transition d'une situation de conflit à une situation de paix et de développement. Pour ce qui concerne le HCR, il lui faut certes, comme à tous les acteurs humanitaires, intégrer dans ses activités les impératifs de la recherche de solutions, mais sa responsabilité en la matière s'arrête là. Dans le domaine de la promotion et du respect des droits de l'homme, le rôle du HCR est indéniable, mais il devrait rester limité aux aspects qui touchent particulièrement aux questions de réfugiés et aux questions d'asile en général. Le HCR doit se contenter par exemple d'effectuer un suivi passif, comme dans le cadre de l'arrangement entre Sri Lanka et la Suisse.

20. La complexité croissante des nouvelles crises confronte l'ensemble des acteurs à des situations inhabituelles. S'il était encore possible, il n'y a pas si longtemps, d'établir une claire distinction entre aspects humanitaires, aspects de développement et aspects politiques, cette distinction tend aujourd'hui à s'estomper dans de nombreux cas, rendant nécessaire l'adoption de solutions globales. Le représentant de la Suisse félicite le Haut Commissaire et l'ensemble de ses collaboratrices et collaborateurs d'avoir adopté une telle approche globale et d'avoir contribué aux efforts visant à une meilleure collaboration entre les différents acteurs, sur la base de leurs mandats respectifs et de leurs avantages comparatifs. Acteur essentiel de la scène humanitaire, le HCR sait qu'au-delà des questions institutionnelles, ce partenariat est une condition sine qua non de l'action humanitaire véritable et dans l'intérêt premier des réfugiés.

21. M. ZHANG Yishan (Chine) dit que s'il est encourageant de noter que les problèmes de réfugiés dans des régions telles que l'Amérique centrale, l'Afrique australe et l'Indochine ont été résolus à des degrés divers, la situation actuelle des réfugiés dans le monde n'autorise guère à l'optimisme. D'un côté, en raison du lourd héritage de la guerre froide et de l'impossibilité d'arriver à une solution politique, certains problèmes de réfugiés qui se posent de longue date résistent à toute solution immédiate. D'un autre côté, on constate une recrudescence de guerres locales et de conflits armés provoqués par des dissensions raciales et religieuses ou des différends territoriaux. La pauvreté, le sous-développement, un endettement croissant et les catastrophes naturelles compromettent toujours gravement la survie et le développement de nombreux pays en développement. Le vieil ordre économique international et son système commercial déraisonnable et inéquitable dominent toujours le monde, et certains pays ont même encore recours au blocus et aux sanctions pour réaliser leurs objectifs hégémonistes et s'ingérer dans les affaires intérieures d'autres Etats. Tous ces facteurs sont des obstacles à la paix et au développement mondial et rendent toute solution au problème des réfugiés impossible.

22. Le Gouvernement chinois a toujours pensé que pour résoudre le problème des réfugiés, il fallait s'attaquer à ses causes fondamentales. La paix et le développement sont les deux principaux défis que doit relever la communauté internationale et ce sont aussi les conditions préalables à toute solution. Ce n'est que par un règlement négocié et pacifique des différends, un développement économique et social plus rapide et l'établissement d'un nouvel ordre économique international équitable et raisonnable que les conditions politiques et économiques indispensables à une solution définitive peuvent être mises en place. Parallèlement, la communauté internationale devrait suivre le principe de la solidarité internationale et du partage des charges, et rechercher une solution globale à la question des réfugiés en l'abordant par différentes voies afin de créer les conditions d'un rapatriement et d'une réinstallation librement consentis des réfugiés. Il y faut l'action concertée des pays d'origine, des pays d'asile, des donateurs et des pays de réinstallation. Cela nécessite aussi une coordination de l'action des organisations internationales compétentes et l'octroi de ressources humaines et financières supplémentaires. Le nombre croissant de cas dans lesquels des réfugiés fuient leur pays après avoir été rapatriés montre que non contents de fournir une assistance humanitaire et de rechercher une solution, la communauté internationale et le HCR devraient aussi tenter d'assortir leur aide aux réfugiés d'une action visant à promouvoir le développement économique des pays en développement pour trouver une solution effective et durable au problème. Ces dernières années, le HCR a fait quelques tentatives réussies en ce sens en proposant l'idée d'une approche globale. Pour la Chine, cette idée ne pourra être mise en oeuvre efficacement que si les pays intéressés et les organisations internationales compétentes unissent leurs efforts. Pour sa part, le HCR devrait en toutes circonstances se conformer strictement à son mandat et donner la priorité à la protection et à l'assistance.

23. La Chine considère que le rapatriement librement consenti est la solution la plus appropriée au problème des réfugiés, ce qui a été prouvé dans la pratique durant de nombreuses années. En accueillant et en protégeant 280 000 réfugiés indochinois sur son territoire, le Gouvernement chinois a consenti d'énormes contributions en ressources humaines et financières. Afin d'éliminer rapidement un problème persistant depuis 17 ans et de répondre aux aspirations des réfugiés, avec la participation du HCR et grâce à une heureuse collaboration entre la Chine et la République démocratique populaire lao, environ 3 000 réfugiés lao ont été rapatriés ces dernières années. Avec la conclusion du PAG en Asie du Sud-Est et la solution du problème des réfugiés vietnamiens en Asie du Sud-Est qui s'est ensuivie, le rapatriement des réfugiés vietnamiens présents en Chine revêt désormais un caractère d'urgence. La Chine a noté avec satisfaction l'attitude positive du pays intéressé, qui a accepté d'accueillir les réfugiés rapatriés, et elle est prête à coopérer avec le pays en question comme avec les organisations internationales compétentes pour garantir un rapatriement librement consenti et rapide des réfugiés vietnamiens de Chine. A ceux qui choisiront de prolonger leur séjour provisoire en Chine, le Gouvernement chinois continuera de fournir une assistance dans un esprit de philanthropie. S'agissant de ceux qui souhaitent retourner dans leur pays d'origine en sécurité et dans la dignité, la communauté internationale et le HCR devraient demeurer saisis de la situation et leur prêter leur concours.

24. Le rapatriement des réfugiés de la mer vietnamiens de Hong-kong se déroule pratiquement sans heurts depuis quelques mois, mais l'examen de la situation de plus de 7 000 d'entre eux n'a guère avancé jusqu'à présent. Ceci est un sujet de vive préoccupation pour le Gouvernement chinois, qui estime que trouver une solution à la question des réfugiés de la mer vietnamiens est une tâche hautement prioritaire dont il importe qu'elle soit achevée avant le 30 juin 1997. Le PAG ayant été mené à terme dans d'autres pays d'Asie, la Chine compte vivement sur une active coopération de la part de toutes les parties intéressées pour accélérer le processus de rapatriement.

25. Le Gouvernement chinois rend hommage aux nombreux agents humanitaires qui ont peiné et même sacrifié leur vie au service de la noble cause que défend le HCR. Pour sa part, il souhaite renforcer encore sa coopération avec le HCR et d'autres pays dans la recherche commune d'une solution au problème des réfugiés.

26. M. MESSAOUI (Algérie) dit que son pays, dont l'attachement à la cause humanitaire remonte à l'orée de son indépendance, apprécie à leur juste valeur les efforts actuellement entrepris par le HCR afin d'adapter son action et ses capacités de réaction aux situations graves qui entrent dans son domaine de compétence. Par ailleurs, l'Algérie a toujours estimé que tout effort pour effacer les réalités dramatiques que connaissent les réfugiés et les personnes déplacées doit tendre au renforcement de la protection internationale sur la base des principes consacrés par la Charte des Nations Unies et les pactes et conventions auxquels la communauté internationale a souscrit. A ce titre, il serait approprié que l'élaboration de la nouvelle stratégie orientée vers les solutions durables et la prévention suscite l'adhésion la plus large de la communauté internationale et s'inscrive dans le cadre d'un partenariat avec l'ensemble des institutions des Nations Unies concernées.

27. Lors de son intervention du 30 janvier 1996 devant le Comité permanent, le Haut Commissaire a, à juste titre, noté avec préoccupation que certaines politiques nationales restrictives prenaient de plus en plus le pas sur les considérations humanitaires et entravaient la poursuite des missions globales du HCR. C'est précisément parce que les vertus de l'entraide tendent à s'estomper et que la conception même de l'asile est sujette à révision, qu'il importe d'appuyer les efforts des pays qui, malgré la persistance d'un contexte économique adverse, continuent à s'acquitter de leurs responsabilités et à accorder asile et assistance aux personnes en quête de refuge. Voilà pourquoi l'Algérie, qui s'enorgueillit de ses traditions d'accueil et d'hospitalité, assume sa part de responsabilité en accueillant les réfugiés sahraouis et d'autres personnes déplacées originaires du Mali et du Niger. Cet engagement de l'Algérie est venu compléter fort heureusement les obligations qui incombent au HCR à l'égard des réfugiés sahraouis. Car il est bon de rappeler que l'ONU, qui avait engagé sa responsabilité à l'égard d'un territoire relevant de la résolution 1514 (XV) de l'Assemblée générale, veillera à la satisfaction des besoins humanitaires pressants de cette population tant que les causes ayant provoqué son exil n'auront pas disparu et que le peuple sahraoui n'aura pas exercé ses droits légitimes à l'autodétermination et à l'indépendance. Le Gouvernement algérien sait gré au HCR de l'assistance qu'il accorde aux plus vulnérables des réfugiés sahraouis et forme le voeu que celle-ci soit renforcée afin de répondre plus précisément encore aux besoins multiples de cette population.

28. En ce qui concerne les personnes déplacées du Mali et du Niger, l'Algérie se félicite de l'évolution positive récemment constatée dans la région et ne ménagera aucun effort pour que le processus de rapatriement librement consenti de ces personnes puisse être mené à bien. Elle se félicite de la coopération exemplaire entretenue avec le HCR et le FIDA afin d'apporter des solutions durables aux problèmes auxquels se heurtent ces populations. Il importe que ces liens se resserrent pour que l'aide apportée à ces personnes déplacées soit encore plus bénéfique et soutenue.

29. M. YIMER (Ethiopie) dit que si les trois grandes solutions traditionnelles au problème des réfugiés sont le rapatriement librement consenti, l'installation sur place et la réinstallation dans un pays tiers, l'Ethiopie a toujours préféré le rapatriement librement consenti et la réinsertion ultérieure des réfugiés dans leur lieu d'origine. A cet égard, c'est avec une profonde satisfaction que l'on peut constater que cinq ans de paix et de stabilité continues en Ethiopie ont permis à plus d'un million de réfugiés éthiopiens de retourner chez eux en sécurité et dans la dignité, ce grâce à l'aide du HCR. Les quelques milliers d'Ethiopiens qui sont toujours réfugiés dans les pays voisins demandent instamment à être rapatriés et une opération à cet effet commencera au Soudan en novembre 1996. Bien que les perspectives d'avenir soient plus brillantes qu'auparavant, l'aide à la réinsertion et à la réadaptation des réfugiés reste pratiquement inexistante. Les infrastructures socio-économiques les plus élémentaires doivent être améliorées si l'on veut faire face au fardeau supplémentaire que constitue l'accueil de ces masses de rapatriés. Le rapatriement doit être lié à la réinsertion et à la reconstruction. A cet égard, l'Ethiopie est heureuse d'annoncer qu'un document de stratégie générale pour la réinsertion des rapatriés éthiopiens de l'étranger, élaboré par le HCR, a été présenté aux donateurs par le Gouvernement éthiopien et le HCR. La réaction des donateurs est très encourageante et l'on élabore actuellement des projets fondés sur les besoins concrets des rapatriés et des collectivités locales qui les accueillent.

30. L'action du Gouvernement éthiopien ne se limite pas au rapatriement des réfugiés, mais consiste aussi à promouvoir des solutions durables au problème des réfugiés actuellement présents sur son territoire. L'Ethiopie réaffirme qu'elle est prête à faciliter le rapatriement des réfugiés venus de pays voisins dès que la situation dans les pays d'origine permettra leur retour en toute sécurité et dans la dignité. Les préparatifs du rapatriement des réfugiés somaliens dans le nord-ouest de la Somalie en sont à un stade avancé. Des représentants de ces réfugiés ont été autorisés à traverser la frontière pour se rendre compte par eux-mêmes de la situation dans les zones potentielles de réinsertion. Un comité directeur composé des autorités du gouvernement régional, de représentants du HCR et de personnel technique du gouvernement a également travaillé à sensibiliser les réfugiés aux avantages d'un rapatriement librement consenti. On peut espérer que la première phase d'une opération pilote de rapatriement pourra commencer dans un avenir proche. Le Gouvernement éthiopien encourage cette opération en dépit de l'absence dans le nord-ouest de la Somalie d'une autorité avec laquelle il aurait signé un accord tripartite, le HCR se chargeant de stipuler les modalités de l'opération de rapatriement. Il est prêt à signer un mémorandum d'accord avec le HCR pour l'engager dès que possible. Cette opération pilote, conforme à la stratégie du HCR qui met l'accent sur le rapatriement librement consenti, favorisera le rapatriement de la plus grande partie des réfugiés dans leurs foyers et allégera le fardeau que supportent l'Ethiopie et l'ensemble de la communauté internationale. Elle ne pourra se faire cependant que si l'on assure la protection internationale des réfugiés au cours de leur retour et de leur réinsertion pour éviter qu'ils ne repartent.

31. Dans la recherche de solutions durables, des pourparlers préliminaires ont également été tenus avec les autorités djiboutiennes sur la possibilité de rapatrier les réfugiés djiboutiens dans leur pays d'origine. Il semble que la plupart des réfugiés soient désireux de rentrer chez eux au moment opportun. Le Gouvernement éthiopien est, pour sa part, entièrement favorable à ce rapatriement et souhaite que le HCR l'aide à monter une opération à cet effet dans les meilleurs délais. Il semble aussi que le petit nombre de réfugiés kényans soient désireux de rentrer dans leur pays d'origine. Là encore, le Gouvernement éthiopien espère que le HCR l'aidera à mettre en place une opération de rapatriement.

32. Malgré cette évolution encourageante, les réfugiés en Ethiopie continuent de souffrir des conflits incessants et de l'absence de stabilité dans les pays voisins. Ainsi, l'Ethiopie continue d'abriter plus de 275 000 réfugiés somaliens dont la situation reste insoluble. Devant la complexité des problèmes, elle souscrit entièrement à l'adoption par le HCR d'approches globales, qui devraient être holistiques et s'attaquer aux causes fondamentales des violations des droits de l'homme, des conflits politiques et sociaux et des bouleversements économiques. Dans le cas des réfugiés somaliens, on voit se manifester depuis quelques mois chez les donateurs une certaine lassitude qui se traduit par une diminution des fonds alloués et une réduction des rations alimentaires. Si l'on peut comprendre les frustrations et l'inquiétude de la communauté internationale devant la situation des réfugiés somaliens qui dure depuis trop longtemps et résiste à toute tentative de solution, on ne peut admettre le recours à des méthodes coercitives telles que la cessation de l'aide alimentaire et la réduction de services sociaux vitaux. A cet égard, l'Ethiopie pense que le nombre de réfugiés présents dans les camps est sous-évalué et se déclare prête à travailler avec les donateurs à l'élaboration d'un mécanisme raisonnablement efficace de recensement de la population de réfugiés pour parvenir à un chiffre mutuellement acceptable.

33. Il se trouve actuellement en Ethiopie plus de 70 000 réfugiés soudanais répartis dans trois camps de la région occidentale du pays. Leur situation est presque analogue à celle des réfugiés somaliens, mais le gouvernement continue de partager avec eux les maigres ressources dont il dispose. Il leur a fourni des terres où ils peuvent exercer des activités agricoles leur donnant un certain degré d'autonomie alimentaire. Cependant, du fait de leur présence, le déboisement et la dégradation de l'environnement sont énormes et l'Ethiopie a besoin d'une assistance pour redresser ce déséquilibre.

34. La politique du Gouvernement éthiopien et le bilan de son action à l'égard des réfugiés sont clairs. Il continue de mener une politique de porte ouverte et d'accorder asile et protection à toutes les victimes authentiques de persécutions qui viennent chercher refuge sur son territoire. Cela étant, il convient de souligner que les problèmes de réfugiés dans le monde et dans la corne de l'Afrique en particulier ne peuvent être résolus durablement que si l'on s'y attaque dans une perspective régionale. C'est pourquoi le Gouvernement éthiopien est fermement attaché au renforcement et à la revitalisation d'organes régionaux tels que l'Autorité intergouvernementale de lutte contre la sécheresse et pour le développement (IGADD) dont il estime qu'ils sont à même de résoudre les problèmes économiques, sociaux et politiques de la région. Il salue les efforts faits par les pays membres de l'IGADD et de l'OUA pour endiguer les conflits politiques qui menacent de déstabiliser la corne de l'Afrique. La communauté internationale et les organes compétents des Nations Unies ont le devoir de renforcer les moyens dont disposent ces institutions régionales pour gérer efficacement le règlement des conflits, les prévenir ou au moins en atténuer les effets et élaborer des stratégies pour la recherche de solutions durables à la crise des réfugiés. Le HCR peut faire beaucoup pour promouvoir des actions préventives aux échelons international, régional et sous-régional.

35. Les réfugiés ont un impact considérable sur l'environnement en Ethiopie. La collecte de bois de chauffage et la construction d'abris causent des dommages irréparables à la végétation, renforçant le processus de désertification au voisinage des camps. Les ressources en eau sont surexploitées, ce qui compromet l'avenir des communautés locales. L'Ethiopie espère que le HCR sensibilisera la communauté internationale à cette situation et que les donateurs consentiront un modeste effort pour l'aider à rétablir l'équilibre écologique des régions touchées. L'Ethiopie remercie le HCR, les gouvernements donateurs, les organisations intergouvernementales et non gouvernementales de toute l'aide qu'ils ont fournie jusqu'à présent sur son sol. Elle exprime l'espoir qu'ils renforceront encore cette assistance.

36. M. MOHAMMED (Nigéria) dit que les solutions offertes (rapatriement, intégration et réinstallation dans un pays tiers) au problème des réfugiés ne le règlent pas systématiquement sous tous ses aspects. Ainsi, le Nigéria n'est pas convaincu qu'en Afrique, où l'on compte 5,7 millions de réfugiés sur les 13,2 millions enregistrés à l'échelle mondiale, la solution consistant à en réinstaller quelques milliers soit pleinement satisfaisante. D'où la nécessité d'une approche holistique et proactive de la recherche de solutions durables aux crises de réfugiés.

37. La poursuite et la mise en oeuvre de solutions durables exigent des Etats parties à la Convention de 1951, au Protocole de 1967 et à d'autres instruments, régionaux notamment, comme la Convention de l'OUA sur les réfugiés, qu'ils s'acquittent des obligations qu'ils ont contractées. Le Nigéria est préoccupé par l'interprétation unilatérale des protocoles qui dérogent aux droits des demandeurs d'asile. Les Etats devraient adopter une définition universellement acceptable de la notion du non-refoulement, conforme au droit international.

38. Le Nigéria est conscient des conséquences économiques et sociales entraînées par l'accueil de réfugiés. Malgré la fragilité de leur économie et l'insuffisance des ressources disponibles, de nombreux pays africains accueillent des millions de réfugiés. Ils méritent d'être aidés pour pouvoir faire face à la charge que représentent les réfugiés. Aussi gêné soit-il par des difficultés économiques, le Nigéria continue lui aussi à pratiquer une politique de la porte ouverte en matière d'asile. Lorsque les demandeurs d'asile libériens arrivés par mer devaient accoster au Nigéria, le gouvernement ne s'est pas contenté de les accueillir, mais a ouvert des crédits d'un montant équivalant à un million de dollars pour fournir un abri aux réfugiés et un soutien logistique au HCR. En 1995, le Nigéria a repris ses contributions aux programmes du HCR à hauteur de 50 000 dollars et fera de même en 1996.

39. L'existence de réfugiés et de personnes déplacées est symptomatique d'un profond problème socio-politique. C'est pourquoi toute solution durable doit s'attaquer aux causes fondamentales des crises à l'origine du phénomène. Le Nigéria participe à l'action entreprise sous son impulsion par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) pour mettre un terme à la guerre qui sévit depuis longtemps déjà au Libéria, et dont la cause première est la lutte effrénée pour le pouvoir. C'est dans cet esprit que le chef de l'Etat du Nigéria qui occupe actuellement la présidence de la CEDEAO a accueilli en août 1996 une réunion dont l'objet était de veiller à la mise en oeuvre de l'accord de paix d'Abuja de 1995, qui prévoyait toute une série de mesures avant la tenue d'élections libres et régulières. Il est temps maintenant que l'ONU et la communauté internationale prêtent l'assistance politique et matérielle voulue pour que le cessez-le-feu et l'accord puissent être respectés sans retard et que le Libéria et la sous-région connaissent enfin la paix. L'instauration de la paix au Libéria permettra aux réfugiés et aux personnes déplacées de regagner leur pays.

40. Il est capital de prévenir les conflits en en déterminant les causes possibles, tout spécialement en Afrique. Le Nigéria se félicite à ce propos du mémorandum d'accord conclu récemment dans la région de l'Afrique australe. Il faudrait envisager le même genre de stratégie dans d'autres sous-régions en vue de prévenir les conflits et de permettre aux organisations régionales africaines de mieux faire face aux problèmes de réfugiés.

41. Non content de sa réputation d'efficacité, le HCR a adopté une série de mesures administratives visant à l'accroître encore et à réduire les coûts (projet Delphi). Afin d'assurer le succès de ce projet, il lui faudrait examiner un certain nombre de questions qui tôt ou tard pourraient se présenter. Premièrement, existe-t-il des mécanismes de coordination des activités en Afrique, celle-ci étant composée d'un certain nombre de sous-régions ? Deuxièmement, la direction des opérations passant du Siège au terrain, quelles mesures ont été prises pour protéger le personnel, en particulier le personnel recruté sur place ? Il convient également de chercher à assurer une représentation équitable du personnel africain au Siège. Et troisièmement, il faudrait créer une instance où les membres du Comité exécutif pourraient être informés périodiquement des progrès réalisés dans la restructuration. Enfin, le Nigéria se déclare préoccupé par le faible taux de représentation des femmes aux postes de direction du HCR. Il est convaincu que Mme Ogata ne manquera pas de s'intéresser à la question.

42. M. ZOUKHOUROV (Observateur du Tadjikistan) dit que la mise en oeuvre du Programme d'action adopté à l'issue de la Conférence régionale pour l'examen des problèmes relatifs aux réfugiés, aux personnes déplacées ou contraintes à d'autres formes de déplacement et aux rapatriés dans les pays de la Communauté d'Etats indépendants et dans certains Etats voisins est devenue l'une des questions prioritaires de la politique extérieure du Gouvernement tadjik. Pour élaborer des projets concrets à cette fin, un séminaire régional sur les processus migratoires réunissant des représentants des Républiques d'Asie centrale et des organisations internationales a été organisé dans la ville de Bichkek. Avec l'aide des organisations internationales, le rapatriement des réfugiés et le retour chez elles des personnes déplacées à l'intérieur de la République du Tadjikistan se poursuivent. Grâce à cette aide, il a été possible non seulement d'organiser le retour rapide dans leur foyer de la plupart des réfugiés et personnes déplacées, mais aussi de stabiliser considérablement la situation politique dans le pays. Ce retour crée cependant de nouvelles difficultés, touchant à leur réinstallation et à leur réinsertion dans la vie politique et sociale. Par ailleurs, tous ne sont pas encore revenus. Il reste encore plus de 180 000 Tadjiks dans les pays de la CEI, près de 15 000 réfugiés ne sont pas encore rentrés d'Afghanistan et plus de 5 000 séjournent provisoirement dans la région autonome du Haut-Badakhchan. Dans le groupe de districts de Garm, dans la partie orientale du Tadjikistan, le programme de réadaptation sociale des réfugiés et personnes déplacées n'a pratiquement pas commencé. Le Tadjikistan sait qu'il ne doit compter que sur ses propres forces pour résoudre tous ces problèmes.

43. Néanmoins, malgré toutes les mesures prises pour sortir de la crise et assainir la situation économique, la République se trouve dans de telles difficultés qu'elle ne peut se passer de l'aide de la communauté internationale. A son avis, il conviendrait avant tout d'accélérer le rapatriement des réfugiés se trouvant en Russie et dans d'autres pays de la CEI. Le premier problème qui se pose est celui de leur transport par les voies ferroviaire et aérienne. Ensuite, il faudra reconstruire au plus vite les 20 000 habitations détruites dans la circonscription de Khalton du groupe de districts de Garm, qui a le plus souffert de la guerre civile. Enfin, il est indispensable de fournir aux réfugiés et personnes déplacées des produits de première nécessité, des médicaments et des vêtements.

44. Souscrivant à l'idée de lancer dans le cadre de l'ONU un appel interorganisations pour une aide d'urgence au Tadjikistan en 1996, la délégation tadjik s'appuie sur la déclaration commune de la délégation tadjik et de l'opposition tadjik publiée à l'issue des quatrième et cinquième séries de pourparlers intertadjiks pour demander instamment au Département des affaires humanitaires de l'ONU, au HCR, à la CSCE, à l'OMI et aux représentants des pays donateurs d'apporter une aide financière et matérielle complémentaire en vue de résoudre les problèmes que posent les réfugiés et les personnes déplacées à l'intérieur du pays. Le Tadjikistan a un besoin pressant d'aide, en particulier de la part du HCR, qui est seul en mesure de lui fournir un concours réel et efficace. Il faut ajouter que le nombre de réfugiés tadjiks qu'il reste à rapatrier a augmenté considérablement. A l'issue de la première série de pourparlers intertadjiks, une commission mixte avait été créée sous la présidence des chefs de mission du HCR au Tadjikistan et en Russie, qui devait se charger des questions de rapatriement des réfugiés se trouvant actuellement dans les pays de la CEI. Malheureusement, à cause de la reprise des hostilités dans la région du Pamir, le nombre des personnes déplacées à l'intérieur du pays s'est multiplié. Plus de 20 000 personnes déplacées originaires du groupe de districts de Garm ont été enregistrées dans les trois derniers mois. Des dizaines de milliers de personnes souffrent de nouveau; dans la ville de Douchanbé, à Kofarnihon et dans d'autres districts sont réapparues des masses de personnes déplacées qui doivent à nouveau s'installer dans des bâtiments publics ou des dortoirs d'établissement scolaire.

45. Les dirigeants de la République du Tadjikistan ont pris des mesures pour régler le conflit militaire et ont signé un protocole de cessez-le-feu avec les commandants locaux qui opèrent dans le groupe de districts de Garm. Une rencontre entre le Président de la République E. Rakhmonov et le chef de l'opposition tadjik unie, Abdoullo Nouri est en préparation. Il faut bien constater cependant que le HCR a considérablement réduit l'ampleur de ses activités au Tadjikistan, rappelant et dans certains cas, réduisant son personnel hors siège dans les régions les plus difficiles, ce qui émousse dans une certaine mesure les succès qu'il a remportés dans le pays. C'est ainsi par exemple que la commission mixte créée à Termez et Khaïraton pour la mise en oeuvre de l'accord de rapatriement des réfugiés tadjiks d'Afghanistan conclu entre le Gouvernement afghan, le Gouvernement tadjik, le Gouvernement ouzbek et le HCR est réduite à l'inaction. Il en résulte que le processus de retour des réfugiés d'Afghanistan est pratiquement au point mort. Cette évolution revêt à l'heure actuelle une grande importance eu égard aux événements récents d'Afghanistan. Les Tadjiks réfugiés sur le territoire afghan n'ont pas la possibilité de retourner chez eux. Il se trouve d'autre part au Tadjikistan de nombreux Afghans qui sont eux-mêmes des réfugiés. Pour couronner le tout, le Tadjikistan devient souvent un pays de transit pour les Afghans qui vont chercher refuge dans d'autres Etats.

46. Malheureusement, ni la politique de financement pratiquée par le HCR et les organisations non gouvernementales internationales (par exemple la fondation Save the Children des Etats-Unis), ni les programmes de livraison de matériaux de construction lancés par l'ONU pour reconstruire les maisons détruites et développer les petites entreprises ne se sont révélés très efficaces. C'est pourquoi le Gouvernement tadjik demande de nouveau une reprise de l'examen de la question du rétablissement du mandat du HCR dans ses dispositions originelles.

47. M. ANWAR HASHIM (Bangladesh) dit qu'ainsi qu'il est souligné dans la documentation sur le thème annuel, les deux aspects du mandat du Haut Commissaire, à savoir la protection internationale et les solutions permanentes, sont clairement imbriqués. L'objectif ultime de la protection internationale est en effet l'élaboration de solutions durables.

48. Le rapatriement librement consenti est la solution qui fait le plus d'adeptes. Pour être durable, il doit être lié à la réinsertion, laquelle exige la création de conditions propres à assurer un retour dans des conditions de sécurité. La stratégie préventive peut être également un élément fondamental dans la recherche de solutions durables. On a aujourd'hui davantage conscience du lien qui existe entre, d'une part, la promotion de la bonne gestion, la primauté du droit et un développement durable et, d'autre part, la prévention des mouvements de réfugiés et des déplacements de population. C'est pourquoi l'on reconnaît la nécessité de renforcer les capacités juridiques, judiciaires et administratives nationales. Les conflits ethniques et la violence qui ont entraîné récemment des déplacements massifs de population soulignent également combien il importe de rétablir la paix et des conditions de sécurité dans le cadre de solutions durables.

49. Il est par ailleurs nécessaire que, parallèlement à la mise en commun de leurs compétences par les organisations à vocation humanitaire et de développement, les gouvernements coopèrent davantage pour soutenir les activités de relèvement, de réinsertion et de reconstruction, piliers d'une remise en état durable des régions intéressées. On s'accorde à reconnaître qu'en l'absence d'une action préventive efficace, les problèmes des déplacements humains continueront à s'étendre. Des solutions durables aux situations d'urgence complexes à l'origine de flux de réfugiés requièrent des efforts sur plusieurs plans - prévention, protection et solutions - tant de la part des pays d'origine que de la part des pays d'asile.

50. La récente initiative concernant les problèmes de réfugiés, de personnes déplacées, d'autres formes de déplacements involontaires et de rapatriés dans les pays de la CEI a débouché sur l'adoption, en mai 1996, d'un programme d'action portant sur les répercussions des déplacements passés, actuels et futurs. Il importe toutefois également de ne pas perdre de vue que les particularités régionales requièrent peut-être des stratégies, dans une certaine mesure, propres à chaque région. La Conférence sur la CEI et le processus préalable présentent plusieurs aspects intéressants eu égard au thème annuel sélectionné.

51. Premièrement, la Conférence a permis aux divers acteurs de mettre leurs ressources en commun, créant ainsi un précédent au stade de la planification collective destinée à faire face à des problèmes humanitaires de grande ampleur. Deuxièmement, des efforts ont été faits pour cerner les différentes catégories de personnes touchées et, le cas échéant, mettre au point des définitions de travail de concepts nouveaux tels que : personnes se trouvant dans des situations analogues à celle des réfugiés, rapatriés, personnes poussées par des raisons indépendantes de leur volonté à se réinstaller, personnes anciennement expulsées et « migrants écologiques », auxquels le régime de protection devra s'étendre tôt ou tard. Troisièmement, la Conférence a pour des raisons évidentes qualifié la question des réfugiés de problème, mais il convient peut-être de garder à l'esprit les propos tenus par le Directeur général de l'OIM sur la question des migrations volontaires, selon lesquels nombre des mouvements survenus spontanément à l'intérieur de la CEI loin de perturber le développement social et économique des régions d'accueil, y ont contribué.

52. Le Bangladesh se félicite de la participation du HCR aux travaux du Comité permanent interorganisations, et invite instamment le HCR à examiner en priorité au sein du Comité les moyens d'améliorer le fonctionnement de ce dernier, ainsi qu'à analyser différents modèles de coordination pour faire face de manière cohérente aux situations d'urgence complexes.

53. Il ne faut pas perdre de vue le principe fondamental du non-refoulement dans le contexte de la protection internationale, ni la nécessité de renforcer la solidarité et le partage des charges à l'échelon international. Il est vrai que les réfugiés proviennent généralement de pays en développement, mais il est également vrai que les pays qui accordent l'asile à un nombre important de réfugiés sont aussi des pays en développement. En 1971, durant la guerre de libération du Bangladesh, l'Inde a offert l'asile à pas moins de 10 millions de réfugiés bengalis. Le Bangladesh a pour sa part accueilli deux vagues de réfugiés du Myanmar en l'espace d'une douzaine d'années. Ces quelques faits démontrent que les pays respectent dans une large mesure le principe du non-refoulement lorsqu'ils doivent faire face à des afflux de réfugiés, qu'ils aient ou non adhéré aux instruments relatifs aux réfugiés.

54. Peut-être est-il nécessaire d'évaluer et, partant, de quantifier l'impact économique et social de la présence de réfugiés sur les pays d'asile, en particulier les pays en développement qui accueillent aujourd'hui la majeure partie des réfugiés. Cette contribution invisible des pays d'asile doit être placée sur le même plan que les contributions volontaires au titre des budgets de programmes. C'est pourquoi le Bangladesh souhaite que le Comité permanent examine cette question en 1997 et espère que les participants à la présente session du Comité exécutif seront en mesure de prendre une décision dans ce sens.

55. M. KAMANDA WA KAMANDA (Zaïre) se réjouit de savoir que le thème à débattre au cours de cette quarante-septième session du Comité exécutif est la recherche et la mise en oeuvre de solutions durables. En effet, la situation dans la région des Grands Lacs et l'est du Zaïre est très préoccupante. A la quarante-sixième session du Comité exécutif, le Zaïre avait attiré l'attention sur la précarité de la situation au Burundi mais, faute d'avoir été réglés de toute urgence, les problèmes ont pris aujourd'hui les proportions que l'on connaît. Il faut espérer qu'il n'en sera pas de même de la situation qui prévaut aujourd'hui le long de la frontière entre le Zaïre, le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda. On observe en effet dans ces régions des préparatifs intenses en vue d'affrontements imminents pour les jours et les semaines qui viennent. Il s'agit d'opérations militaires des Tutsis des Grands Lacs en vue de réaliser leur rêve d'instaurer l'empire Hima dans la région en soumettant militairement, politiquement et socialement les populations qui vivent dans ces régions.

56. Lorsqu'en mai 1963 les pays d'Afrique ont inscrit dans la Charte de l'Organisation de l'unité africaine le principe de l'intangibilité des frontières héritées de la colonisation, ils se sont fixé au même moment comme objectif l'unité de l'Afrique et le développement solidaire. Nul n'a le droit de répercuter sur ses voisins ou d'autres ses difficultés, réelles ou feintes, ni son éventuelle incapacité de gérer son espace vital. Les Etats peuvent néanmoins solliciter le concours des autres pays et le Zaïre est toujours disposé à contribuer à la recherche de solutions qui ramènent la paix, la concorde et la stabilité en Afrique en général, et dans la région des Grands Lacs en particulier.

57. En juillet 1994, près de 2,5 millions de réfugiés sont entrés dans les régions du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Curieusement, c'est contre le Zaïre qu'ont afflué les accusations, notamment à propos de prétendus entraînements des ex-Forces armées rwandaises (FAR), de trafic d'armes dans la région et de soutien à certains groupes armés au Burundi.

58. Dans sa déclaration liminaire concernant la situation dans la région des Grands Lacs, le Haut Commissaire a indiqué à juste titre que les appels lancés par le PNUD et le HCR pour remédier aux dommages causés à l'environnement et aux populations de l'est du Zaïre n'avaient quasiment suscité aucune réaction; qu'il ne suffisait pas d'établir la paix militaire dans des sociétés déchirées par des guerres civiles; que l'instauration de la paix civile requérait un consensus minimal sur la structuration future de la société; que le lien entre les problèmes de réfugiés et la paix et la sécurité n'était peut-être nulle part aussi évident que dans la région des Grands Lacs; que le HCR n'avait jamais vu ses préoccupations humanitaires s'enliser dans un tel bourbier d'intérêts politiques et de sécurité; que son assistance humanitaire desservait également les militants qui avaient intérêt à maintenir le statu quo; et que l'établissement de la paix appelait des solutions justes et humanitaires pour ceux qui avaient été délibérément chassés en vue de l'établissement d'une hégémonie ethnique ou de la prise de contrôle d'un territoire.

59. C'est parce que ces vérités ont été à dessein occultées et que les positions - maintes fois exprimées - du Zaïre n'ont pas semblé émouvoir des hommes, des pays et des organismes qui ont sans doute des raisons de préférer la désinformation à l'information objective, qu'aucune solution n'a été trouvée à ce jour; que les victimes de l'exode massif des réfugiés rwandais et burundais sont devenues aujourd'hui des accusés; et que le Conseil de sécurité a adopté trois résolutions accablant plutôt le Zaïre que le Rwanda ou le Burundi, où se trouvent précisément les machines de production cyclique de réfugiés. Ainsi, si l'embargo sur la fourniture d'armes au Rwanda est désormais levé, on envisage en revanche d'envoyer au Zaïre, qui a offert son hospitalité aux réfugiés, une commission internationale d'enquête sur des allégations d'entraînement des ex-FAR et de trafic d'armes ainsi qu'une mission d'observateurs aux frontières avec les pays voisins - pays qui, eux, n'ont voulu ni de la commission internationale d'enquête ni du déploiement d'observateurs.

60. D'un autre côté, le refus justifié, et catégorique, opposé par la République du Zaïre au projet de création d'un « Hutuland » sur son territoire, bien que notifié aux plus hautes instances de l'ONU, du HCR et de l'OUA, n'a pas empêché certains de ses partenaires bilatéraux et multilatéraux de continuer de soutenir subrepticement ce plan. Il est déplorable que le Conseil de sécurité prenne des décisions avant même d'avoir vérifié les faits ou les informations au seul motif qu'ils proviennent du Rwanda, et cette sorte de vigilance à sens unique commence à lasser dans les pays d'accueil. En attendant, un autre plan de déstabilisation des régions du Nord-Kivu et du Sud-Kivu se précise depuis le mois d'août dernier aux frontières du Zaïre avec le Rwanda, le Burundi et l'Ouganda - plan qui s'apparente à un vaste complot eu égard aux nombreuses complicités décelées dans le comportement équivoque de certains agents opérant pour le compte d'ONG et d'organismes humanitaires. En effet, et le Comité exécutif ne l'ignore pas, des agressions sont perpétrées régulièrement depuis le 31 août par des éléments armés dits « Banyamulenge » contre le territoire zaïrois à partir des pays voisins, et la ville zaïroise de Bukavu a essuyé en septembre dernier des attaques lancées par l'Armée patriotique rwandaise (APR) depuis le Rwanda. Le Gouvernement zaïrois espère que tout sera mis en oeuvre pour que de tels agissements soient bannis.

61. Dénonçant certains comportements contraires aux objectifs de la protection internationale des réfugiés, le représentant du Zaïre fait état du laxisme et des complicités internationales qui font la part belle à un Rwanda qui s'est toujours dérobé à l'exécution de bonne foi des obligations qu'il a contractées, tout en continuant de faire supporter au Zaïre le poids de réfugiés à qui il a donné l'hospitalité. On se trouve d'autre part en présence d'un danger réel de manipulation des principes humanitaires à des fins politiques. C'est ainsi que l'application du principe du rapatriement librement consenti, qui suppose que les conditions de sécurité et de dignité soient réunies pour le retour des réfugiés dans leur pays d'origine, peut être détournée par les Etats qui, hostiles au retour des réfugiés, ne créeront jamais les conditions propices au rapatriement. On en arrive ainsi à affirmer de plus en plus sa volonté d'installer de façon permanente les réfugiés hors des frontières du pays d'origine et à transformer les réfugiés en expulsés pour des raisons ethniques ou politiques, sans que l'Organisation des Nations Unies, soumise à l'intimidation d'intérêts puissants qui tentent de s'en servir pour leur expansion dans le monde, ne réagisse.

62. Quant au regroupement des camps et à leur déplacement, c'est là un principe qui devrait être apprécié en fonction des réalités sur le terrain. C'est ainsi qu'il est aberrant de proposer de déplacer des camps hutus du Sud-Kivu vers les hauts plateaux, où les réfugiés risquent de se trouver aux prises avec des Banyamulenge d'origine tutsi.

63. Par ailleurs, le représentant du Zaïre dénonce les ambiguïtés de l'application de principes humanitaires à la situation des réfugiés dans la région des Grands Lacs, où le problème est fondamentalement politique. En effet, il s'agit dans cette région d'un groupe d'hommes et de femmes appartenant à l'ethnie hutu chassés de leur pays par des éléments d'un autre groupe ethnique, les Tutsis, qui se sont emparés du pouvoir et s'opposent à tout retour des réfugiés au Rwanda. Comment le HCR, l'ONU et la communauté internationale entendent-ils faire face efficacement à ce problème grave de manière à ne pas en arriver à cautionner une épuration ethnique ? Aussi longtemps que les aspects politiques de ce problème seront occultés, les instances internationales ne trouveront pas de solution appropriée durable à l'épineuse question des réfugiés rwandais. Toutes les mesures engagées depuis longtemps (fermeture progressive ou regroupement des camps, augmentation des effectifs du contingent zaïrois pour assurer la sécurité dans les camps, neutralisation des intimidateurs et des ex-Forces armées rwandaises, déploiement d'observateurs ou campagnes d'information) n'auront d'impact positif sur le rapatriement que si une attention soutenue est accordée à la recherche de solutions politiques. C'est pourquoi la dérive totalitaire d'un régime soutenu par une armée mono-ethnique, la pratique de l'intimidation sous la forme d'un climat d'insécurité entretenu et de violations généralisées des droits de l'homme en vue de fixer définitivement les réfugiés dans les pays d'accueil, la confiscation des biens et l'occupation illégale des propriétés des réfugiés et des personnes en exil pour justifier les difficultés du retour constituent autant de débordements qui devraient préoccuper la communauté internationale au moment où elle s'engage résolument sur la voie de la recherche et de la mise en oeuvre de solutions durables.

64. Il faut dès lors repenser les propositions de solutions et les mesures à mettre en oeuvre au regard du diagnostic établi par le Haut Commissaire dans sa déclaration liminaire. Il faut en outre avoir le courage d'aborder le problème autrement, sans la mollesse, la timidité et le laxisme des approches tentées à ce jour par la communauté internationale. Pour le Zaïre, toute solution durable du problème des réfugiés rwandais doit absolument intégrer le châtiment des auteurs de crimes contre l'humanité et des responsables d'assassinats; la libération des personnes emprisonnées sans inculpation; et la cessation des arrestations arbitraires, de la confiscation des biens, de l'occupation illégale des propriétés des personnes se trouvant en exil et de la campagne menée par les médias et d'autres milieux officiels qui propagent la haine ethnique, l'esprit de vengeance et l'incrimination judiciaire sur une base ethnique. Ces mesures propres à instaurer la confiance ne seront réellement opérationnelles qu'à travers des institutions démocratiques garanties par des élections libres. Il faudra aussi commencer à associer les réfugiés eux-mêmes à la recherche de solutions à leurs problèmes et au choix de leur destin. Il faudra, surtout, agir puissamment sur soi pour voir les choses autrement, de manière à créer les conditions propices à des solutions durables. Les solutions préconisées pour le problème des réfugiés rwandais sont applicables, mutatis mutandis, au problème des réfugiés burundais, de plus en plus nombreux au Zaïre et dont le Gouvernement zaïrois a saisi la communauté internationale dès le mois de mai dernier.

65. En outre, il faudrait se prémunir contre l'utilisation de certaines ONG et organisations humanitaires comme relais des intérêts de certaines puissances. En effet, l'expérience des autorités zaïroises sur le terrain - dans la région des Grands Lacs - a démontré que, sans un encadrement et une sélection minutieuse, en consultation avec le gouvernement des pays d'accueil, des ONG et organisations humanitaires, partenaires opérationnels du HCR, peuvent servir de relais à des intérêts sur lesquels ni le HCR, ni le système des Nations Unies, ni les pays d'accueil n'ont une prise réelle et qui nuisent aux intérêts des pays d'accueil. C'est ainsi qu'au moment où le HCR a entrepris de fermer progressivement les camps des régions du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, conformément aux accords de rapatriement, des ONG et organisations partenaires du HCR se sont introduites dans les camps pour mener des campagnes contraires aux objectifs poursuivis, en incitant notamment les réfugiés à ne pas accepter de rentrer chez eux et à refuser de se prêter au recensement entamé par le HCR. Il importe donc que, dans le cadre de l'examen de la question du renforcement de la capacité des ONG locales, des garanties suffisantes soient étudiées pour protéger les intérêts des pays d'accueil.

66. Enfin, M. Kamanda wa Kamanda tient à faire part de la grande frustration des populations de son pays, victimes des effets néfastes de la présence massive, inédite et prolongée de réfugiés sur leur territoire. C'est pourquoi son pays réitère l'appel qu'il a lancé en vue de l'organisation rapide d'une table ronde des bailleurs de fonds du Zaïre, et en appelle à cet effet à une initiative personnelle du Haut Commissaire. Le Gouvernement zaïrois continuera à entretenir des relations de coopération internationale efficaces en veillant désormais à ce que les programmes humanitaires lancés avec son accord ne portent plus atteinte, directement ou indirectement, à ses intérêts vitaux.

La séance est levée à 13 h 5.