CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TREIZIEME SEANCE
CONFERENCE DE PLENIPOTENTIAIRES SUR LE STATUT DES REFUGIES ET DES APATRIDES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA TREIZIEME SEANCE
A/CONF.2/SR.13
Présents : | ||
Président : M. LARSEN | ||
Membres : | ||
Australie | M. SHAW | |
Autriche | M. FRITZER | |
Belgique | M. HERMENT | |
Brésil | M. de OLIVEIRA | |
Canada | M. CHANCE | |
Colombie | M. GIRALDO-JARAMILLO | |
Danemark | M. HOEG | |
Egypte | MUSTAPHA Be | |
Etats-Unis d'Amérique | M. WARREN | |
France | M. ROCHEFORT M. COLEMAR | |
Grèce | M. PHILON | |
Irak | M. AL PACHACHI | |
Israël | M. ROBINSON | |
Italie | M. THEODOLI | |
Luxembourg | M. STURM | |
Monaco | M. SOLAMITO | |
Norvège | M. ANKER | |
Pays-Bas | M. van BOETZELAER | |
République fédérale allemande | M. von TRÜTZSCHLER | |
Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord | M. HOARE | |
Suède | M. PETREN | |
Suisse (et Liechtenstein) | M. ZUTTER | |
Turquie | M. MIRAS | |
Venezuela | M. MONTOYA | |
Yougoslavie | M. MAKIEDO | |
Observateur : | ||
Iran | M. KAFAI | |
Haut-Commissaire pour les Réfugiés | M. van HEUVEN GOEDHART | |
Représentants d'institutions spécialisées et d'autres organisations intergouvernementales | ||
Organisation internationale du Travail | M. WOLF | |
Organisation internationale pour les réfugiés | M. SCHNITZER | |
Conseil de l'Europe | M. von SCHMIEDEN | |
Représentants d'organisations non-gouvernementales | ||
Catégorie A | ||
Confédération internationale des syndicats chrétiens | M. EGGERMANN | |
Catégorie B et Registre | ||
Caritas Internationalis | M. l'abbé HAAS | |
M. BRAUN | ||
M. METTERNICH | ||
Comité consultatif mondial de la Société des Amis | M. BELL | |
Comité de coordination d'organisations juives | M. WARBURG | |
Commission des Eglises pour les affaires internationales | M. REES | |
Conférence permanente des agences bénévoles | M. REES | |
Congrès juif mondial | M. RIEGNER | |
Conseil consultatif d'organisations juives | M. MEYROWITZ | |
Conseil international des femmes | Mme FIECHTER | |
Fédération internationale des amies de la jeune fille | Mme FIECHTER | |
Ligue internationale des droits de l'homme | M. de MADAY | |
Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté | Mme BAER | |
Union catholique internationale de service social | Mlle de ROMER | |
Union internationale des ligues féminines catholiques | Mlle de ROMER | |
Secrétariat | ||
M. Humphrey | Secrétariat | |
Mlle Kitchen | Secrétaire exécutif |
EXAMEN DU PROJET DE CONVENTION RELATIVE AU STATUT DES REFUGIES (point 5 a) de l'ordre du jour) (A/CONF.2/1 et Corr.1, A/CONF.2/5) (suite de la discussion)
i) Article 25 - Transfert des avoirs (A/CONF.2/54)
M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie), présentant l'amendement colombien à l'article 25 (A/CONF.2/54), précise qu'en ce qui concerne le paragraphe 1, la délégation colombienne s'est efforcée de trouver une solution claire et simple pour le problème complexe que pose le transfert des avoirs.
Quant au paragraphe 2, la délégation colombienne en propose la suppression. Elle s'est inspirée, à cet égard, des déclarations faites par de nombreux orateurs et, notamment, par le représentant des Pays-Bas qui a souligné l'inutilité des voeux, certes bienveillants, mais ne comportant aucun caractère obligatoire, exprimés à divers endroits dans le texte de la convention.
M. HERMENT (Belgique) constate que le but de l'article 25 est de lever pour les réfugiés les restrictions imposées dans les pays d'accueil en matière de transfert des avoirs. L'amendement de la Colombie, toutefois, a pour objet de rendre applicables aux réfugiés les dispositions prévues pour les étrangers, et, par conséquent, de soumettre le réfugié aux restrictions que comportent ces dispositions.
M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) fait observer que, de façon générale, les lois et règlements en vigueur dans les divers pays permettent aux étrangers de transférer leurs avoirs plus librement que les nationaux. L'interprétation du représentant de la Belgique est exacte, mais il n'en reste pas moins que, si l'amendement de la Colombie semble plus restrictif dans son principe, il est davantage susceptible d'une application pratique, étant donné les nombreuses difficultés que soulève généralement le transfert de fonds. M. HERMENT (Belgique) estime que la Conférence doit d'abord se prononcer sur une question de fond, celle de savoir si les réfugiés jouiront d'un régime de faveur, ou du régime imposé de façon générale aux étrangers.
M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) rappelle que, lorsque la Conférence s'est prononcée sur les droits visés au chapitre III de la Convention (Exercice des professions), elle a étudié la question du traitement à accorder aux réfugiés, par rapport au traitement dont jouissent les étrangers. Elle a décidé d'accorder aux réfugiés le traitement qui est celui des étrangers en général. C'est également dans cet esprit qu'a été conçu l'amendement de la Colombie.
M. ZUTTER (Suisse) appuie le point de vue du représentant de la Belgique. Il estime indispensable de maintenir le texte original de l'article 25 et de ne pas restreindre la portée des droits qui y sont accordés.
M. HOARE (Royaume-Uni) partage aussi les vues du représentant de la Belgique. L'article 25 a été conçu en termes impératifs dans l'intérêt des réfugiés ; toutefois, le paragraphe 1 contient une condition importante et nécessaire : « conformément aux lois et règlements des pays contractants ». Il est ainsi tenu compte de toute mesure qu'un Etat pourrait appliquer en matière de contrôle des devises. En revanche, s'il est formellement prescrit que les réfugiés doivent bénéficier à cet égard du même traitement que les étrangers en général, la liberté d'action des Etats contractants pour accorder un traitement plus favorable aux réfugiés semblerait être restreinte.
De l'avis du Gouvernement du Royaume-Uni, la rédaction actuelle du paragraphe 1 est entièrement satisfaisante.
M. CHANCE (Canada) rappelle que l'article 25 a tout d'abord été rédigé spécialement à l'intention des pays de premier asile ou de résidence secondaire. Le paragraphe 1 a pour objet de veiller à ce qu'un réfugié arrivant dans un pays avec l'intention et la possibilité de s'établir ensuite ailleurs ne soit pas privé des avoirs matériels qu'il a été en mesure d'apporter avec lui, étant donné que ces avoirs pourraient notablement faciliter sa réinstallation outre-mer. Le Gouvernement canadien, qui représente un pays d'installation définitive pour les réfugiés, s'oppose à tout ce qui pourrait restreindre la portée du paragraphe 1.
Le PRESIDENT, prenant la parole en qualité de représentant du Danemark, rappelle que l'article 25 a été proposé par un pays européen, donc par un pays de premier asile ; les membres du Comité spécial ont reconnu qu'il était de leur devoir d'aider les réfugiés à se réinstaller d'une manière permanente.
En outre, il tient à faire observer qu'en général les restrictions monétaires font une distinction non entre étrangers et nationaux, mais entre résidents et non-résidents. L'amendement de la Colombie (A/CONF.2/54) pourrait ouvrir la voie à des difficultés. Pour cette raison, la délégation danoise ne pourra l'appuyer.
M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) constate que le principe énoncé dans son amendement n'a pas trouvé d'écho au sein de la conférence. Il tient à souligner que son souci n'était pas de sauvegarder les intérêts de la Colombie, où la législation en matière de transfert des avoirs est assez libérale, mais pour répondre aux besoins généraux des réfugiés. Comme la Conférence semble estimer que ces besoins trouveront plus certainement satisfaction si l'on maintient le texte original de l'article 25, la délégation colombienne n'insistera pas en faveur de son amendement.
M. van HEUVEN GOEDHART (Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés) appelle l'attention de la Conférence sur une divergence entre le texte anglais et le texte français du paragraphe 1, à laquelle il a été fait allusion dans la concordance préparée par le Secrétariat (A/CONF.2/5, page 6). Alors que le texte français dit : « transférer les avoirs qu'ils ont fait entrer sur leur territoire », le texte anglais a la teneur suivante : assets which he has brought with him. La rédaction française est plus large que l'anglaise, qui fait expressément mention du moment où le réfugié est entré dans le pays d'asile. Il espère que la Conférence décidera de rendre le texte anglais conforme au texte français. Le meilleur moyen d'assurer cette concordance serait de supprimer les mots with him dans le texte anglais du paragraphe 1.
Le PRESIDENT déclare que le Comité spécial avait voulu permettre aux réfugiés d'emporter hors du pays d'asile leur argent et leurs avoirs. Il ne serait pas équitable de restreindre la portée de ce texte aux seuls biens qu'un réfugié pourrait avoir sur lui. En revanche, il se peut qu'une personne qui a transféré peu à peu des avoirs considérables dans un pays étranger se réfugié ultérieurement dans ce pays, puis désire émigrer ailleurs. Il est inévitable que ces avoirs tombent sous le coup des règlements du pays d'asile en matière de contrôle des devises. Enfin, il y a lieu de garder présent à l'esprit le fait que, durant sa résidence dans le pays d'asile, un réfugié peut y gagner de l'argent. Devra-t-il être autorisé ou non à transférer ses gains ? Il y a lieu d'examiner ces trois éventualités. Selon l'interprétation du Président, le paragraphe 1 de l'article 25 a trait aux avoirs que le réfugié a amenés dans le pays d'asile en tant que réfugié. Tout autre bien que le réfugié pourrait y posséder est visé par les dispositions du paragraphe 2 dudit article.
Passant à l'amendement que le Haut-Commissaire propose d'apporter au texte anglais du paragraphe 1, le Président suggère de remplacer les mots « with him », par les mots as a refugee, ce texte ayant ainsi la teneur suivante : to transfer assets which he has brought as a refugee into its territory (de transférer les avoirs qu'ils ont fait entrer sur leur territoire en tant que réfugiés).
MUSTAPHA Bey (Egypte) souligne que l'interprétation que le Président vient de donner du paragraphe 1, interprétation restrictive en ce qui concerne le droit des réfugiés de transférer les avoirs qu'ils auraient acquis pendant leur séjour sur le territoire du pays d'accueil, soulève un problème : l'on peut se demander, en effet, s'il ne vaudrait pas mieux s'en tenir dans ce domaine aux droits généralement accordés aux étrangers. En Egypte, par exemple, les étrangers ont le droit de transférer de tels avoirs. Si ce droit était refusé aux réfugiés, ceux-ci jouiraient donc d'un traitement moins favorable que les étrangers en général, ce qui semble contraire aux intentions qui animent en général les membres de la Conférence. A ce propos, Mustapha Bey estime nécessaire de trancher une fois pour toutes la question de savoir si les réfugiés doivent être assimilés aux étrangers, ou s'ils doivent jouir d'un traitement moins favorable, ou, au contraire, plus favorable que celui qui est accordé aux étrangers en général.
Le PRESIDENT, prenant la parole en qualité de représentant du Danemark, relève que l'attitude des divers pays à l'égard de l'exportation de fonds par des résidents nationaux ou étrangers, est inévitablement subordonnée à leur situation monétaire et que des Etats qui souffrent, par exemple, d'une pénurie de dollars ne sauraient permettre l'exportation de cette devise. Ainsi, un réfugié qui possède des biens au Danemark ne pourrait, en émigrant, changer en dollars la somme de monnaie danoise que lui a procurée la vente de ses biens ; toutefois, le gouvernement danois estime qu'il ne serait pas équitable de priver un réfugié des dollars qu'il a amenés au Danemark et qu'il désire emporter lors de son émigration, même si, entre temps, il avait vendu ces dollars conformément aux règlements monétaires danois. C'est en fait ce qu'a voulu le Comité spécial et c'est pour cette raison, en prévision de cas de ce genre, que le paragraphe 2 a été ajouté à l'article 25.
M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) juge fort importante la question de fond soulevée par le représentant de l'Egypte. M. Giraldo-Jaramillo se félicite d'avoir présenté un amendement qui a donné lieu à un échange de vues aussi constructif. Le but de l'amendement colombien est d'accorder aux réfugiés les droits dont les étrangers en général jouissent en matière de transfert des avoirs ; cet amendement n'a pas recueilli l'approbation générale puisqu'on estimait que les réfugiés devaient jouir d'un traitement plus favorable que celui des étrangers. Or, dans l'interprétation restrictive et d'ailleurs légitime que certains représentants lui ont donnée, le texte original de l'article 25 accorde aux réfugiés des droits plus restreints que ceux dont les étrangers jouissent dans certains pays.
M. van BOETZELAER (Pays-Bas) fait observer que certaines observations faites au cours du débat pourraient donner une idée erronée de la situation des réfugiés. Le cas de réfugiés qui désireraient transférer des sommes très importantes demeure exceptionnel. Aussi, ne semble-t-il pas nécessaire d'approfondir beaucoup les conséquences que l'article 25 pourrait avoir dans de tels cas et cela d'autant plus qu'il y est expressément prévu que les transferts d'avoirs doivent se faire conformément aux règlements et lois en vigueur dans les pays intéressés.
M. WARREN (Etats-Unis d'Amérique) partage l'avis du représentant du Royaume-Uni, à savoir que la mention au paragraphe 1 des lois et règlements des Etats contractants répond pleinement à tous les cas évoqués par les divers orateurs. Il n'est que juste qu'un réfugié puisse, dans les limites prescrites par les règlements nationaux, sortir du pays d'accueil les avoirs qu'il possédait à son arrivée ainsi que les sommes qu'il a pu y gagner.
Pour ce qui est de la divergence entre les deux textes, il penche, pour sa part, en faveur de la version française du paragraphe 1.
MUSTAPHA Bey (Egypte) estime que le problème dont il s'agit mérite que l'on s'y arrête avec soin. L'amendement de la Colombie imposerait aux Etats contractants l'obligation d'assimiler les réfugiés aux étrangers. Le texte original renvoie aux lois et règlements en vigueur dans les divers pays, lesquels peuvent prévoir pour les réfugiés un traitement moins favorable que celui dont jouissent les étrangers en général. La question demeure donc de savoir si le but de la convention est de donner aux réfugiés un traitement plus favorable que celui qui est accordé aux étrangers.
Le PRESIDENT souligne que le Comité spécial a voulu faire en sorte que les réfugiés soient soumis à des conditions moins sévères que celles qui sont applicables aux nationaux et aux autres étrangers. C'est pourquoi la seule restriction prévue au paragraphe 1 est que les lois et règlements des Etats contractants soient respectés ; le reste du texte, en effet, est impératif puisqu'il est dit. « Les Etats contractants permettront..... »
M. SHAW (Australie) explique qu'il arrive souvent que des réfugiés se fixent temporairement en Australie avant d'aller s'installer définitivement ailleurs. Ces réfugiés apportent avec eux des avoirs en différentes devises. Le Gouvernement australien ne saurait interpréter l'article 25 comme annulant les lois et règlements de son pays relatifs aux devises fortes.
M. CHANCE (Canada) fait observer que le paragraphe 1 vise explicitement le transfert d'avoirs dans des pays où les réfugiés ont été admis « afin de s'y réinstaller ». Lorsqu'un réfugié s'est réinstallé dans un pays, on ne saurait appliquer à l'égard de ses avoirs le même traitement que s'il était encore dans un pays d'asile. M. Chance ne comprend pas pour sa part les objections qui ont été soulevées. A coup sûr, si le paragraphe 1 paraît acceptable à ceux qui préconisent un régime plus restrictif, il n'y a plus de problème puisque rien n'empêche les pays d'accorder aux réfugiés un traitement plus favorable que celui qui est prévu dans l'article 25.
M. HERMENT (Belgique) ajoute qu'en tout état de cause, les réfugiés ne peuvent recevoir un traitement moins favorable que celui dont jouissent les étrangers, étant donné que les dispositions expresses de l'article 4 de la convention l'interdisent.
Le PRESIDENT prononce la clôture de la discussion et annonce qu'il va mettre aux voix le paragraphe 1 dans sa version française (l'expression litigieuse étant alors rendue dans le texte anglais par « to transfer assets which he has brought into its territory »). Si la Conférence rejette ce texte, il mettra alors aux voix le texte anglais. Le texte adopté sera au besoin remanié par le Comité de style.
Par 19 voix contre 4, avec une abstention, le paragraphe 1, ainsi qu'il est rédigé dans le texte français, est adopté.
Par 23 voix contre zéro, avec une abstention, le paragraphe 2 de l'article 25 est adopté.
Par 24 voix contre zéro, l'ensemble de l'article 25 est adopté.
ii) Article 26 - Réfugiés en situation irrégulière dans le pays d'accueil. (A/CONF.2/58), de la France (A/CONF.2/62) et de la Suède (A/CONF.2/58)
M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) constate que l'article 26 envisage une situation exceptionnelle, ce qui soulève un problème fondamental, celui de savoir si l'octroi de l'asile territorial constitue un devoir pour les Etats ou simplement un droit pour le réfugié. C'est pour répondre à cette question que la délégation colombienne a présenté son amendement (A/CONF.2/55), rédigé sous une forme positive et non plus simplement négative comme le texte initial de l'article 26.
Par ailleurs, M. Giraldo-Jaramillo appuie les amendements présentés par les délégations de l'Autriche (A/CONF.2/58) et de la Suède (A/CONF.2/65).
M. HERMENT (Belgique) fait observer que, selon le texte de l'amendement colombien, « les Etats pourront accorder l'asile territorial aux réfugiés ». Il demande si la délégation colombienne envisage dans ce domaine une obligation incombant aux Etats contractants.
M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) précise qu'à son avis, on ne peut envisager l'asile territorial comme constituant un devoir pour les Etats.
Répondant à une question du PRESIDENT, M. Giraldo-Jaramillo dit que son amendement vise uniquement le paragraphe 1 de l'article 26.
M. CHANCE (Canada) fait observer que l'interprétation à donner au terme « sanctions pénales » au paragraphe 1 de l'article 26 a fait naître quelque inquiétude du fait que l'on peut se demander si en vertu de cet article un Etat perdra le droit d'expulser des réfugiés qui seraient entrés illégalement sur son territoire. Sachant dans quel esprit se sont déroulées les discussion qui ont eu lieu précédemment sur cette question, il ne partage pas cette inquiétude, et il n'a pas l'intention de proposer une modification à ce texte. Il lui suffira de voir préciser que, de l'avis général, l'adoption de l'article 26 ne saurait porter atteinte au droit auquel il a fait allusion et il considérera même le silence de la Conférence sur cette question comme une approbation de son point de vue.
M. COLEMAR (France), présentant l'amendement que la délégation française propose à l'article 26 (A/CONF.2/62), tient tout d'abord à préciser qu'à son avis, si le droit d'asile n'est pas inscrit en toutes lettres dans la Convention, il n'en est pas moins implicitement inclus, car l'existence même des réfugiés en dépend. En effet, si les Etats n'acceptaient pas d'accueillir les réfugiés sous le prétexte que ceux-ci sont entrés clandestinement sur leur territoire, les réfugiés se trouveraient refoulés dans leur pays d'origine et cesseraient d'exister en tant que réfugiés. Au sens de la délégation française, l'article 26 n'est nullement destiné à soustraire les Etats à cette obligation, sans laquelle la convention entière deviendrait inutile. Toutefois, si la délégation française estime légitime de dispenser les réfugiés arrivant directement de leurs pays d'origine de l'application des lois pénales afférentes au franchissement irrégulier de la frontière, elle pense que l'on ne serait pas justifié à appliquer cette même dispense aux déplacements ultérieurs du réfugié. La première dispense est un corollaire du droit d'asile ; quand le réfugié a déjà trouvé asile, l'application de l'article 26 sous sa forme actuelle lui permettrait de circuler impunément d'un pays à l'autre sans se soumettre aux formalités prévues pour le franchissement des frontières. Or, on ne saurait invoquer en l'occurrence aucune nécessité majeure empêchant le réfugié de se soumettre à ces formalités étant donné que l'article 23 prévoit la délivrance de documents permettant aux réfugiés de circuler régulièrement. C'est pour remédier à cette lacune que la délégation française a présenté son amendement.
M. del DRAGO (Italie) estime, lui aussi, que la dispense des conséquences d'une entrée clandestine ne saurait se concevoir que lorsqu'il s'agit du premier pays d'accueil. Rien n'empêche que les déplacements ultérieurs des réfugiés se fassent régulièrement. Pour ces raisons, la délégation italienne appuie l'amendement présenté par la France.
M. HERMENT (Belgique) précise que le Gouvernement belge ne saurait interpréter le paragraphe 1 de l'article 26 comme restreignant son droit de refouler un réfugié entré irrégulièrement sur le territoire de la Belgique. Le but du paragraphe 1 est d'éviter que le réfugié ne fasse l'objet des sanctions appliquées en cas de passage irrégulier de la frontière, à condition qu'il se présente spontanément aux autorités et leur expose son cas. Néanmoins, le droit du gouvernement d'expulser un étranger entré irrégulièrement sur son territoire demeure.
M. GIRALDO-JARAMILLO (Colombie) dit qu'à la lumière du débat qui vient d'avoir lieu, la délégation colombienne ne s'opposera pas au paragraphe 1 de l'article 26, et cela d'autant moins que le droit d'asile est un droit que les pays de l'Amérique latine ont toujours défendu. Comme toutes les délégations semblent penser, en général, que les Etats conservent la faculté d'accorder l'asile à leur discrétion, la délégation colombienne, qui est de cet avis, n'insistera pas en faveur de l'amendement à l'article 26 qu'elle avait présenté.
M. HOARE (Royaume-Uni) interprète le paragraphe 1 dans le même sens que le représentant de la Belgique. De l'avis de la délégation du Royaume-Uni, le droit d'asile n'est autre chose que le droit pour un Etat d'accorder ou de refuser l'asile, et non pas le droit pour l'individu d'exiger qu'il lui soit donné asile. C'est pourquoi l'article 26 n'a rien à voir avec la question du droit d'asile. Les délégations de la Belgique, du Canada et du Royaume-Uni interprètent l'expression « sanctions pénales » qui figure au paragraphe 1 comme s'appliquant aux sanctions pénales prévues par la loi en cas d'entrée illégale et comme n'ayant aucun rapport avec le droit qu'a l'Etat d'accorder ou de refuser l'asile. Il espère que la Conférence partagera cette manière de voir, faute de quoi le Gouvernement du Royaume-Uni ne pourrait peut-être pas appuyer l'article 26.
M. Hoare appuie l'amendement au paragraphe 1 proposé par la délégation française.
M. COLEMAR (France) remercie le représentant du Royaume-Uni des explications qu'il a bien voulu donner. Pour illustrer sa pensée par un exemple concret, il cite le cas d'un réfugié qui aurait trouvé asile en France et qui essaierait de passer clandestinement en Belgique. Il est évident que, dans ce cas, le Gouvernement belge ne pourrait tolérer cette entrée irrégulière car la vie et la liberté du réfugié ne seraient nullement menacées. Le texte actuel de l'article 26 permettrait néanmoins au réfugié de réclamer la dispense de sanctions pénales, et c'est pourquoi la délégation française a présenté un amendement.
Le PRESIDENT, parlant en qualité de représentant du Danemark et se reportant à l'amendement français au paragraphe 1, déclare que la Conférence ne doit pas perdre de vue l'importance des mots « leur exposent les raisons reconnues valables » qui figurent à la dernière ligne de ce paragraphe. Il peut arriver qu'un réfugié ayant trouvé asile dans un certain pays, un Hongrois par exemple, réfugié en Allemagne, se trouve obligé, sans qu'il soit nécessairement l'objet de persécutions, de chercher refuge dans un autre pays ; s'il entre alors au Danemark illégalement il est raisonnable de s'attendre que les autorités danoises ne lui infligent pas de sanctions pénales en raison de cette entrée illégale, à condition qu'il puisse justifier son entrée par des raisons reconnues valables. La délégation du Danemark estime par conséquent qu'il faut considérer l'expression « raisons reconnues valables » comme une garantie suffisante. Même si l'amendement français était adopté, il faudrait remplacer le membre de phrase « arrivant directement de leur pays d'origine », que la délégation française voudrait voir ajouter au texte, par le membre de phrase « arrivant directement d'un territoire dans lequel sa vie ou sa liberté seraient menacées ».
M. COLEMAR (France) accepte la suggestion faite par le Président en sa qualité de représentant du Danemark.
M. HERMENT (Belgique) signale que l'expression « arrêt d'expulsion ou de séjour » que figure dans l'amendement de l'Autriche (A/CONF.2/58) n'est pas correcte, les mots « arrêté d'expulsion ou interdiction de séjour » correspondant sans doute au but visé par cet amendement.
M. COLEMAR (France) préfère, pour sa part, les termes « décision d'expulsion ou refus de séjour » ; en effet, un arrêté constitue une décision prise sous une forme particulière, qui peut ne pas être la même dans tous les pays.
M. FRITZER (Autriche) remercie les représentants de la France et de la Belgique de leurs suggestions qu'il accepte volontiers. Il précise en outre qu'à la deuxième ligne du texte français, il conviendrait d'insérer le mot « déjà » entre les mots « il existe » et les mots « un arrêt ».
M. HERMENT (Belgique) fait observer qu'il existe une différence très importante entre le refus de séjour et l'interdiction de séjour. Si l'on adoptait la notion de refus de séjour, on limiterait par là même la portée du paragraphe 1. En effet, si un réfugié demandait l'autorisation de s'établir dans le territoire d'un pays A et que cette demande soit refusée, le réfugié ferait l'objet d'un refus de séjour. S'il voulait alors se rendre dans un pays B, ce refus de séjour jouerait contre lui et autoriserait les autorités du pays B à lui refuser le bénéfice des dispositions de l'article 26.
Il est décidé de renvoyer à la prochaine séance la suite de la discussion sur l'article 26.
La séance est levée à 13 heures.