Première session, COMITE SPECIAL DE L'APATRIDIE ET DES PROBLEMES CONNEXES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA ONZIEME SEANCE
Première session, COMITE SPECIAL DE L'APATRIDIE ET DES PROBLEMES CONNEXES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA ONZIEME SEANCE
E/AC.32/SR.11
PRESENTS
Président : | M. CHANCE | Canada |
Membres : | M. CUVELIER | Belgique |
M. GUERREIRO | Brésil | |
M. CHA | Chine | |
M. LARSEN | Danemark | |
M. RAIN | France | |
M. ROBINSON | Israël | |
M. KURAL | Turquie | |
Sir Leslie BRASS | Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord | |
M. HENKIN | Etats-Unis d'Amérique | |
M. PEREZ PEROZO | Venezuela | |
Représentant d'une institution spécialisée : | M. WEIS | Organisation internationale pour les réfugiés (OIR) |
Secrétariat : | M. HUMPHREY | Représentant le Secrétaire général adjoint |
M. GIRAUD | Division des droits de l'homme | |
M. HOGAN | Secrétaire du Comité |
STATUT INTERNATIONAL DES REFUGIES ET DES APATRIDES : PROJET DE CONVENTION CONCERNANT LE STATUT DES REFUGIES (E/AC.32/2, E/AC.32/L.3) :
Chapitre III - Condition juridique (suite)
1. Le PRESIDENT informe le Comité que, conformément aux désirs de plusieurs membres qui souhaitent pouvoir disposer de l'après-midi du 27 janvier, il n'y aura ce jour-là qu'une seule séance qui se tiendra de 10 heures 30 à 13 heures.
2. Le Président invite ensuite le Comité à continuer l'examen du chapitre III du projet de convention.
Article 8 : dispense de réciprocité
3. Le PRESIDENT donne lecture du texte de l'article 8, relatif à la dispense de réciprocité, et du commentaire qui l'accompagne.
4. Il donne ensuite lecture du texte de l'article 6 du projet de la France, relatif à la même question. Il signale que ce texte devrait subir certaines modifications pour tenir compte des dispositions des articles adoptés au cours de la dixième séance ; le « délai de résidence » ne peut plus être pris en considération.
5. Le Président souligne qu'abstraction faite de la deuxième phrase du texte français les deux projets sont identiques quant au fond.
6. M. PEREZ PEROZO (Venezuela) déclare qu'il votera en faveur de l'article 8 dont les dispositions sont précises, suffisantes et entièrement justifiées. Cependant, il voudrait appeler l'attention sur l'opportunité qu'il y aurait à modifier légèrement ce texte.
7. En adoptant l'article 5, le Comité s'est prononcé en faveur de la deuxième solution proposée par le Secrétariat, consistant à accorder aux réfugiés le traitement accordé aux étrangers en général ; d'après le commentaire de l'article 5, cette solution écarte la condition de réciprocité à laquelle le réfugié ne peut satisfaire.
8. L'article 8 traite de la réciprocité en général. Or, dans la pratique du droit international, on constate que la réciprocité revêt trois formes : législative diplomatique ou conventionnelle, et de fait. Au cours de la discussion sur l'article 5, il a été question d'accorder aux réfugiés le traitement le plus favorable accordé aux étrangers en vertu de traités ; ce faisant, on s'est placé sur le terrain de la réciprocité diplomatique. Cette solution, qui était la première proposée par le Secrétariat, n'a été retenue. Pourtant, si l'on adopte l'article 8 dans sa forme actuelle, les réfugiés pourront se réclamer de ses dispositions pour demander que leur soit accordé le traitement le plus favorable accordé aux étrangers en vertu de traités, c'est-à-dire par la réciprocité diplomatique.
9. Il y aurait donc une certaine contradiction entre l'article 8, qui dispenserait les réfugiés de la réciprocité en général, et l'article 5 qui, du fait que l'on a écarté la première solution du Secrétariat, semble ne pas avoir admis en la matière la réciprocité diplomatique.
10. M. ROBINSON (Israël) fait observer tout d'abord qu'il n'y a aucune raison de placer l'article relatif à la dispense de réciprocité dans le chapitre consacré à la condition juridique des réfugiés, et encore moins de le placer entre des articles énonçant divers droits et l'article relatif au droit d'ester en justice. M. Robinson soulèvera à nouveau cette question, lorsque tous les articles auront été adoptés et que l'on examinera l'ordre dans lequel ils devront figurer dans le projet de convention.
11. M. Robinson appelle l'attention sur le fait que le comité a adopté, à sa dixième séance, un article accordant aux réfugiés en matière de propriété mobilière et immobilière le traitement accordé aux étrangers en général et un article déclarant que les réfugiés jouiront dans le domaine de la propriété intellectuelle du traitement le plus favorable accordé aux ressortissants de pays étrangers. Cette situation se reproduira sans doute encore plusieurs fois. La question se pose donc de savoir si l'on entend appliquer la clause de la dispense de réciprocité uniquement dans les cas où l'on accorde aux réfugiés le traitement le plus favorable accordé aux ressortissants des pays étrangers, ou si l'on vent appliquer cette clause à l'ensemble des dispositions de la convention
12. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) signale une fois encore que sa délégation a éprouvé quelque hésitations avant de prendre part à l'élaboration d'un projet de convention qui concerne moins les Etats-Unis que certains autres Etats. Il participe aux travaux de rédaction avec le même esprit que ceux qui cherchent à accorder aux réfugiés la plus grande protection possible.
13. Dans le cas présent, il lui semble que l'on ne devrait pas confondre la notion de la dispense de réciprocité et celle du traitement le plus favorable. La clause du traitement le plus favorable signifie que les réfugiés ne sauraient avoir des droits moindres que ceux accordées en la matière aux étrangers les plus favorisés. La clause de la dispense de réciprocité s'applique dans les cas où les étrangers jouissent de certains droits et bénéficient de certaines faveurs sous condition de réciprocité.
14. M. Henkin estime que l'article 8 est réellement justifié et qu'il faut le maintenir.
15. M. RAIN (France) comprend bien la notion de la dispense de réciprocité de la même façon que le représentant des Etats-Unis. S'il a eu des doutes sur l'interprétation à donner à la proposition du Secrétariat, c'est parce qu'il était primitivement question des apatrides. La clause de la dispense de réciprocité n'aurait pas pu s'appliquer aux apatrides, puisqu'ils ne relèvent d'aucun Etat et ne peuvent don pas se prévaloir de la clause de réciprocité. Les dispositions de l'article 8 n'ont réellement de sens que lorsqu'il s'agit des réfugiés qui ont une nationalité.
16. M. Pain est d'accord avec les représentants d'Israël, des Etats-Unis et du Venezuela, qui ont présenté chacun sur un plan différent, des observations fort pertinentes.
17. M. ROBINSON (Israël) pense qu'il conviendrait d'adapter le texte de l'article 8 à la conception générale du Comité, qui tend à accorder aux réfugiés au maximum de droits, en leur appliquant le régime statutaire des étrangers, à l'exception des clauses relatives à la réciprocité.
18. M. Robinson estime néanmoins que l'article 8 ne devrait pas être examiné que lorsque le Comité aura établi le catalogue complet des droits à accorder aux réfugiés. Il propose en conséquence d'ajourner la discussion de l'article 8 ; il espère que, lorsque cette discussion sera reprise, le Comité sera en mesure d'énoncer avec précision la clause de la dispense de réciprocité.
19. M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) considère l'article 8 comme une clause générale, applicable chaque fois qu'un article ne comporte pas de dispositions précises sur le traitement à accorder aux réfugiés. Cette clause est parfaitement justifiée ; à ce sujet, M. Weis appelle l'attention sur l'exposé des motifs du Gouvernement français précédant le projet de loi présenté au Parlement français et portant approbation de Convention du 28 octobre 1933. Cet exposé des motifs explique parfaitement pourquoi les réfugiés doivent bénéficie : de la dispense de réciprocité.
20. M. Weis fait observer, à la suite des remarques du représentant de la France, que les réfugiés sont parfois apatrides. Il semble pourtant qu'il ne soit pas opportun de soulever cette question, car il convient de traiter tous les réfugiés comme tels, qu'ils aient ou non une nationalité.
21. M. GIRAUD (Secrétariat) estime, comme le représentant des Etats-Unis, qu'il faut bien faire la distinction entre la clause de la dispense de réciprocité et les dispositions qui, dans certains articles, précisent si les réfugiés bénéficieront du traitement le plus favorable ou seront soumis au droit commun.
22. Lorsque ces dispositions sont énoncées dans un article, il n'y a pas lieu de faire appel à la clause de la dispense de réciprocité. En effet, lorsque les réfugiés bénéficient du traitement le plus favorable, il est évident qu'il est inutile d'invoquer la clause de la dispense de réciprocité ; lorsque les réfugiés reçoivent le traitement accordé aux étrangers en général cela signifie qu'ils ne sauraient réclamer le traitement spécial dont jouissent certains étrangers en vertu des conditions de réciprocité ; il ne saurait donc être question, dans ce cas, de dispense de réciprocité.
23. La clause de la dispense de la dispense réciprocité ne s'appliquerait donc qu'aux articles dans lesquels il n'est pas précisé de quel traitement jouissent les réfugiés.
24. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) approuve l'interprétation de l'article 8 que vient de donner le représentant du Secrétariat.
25. Il pense que l'on pourrait donner suite à la suggestion du représentant d'Israël et ajourner la discussion de l'article 8.
Il en est ainsi décidé.
Article 9 : droit d'ester en justice
26. Le PRESIDENT donne lecture du texte de l'article 9 du projet du Secrétariat et du texte de l'article 7 du projet de la France, relatifs au droit d'ester en justice.
27. Il fait observer que les deux textes sont pratiquement identiques ; ils présentent cependant les différences suivantes : dans le premier paragraphe, le texte du projet de la France dit : « libre et facile accès », alors que le texte du Secrétariat dit : « libre accès » ; dans le paragraphe 2, le texte du projet de la France dit : « jouiront des mêmes droits » ; dans le même paragraphe, la deuxième et la troisième phrases du texte du Secrétariat sont fondues en une seule dans le projet de la France.
28. M. KURAL (Turquie) estime que la rédaction proposée par la France pour le deuxième paragraphe est préférable.
29. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) déclare qu'il approuve en principe les dispositions de l'article 9. Il aimerait, néanmoins, que l'on apporte au texte les amendements suivants : en premier lieu il serait bon de supprimer, dans les deuxième et troisième paragraphe les mots « domicile ou », puisqu'on entend donner aux réfugiés le droit d'ester en justice dans le pays où ils se trouvent que ce soit ou non le pays du domicile. En deuxième lieu, il serait préférable d'adopter le deuxième paragraphe du projet de la France, en disant : « et exemptés » au lieu de « et seront exemptés » ; on préciserait de la sorte que les réfugiés sont soumis aux mêmes conditions que les nationaux, tant pour l'admission au bénéfice de l'assistance judiciaire que pour l'exemption de la caution « judicatum solvi ».
30. M. LARSEN (Danemark) approuve les amendements proposés par le représentant du Royaume-Uni ; il est, en principe, en faveur des disposition de l'article 9, bien que la question de l'accès devant les tribunaux par les réfugiés soulève une question délicate lorsqu'il s'agit d'une instance en divorce. M. Larsen a déjà consulté sur ce point ses collègues de Norvège et de suède, et se réserve le droit de revenir plus tard sur l'article 9.
31. Le PRESIDENT propose d'adopter le texte du projet de la France, amendé dans le sens indiqué par le représentant du Royaume-Uni.
32. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) fait observer que le premier paragraphe du projet de la France emploie l'expression « libre et facile accès » ; en anglais, les mots « free » et « ready » ont exactement le même sens dans le contexte s'ils sont employés seuls, mais, s'ils sont employés ensemble, « free » pourrait vouloir dire « sans qu'il puisse y avoir perception de droits » ; aussi Sir Leslie Brass préfère-t-il le libellé du premier paragraphe du texte du Secrétariat.
33. M. ROBINSON (Israël) pense qu'il n'y aurait aucun inconvénient à dire « libre et facile accès », dans le texte français du projet de convention, et à dire « free access » dans le texte anglais.
Il en est ainsi décidé.
34. Le PRESIDENT propose d'adopter le texte du projet de la France, ainsi qu'il a été amendé au cours de la discussion.
Il en est ainsi décidé.
35. M. CUVELIER (Belgique) tient à faire une proposition avant que le Comité abandonne l'examen du chapitre III, relatif à la condition juridique des réfugiés. Ce chapitre reprend certaines dispositions des Conventions de 1933 et de 1938, que le Secrétariat a parfois modifiées pour tenir compte des dispositions de la déclaration universelle des droits de l'homme.
36. M. Cuvelier estime que l'on n'a pas invoqué toutes les dispositions pertinentes de la Déclaration et il pense qu'il y aurait intérêt à inclure dans le chapitre III deux articles reproduisant aussi fidèlement que possible les articles 18 et 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. M. Cuvelier donne lecture de ces deux articles relatifs, l'un à la liberté de pensée, de conscience et de religion, l'autre à la liberté d'opinion et d'expression. La représentant de la Belgique estime qu'une disposition visant la liberté d'opinion serait particulièrement à sa place dans une convention concernant les réfugiés, car ceux-ci ont généralement abandonné leur pays d'origine parce que cette liberté ne leur est plus accordée.
37. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) estime qu'une convention concernant les réfugiés ne peut contenir un exposé de tous les articles de la Déclaration universelle des droits de l'homme ; du reste, la Déclaration, par son caractère universel, s'applique à tous les groupes humains sans exception et il est inutile de spécifier que ses dispositions s'appliquent également aux réfugiés.
38. En outre, Sir Leslie rappelle que les Nations Unies ont déjà élaboré une convention inspirée des dispositions des articles 18 et 19 ; cette convention est soumise à l'examen des Gouvernements.
39. M. GUERREIRO (Brésil) partage entièrement le point de vue du représentant du Royaume-Uni. Les articles 18 et 19 de la Déclaration énoncent des principes généraux admis par tous ; il ne semble pas utile de les rappeler dans une convention concernant les réfugiés.
40. Le PRESIDENT est enclin à se ranger à l'opinion des représentants du Royaume-Uni et du Brésil. Il pense néanmoins que la proposition du représentant de la Belgique mérite d'être examinée plus longuement à un stade ultérieur des travaux du Comité.
41. M. RAIN (France) signale qu'il a souvent demandé que les principes énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme soient rappelés, chaque fois que possible, dans le projet de convention concernant les réfugiés, car ces derniers ont été et sont encore parfois très menacés dans leur jouissance de ces droits et libertés, même lorsqu'il s'agit des plus fondamentaux.
42. M. Rain estime qu'il n'y aurait sens doute aucun inconvénient à mentionner explicitement les dispositions de l'article 18 de la Déclaration. En ce qui concerne l'article 19, il craint que la situation ne soit légèrement différente : la liberté d'opinion et d'expression est certes un droit qui doit être reconnu à tous, mais l'exercice de ce droit peut parfois provoquer des difficultés sérieuses ; c'est le cas notamment pour les réfugiés qui, se trouvant dans un pays qui n'est pas le leur, pourraient vouloir exercer, en vertu de l'article 19, des activités politiques qu'il serait difficile d'admettre. Si l'article 19 était mentionné dans la convention, de nombreux Etats se verraient contraints à faire des réserves qui atténueraient singulièrement la portée de cet article, non seulement dans a convention, mais dans la Déclaration même.
43. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) appuie en principe la suggestion du représentant de la Belgique, car elle est conforme aux principes constitutionnels des Etats-Unis. La question de savoir si ces principes doivent figurer dans la Convention est une question distincte, mais qui doit être examinée. Il pense qu'il serait opportun d'examiner également si l'article 20 de la Déclaration n'aurait pas sa place dans la convention.
44. M. Henkin se range à l'avis du Président et il propose d'ajourner la discussion sur la proposition du représentant de la Belgique.
45. M. CUVELIER (Belgique) déclare qu'il n'a aucune objection contre l'ajournement de la discussion et il qu'elle soit remise à plus tard.
Il en est ainsi décidé.
Chapitre IV - Charges supportées par les réfugiés et obligations qui leur incombent
Article 10
46. Le PRESIDENT met en discussion l'article 10 du projet du Secrétariat et l'article 8 du projet français qui traitent, l'un et l'autre, des obligations générales du réfugié dans le pays d'accueil. Le texte proposé par la France se divise en deux paragraphes dont le premier correspond, à quelques mots près, à l'ensemble de l'article 10 proposé par le Secrétariat, et dont le second pose la question de l'activité politique des réfugiés.
47. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) rappelle qu'à la séance précédente, il a été convenu que l'examen de cette question de l'activité politique des réfugiés serait remis à plus tard. Il suggère donc que le Comité ne se prononce pas actuellement sue ce point, étant entendu que l'examen de la question pourra être repris ultérieurement à la demande de l'un quelconque des membres du Comité.
48. Le PRESIDENT déclare que le débat ne doit porter, pour l'instant, que sur le texte de l'article 10 du projet du Secrétariat et sur celui du paragraphe 1 de l'article 8 du projet français.
49. M. LARSEN (Danemark) juge cet article inutile, étant donné qu'il ne contient rien ne soit évident. Nul n'ignore, en effet, que les lois d'un pays s'appliquent non seulement à ses nationaux, mais aussi aux étrangers qui résident sur son territoire, qu'ils soient ou non des réfugiés. La délégation danoise est opposée, en principe, à l'insertion dans la convention de dispositions superflues ; c'est pourquoi elle propose la suppression de l'article.
50. M. GUERREIRO (Brésil) pense qu'aucun Etat n'éprouverait de difficultés à accepter le texte de l'article 10. Toutefois, il est d'accord avec le représentant du Danemark pour estimer que cet article n'est pas indispensable, puisqu'il est généralement admis en droit international que la juridiction d'un pays s'étend à tous ceux qui y résident, nationaux ou étrangers. Il n'y a donc aucune raison, même d'ordre psychologique, pour conserver cet article.
51. M. KURAL (Turquie) approuve les observations des représentants du Danemark et du Brésil. Cependant, il se peut que, si le Comité retient ultérieurement la clause concernant l'activité politique des réfugiés, l'affirmation de la règle générale contenue dans l'article 10 apparaisse, à ce moment, nécessaire à titre d'introduction à cette clause restrictive.
52. M. RAIN (France) pense que les deux questions sont trop étroitement liées pour qu'on puisse en discuter séparément.
53. Le PRESIDENT propose, en conséquence, au Comité de remettre à plus tard l'examen de l'article 10 et de l'article correspondant du projet français.
Il en est ainsi décidé.
Article 11
54. Le PRESIDENT invite le Comité à aborder la discussion, paragraphe par paragraphe, de l'article 11 du projet du Secrétariat, relatif aux charges fiscales des réfugiés, ainsi que de l'article 9 qui lui fait pendant dans le projet français et dont les termes sont identiques.
55. Le PRESIDENT met en discussion le paragraphe 2.
56. M. ROBINSON (Israël) se demande pourquoi ce paragraphe parle de documents délivrés aux « étrangers » et non aux « réfugiés », puisque certains pays délivrent des titres différents suivant qu'il s'agit de réfugiés ou d'étrangers qui ne sont pas des réfugiés.
57. M. HUMPHREY (Secrétariat) précise que, dans la plupart des pays, il n'y a pas de réglementation spéciale s'appliquant aux réfugiés à cet égard et que cette législation ne fait mention que des « étrangers » en général.
58. Le PRESIDENT propose au Comité d'adopter le paragraphe 2 de l'article 11, contre lequel aucune objection n'a été formulée.
59. Le PRESIDENT invite le Comité à examiner le paragraphe 3 qui prévoit le fonctionnement d'un système analogue à celui du timbre Nansen.
60. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) se demande s'il convient de parler de solidarité entre les réfugiés, comme le fait le commentaire du Secrétariat, car on pourrait en déduire que ceux-ci forment une classe à part.
61. M. HUMPHREY (Secrétariat) indique que le Secrétariat a cru souhaitable de prévoir un système qui permettrait aux réfugiés plus aisés de venir en aide à ceux qui sont dénués de ressources. C'est le seul motif qui l'ait inspiré lorsqu'il a ajouté ce paragraphe à l'article 11.
62. Le PRESIDENT souligne que cette clause semble sans intérêt pour des pays tels que le Canada, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Il appartient aux autres délégations de dire ce qu'elles en pensent.
63. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) fait observer que ce paragraphe se rattache aux dispositions de conventions antérieures relatives a l'ancien système Nansen. Il lui semble donc que ce cas spécial ne devrait plus être évoqué dans le projet actuel de convention élaboré par le Comité.
64. Le PRESIDENT fait remarquer qu'il n'entre pas dans les intentions du Comité d'élaborer une convention destinée à « remplacer » le système Nansen.
65. M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) rappelle que le Royaume-Uni perçoit, lui aussi, un droit de cinq francs or pour la délivrance de titres Nansen aux anciens réfugiés russes et que les sommes ainsi recueillies servent de fonds d'assistance auxdits réfugiés. Le but du paragraphe 3 est de permettre l'organisation d'un système analogue s'appliquant non plus aux seuls réfugiés russes, mais à l'ensemble des réfugiés, afin de secourir ceux d'entre eux qui sont dans le dénuement. Il convient de noter par ailleurs qui l'application de ce système est laissée à l'entière discrétion des pays signataires.
66. Le PRESIDENT se demande, puisque cette clause est facultative, si elle ne pourrait pas être omise dans le texte de la convention.
67. M. CUVELIER (Belgique) est d'avis que cette clause doit être maintenue malgré le caractère facultatif de ses dispositions, sans quoi, aux termes du paragraphe 1 du même article, les Etats intéressés ne pourraient pas appliquer aux réfugiés des taxes supérieures à celles qu'ils perçoivent lors de la délivrance de titres de voyage à leurs propres nationaux. Il s'agit, en effet, de la perception d'un droit supplémentaire de timbre qui vient s'ajouter à celui qui est perçu pour le compte du Trésor. Ce point devrait être mieux précisé dans le texte du paragraphe.
68. M. RAIN (France) estime que l'observation du représentant de la Belgique est justifiée et il propose de remplacer l'expression « droit de timbre » par « droit spécial de timbre ».
69. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) ne voit pas pourquoi les pays qui n'appliquent pas ce système s'opposeraient à ce que les autres continuent de l'appliquer. Il demande toutefois que, pour la perception de ce droit supplémentaire, il ne soit pas fait de distinction entre les réfugiés suivant leur origine.
70. M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) convient que l'on pourrait supprimer dans le texte de ce paragraphe toute allusion aux catégories et à l'origine des réfugiés.
71. Le PRESIDENT indique qu'il y aura lieu, en conséquence, de rayer à la deuxième ligne du paragraphe les mots « des diverses catégories selon leur origine » et, à la fin du paragraphe, les mots « des diverses catégories respectives ».
72. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) préférerait que le paragraphe 3 soit éliminé purement et simplement, car il est quelque peu en contradiction avec le paragraphe 1 du même article. Toutefois, si certaines délégations tiennent essentiellement à son maintien, la délégation du Royaume-Uni ne s'y opposera pas.
73. M. LARSEN (Danemark) partage la manière de voir du représentant du Royaume-Uni. Le Danemark fait partie de l'Organisation Nansen et il a eu l'occasion de constater que la collecte et le transfert des fonds recueillis au bureau Nansen à Genève entraînaient beaucoup de formalités administratives que ne justifie nullement la modicité des sommes perçues.
74. M. RAIN (France) signale qu'en France, au contraire, le produit de ces taxes atteint des sommes qui ne sont nullement négligeables et qui sont affectées aux oeuvres d'assistance pour les réfugiés. La délégation de la France attache beaucoup d'importance à ce que la convention fasse allusion à ce problème de l'assistance car, en réalité, c'est d'assistance que les réfugiés ont besoin d'une manière particulièrement urgente. Or, cette assistance constituera une lourde charge pour la France lorsque l'OIR aura cessé d'exister. Etant donné sa situation financière, ce pays ne pourra guère mieux aider les réfugiés qu'en les faisant bénéficier de la législation française d'assistance, laquelle ne leur apportera qu'une aide très minime. Si des fonds supplémentaires peuvent être mis à sa disposition grâce au fonctionnement du système prévu au paragraphe, 3, le Gouvernement français pourra parer aux cas les plus pénibles de dénuement des réfugiés et leur apporter des solutions humaines convenables. On ne saurait donc nier l'importance de ce problème pour des pays de premier accueil tels que la France.
75. M. CUVELIER (Belgique) constate qu'à propos du paragraphe 3, le représentant du Danemark a parlé d'assistance internationale, tandis que le représentant de la France a fait allusion à une assistance s'exerçant dans le cadre national. Il conviendrait donc de préciser dans le paragraphe 3 de quel genre d'assistance il s'agit.
76. M. HENKIN (Etats-Unis Amérique) déclare que, lorsqu'un pays tel que la France insiste pour que ce paragraphe soit maintenu dans l'article 11, le Comité devrait lui donner satisfaction. Le représentant des Etats-Unis ne croit pas qu'il faille limiter la portée du paragraphe à la seule assistance locale, car il faut laisser aux pays signataires de conventions autorisant la perception de taxes pour l'Organisation Nansen la faculté de continuer à appliquer lesdites conventions. Le paragraphe 3 pourrait donc être maintenu tel qu'il est, puisque rien dans son texte n'oblige les parties contractantes à transférer les sommes recueillies à Genève : toute liberté leur est laissée pour les consacrer à des oeuvres locales d'assistance.
77. M. Leslie BRASS (Royaume-Uni), à la suite des observations du représentant de la France, accepte le maintien du paragraphe 3 dans l'article 11.
78. M. RAIN (France) remercie la délégation du Royaume-Uni pour la compréhension dont elle vient de faire preuve à l'égard de son pays.
79. Le PRESIDENT propose au Comité de se prononcer sur le paragraphe 3 dont le texte, compte tenu des modifications suggérées, s'établit comme suit :
« 3) Les Hautes Parties Contractantes se réservent le droit d'assujettir les réfugiés à un droit spécial de timbre à percevoir soit sur a carte d'identité ou le permis de séjour, soit sur le document de voyage. Le produit de la perception de ce droit sera intégralement affecté aux oeuvres d'assistance aux réfugiés. »
Le paragraphe 3, ainsi libellé, est adopté.
Article 12
80. Le PRESIDENT met en discussion l'article 12 du projet du Secrétariat traitant du service militaire et autres services personnels, ainsi que l'article 10 du projet français sur le même sujet.
81. M. RAIN (France) expose que le texte proposé par sa délégation ne diffère que sur deux points du texte du Secrétariat.
82. En premier lieu, tandis que l'article 12 du projet du Secrétariat ne pose comme condition à l'assujettissement du réfugié aux divers services prévus qu'une résidence habituelle dans le pays d'accueil, le texte français est plus précis sur ce point puisqu'il fixe un délai de résidence de dix ans. La durée de se délai pour être discutée, mais il importe qu'un délai minimum soit établi de manière, à ne pas laisser au pays d'accueil les mains complètement libres en cette matière, car il aurait tendance, en temps de guette, à interpréter. L'article dans le sens le moins favorable aux réfugiés.
83. En second lieu, le texte français contient un deuxième paragraphe qui prévoit que les réfugiés ne seront pas tenus do porter les armes contre leur pays d'origine. Ce texte sera d'une application facile aux réfugiés qui ont conservé leur nationalité. En revanche, il peut créer quelques difficultés lorsqu'il s'agira de réfugiés apatrides. Mais ces difficultés ne seront pas très graves, car l'apatride qui voudra se prévaloir de la clause devra simplement démontrer qu'il était antérieurement ressortissant du pays ennemi.
84. En proposant cette clause, la France a voulu tenir compte de l'état d'esprit des réfugiés eux-mêmes, qui sont loin d'être d'un avis unanime sur cette question de leur participation à une guerre contre leur pays d'origine. Les une nourrissent un sentiment d'hostilité envers le régime quo les a persécutés et sont animés d'une réelle ardeur belliqueuse à son endroit. Ceux-là pourront participer aux opérations militaires : la clause ne les en exclut pas, mais ne les y oblige pas non plus. Mais il en est d'autres en qui l'attachement à l'ancienne patrie est demeuré vivace malgré les souffrances endurées et qui font une distinction entre le pays natal et le régime qui les a opprimés. Ceux-là ne voudraient pas porter les armes contre leur pays d'origine : il y a là un sentiment louable qu'il convient de respecter.
85. M. ROBINSON (Israël) tient à affirmer qu'il n'éprouve que la sympathie pour l'idée qui a amené la délégation française à proposer l'insertion de cette clause, fondée sur le respect du droit de chacun à disposer de son sort.
86. C'est pour d'autres considérations qu'il estime peu opportun d'ajouter cette clause à l'article 12.
87. D'une part, en effet, ce serait la première fois qu'une convention internationale conclue sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies contiendrait des dispositions expresses visant le cas de guerre. Ce mot ne figure pas dans la Charte des Nations Unies et il faut le bannir de l'esprit des hommes. Le représentant d'Israël rappelle que, lorsque la Commission du droit international a dressé la liste des sujets de codification, elle a rejeté à l'unanimité une proposition de la chine tendant à y faire figurer le droit de la guerre. La même proposition a été rejetée à une majorité écrasante par la Sixième Commission. L'une et l'autre ont estimé qu'il ne convenait pas de se préparer à la guerre même sur le plan juridique et qu'il n'y avait pas lieu de faire état devant l'opinion publique mondiale de la crainte d'une prochaine guerre.
88. D'autre part, si réellement une nouvelle guerre a lieu, il y a de fortes chances pour que cette clause soit méconnue et, si elle ne l'était pas, elle deviendrait la source d'une confusion extrême. On ne saurait prévoir les difficultés qu'elle soulèverait, puisque pratiquement le dispositif de guerre est préparé sans que l'on sache d'avance contre quel pays il sera déclenché.
89. Pour ces deux raisons, la délégation d'Israël préfère supprimer cet article tout entier.
90. M. CHA (Chine) teint à préciser que son pays ne regrette nullement d'avoir proposé à la Sixième Commission d'inscrire le droit de la guerre parmi les sujets de codification ni d'avoir essuyé un échec sur ce point. Il faut en effet se placer sur le plan du réel et nul ne saurait affirmer que la guerre soit désormais impossible. Dans ces conditions, il vaut mieux penser à en codifier les lois en temps de paix, car il serait trop tard pour le faire lorsque la guerre aurait éclaté. C'est dans cet esprit qu'ont été élaborées toutes les conventions du passé et notamment celle de 1922 sur guerre aérienne : le Gouvernement de la Chine n'a fait que reprendre cette tradition.
91. Le PRESIDENT, parlant en tant que représentant du Canada, pense qu'il ne serait pas opportun d'adopter le texte proposé par la délégation française. Il est presque certain, en effet, que, dans l'éventualité d'une guerre, les réfugiés seraient purement et simplement astreints au recrutement en vertu de la loi du pays de leur résidence. Il serait difficile de faire comprendre à l'opinion publique que des réfugiés qui ont trouvé une nouvelle patrie dans leur pays d'accueil soient exemptés du devoir de la défendre, soit parce qu'ils y résideraient depuis moins de dix ans, soit parce qu'ils seraient originaires du pays agresseur. De toute façon, le délai de dix ans semble trop long : peut-être pourrait-on fixer un délai minimum d'une durée moindre.
92. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) se demande si le texte proposé par la délégation française aurait aurait pour effet de placer les réfugiés dans une situation différente de celle des autres étrangers en matière de recrutement pour service militaire.
La séance est levée à 13 heures.