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COMITE SPECIAL DE L'APATRIDIE ET DES PROBLEMES CONNEXES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA VINGT-SEPTIEME SEANCE

COMITE SPECIAL DE L'APATRIDIE ET DES PROBLEMES CONNEXES : COMPTE RENDU ANALYTIQUE DE LA VINGT-SEPTIEME SEANCE
E/AC.32/SR.27

23 Février 1950

PRESENTS

Président :M. CHANCECanada
Membres :M. CUERREIROBrésil
M. CHAChine
M. LARSENDanemark
M. ROBINSONIsraël
M. KURALTurquie
Sir Leslie BRASSRoyaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
M. HENKINEtats-Unis d'Amérique
M. PEREZ PEROZOVenezuela
Représentant d'une institution spécialisée :
M. WEISOrganisation internationale pour le réfugiés (OIR)
Consultants d'organisations non gouvernementales de la catégorie B :
Mlle BAERLigue internationale des femmes pour la paix et la liberté
M. BERNSTEINComité de coordination d'organisations juives
M. LEWINOrganisation mondiale Agudas Israël
Secrétariat :
M. HUMPHREYReprésentant du Secrétaire général adjoint
M. LIANGDirecteur de la Division de la codification et du développement progressif du droit international
M. GIRAUDDivision des droits de l'homme
M. HOGANSecrétaire du Comité

STATUT INTERNATIONAL DES REFUGIES ET DES APATRIDES : PROJET DE CONVENTION CONCERNANT LE STATUT DES REFUGIES (E/AC.32/L.32) (suite)

1. Le PRESIDENT invite les membres du Comité à soumettre au Rapporteur, au plus tard à la fin de la journée, toutes observations qu'ils désireraient présenter au sujet du rapport, afin que celui-ci soit prêt à être examiné au milieu de la semaine.

2. En ce qui concerne le problème de la suppression de l'apatridie, le Président espère qu'il fera l'objet d'un examen aussi approfondi que possible dans le court laps de temps dont dispose encore le Comité.

Protocole concernant les apatrides (suite)

3. M. LARSEN (Danemark) indique que le Gouvernement danois réserve sa position sur la question de savoir si les privilèges particuliers accordés aux réfugiés devraient être étendus aux apatrides qui ne sont pas des réfugiés.

4. Le PRESIDENT prend acte de cette déclaration, tout en faisant observer que le projet de convention préparé par le Comité n'engage en rien la responsabilité des gouvernements, qui pourront toujours formuler des réserves.

Le protocole concernant les apatrides est adopté avec la réserve formulée par le représentant du Danemark.

SUPPRESSION DE L'APATRIDIE (E/AC.32/4)

5. M. ROBINSON (Israël) signale la différence qui existe entre les alinéas a) et b) dispositif de la résolution 248 (IX) du Conseil économique et social en date du 8 août 1949 : l'alinéa le comité à examiner « s'il est souhaitable d'élaborer une convention revisée et globale relative au statut international des réfugiés et des personnes déplacées et, dans l'affirmative, de préparer le texte de cette convention » ; l'alinéa b) l'invite à « étudier les moyens de supprimer le problème de l'apatridie et d'examiner notamment s'il serait souhaitable d'inviter la Commission du droit international à préparer une étude et à faire des recommandations sur cette question ».

6. Les moyens dont il est question peuvent être soit des mesures particulières que prendraient les gouvernements, soit des mesures collectives dans le domaine internationale, soit les deux à la fois.

7. La première question qui se pose est donc de savoir laquelle des deux méthodes il convient d'adopter. La deuxième, qui en est le corollaire, est la suivante : dans l'hypothèse où il serait jugé souhaitable de régler le problème par voie de convention internationale, faudrait-il rédiger un nouveau projet de conventions existences ?

8. Avant de répondre à ces questions, M. Robinson juge utile de rappeler les étapes qui ont abouti à la résolution du 8 août 1949 du Conseil économique et social. Celle-ci doit son origine à l'initiative de la Commission de droits de l'homme qui a présenté un projet de résolution à la sixième session du Conseil, invitant celui-ci à examiner certaines recommandations concernant une convention sur la nationalité. A sa sixième session, le Conseil a chargé le Secrétaire général d'étudier la question à la lumière des législations nationales et des accords internationaux existants et de soumettre ses recommandations au Conseil. Sur la base des recommandations soumises par le Secrétaire général (E/1112, E/1112/Add.1, et Add.2), le Conseil économique et social a adopté sa résolution du 8 août 1949.

9. Si l'on se/reporte à ces documents, on constate que le Secrétaire général a traité le problème sous deux aspects : celui de l'amélioration de la condition des apatrides existant à l'heure actuelle et celui de l'élimination pure et simple de l'apatridie. Le Secrétaire général a demandé en outre, au Conseil de recommander aux Etats de faire le nécessaire pour diminuer le nombre des apatrides existant chez eux. Or, pour utile que soit une recommandation de cette nature - qui ne manquerait pas d'avoir une influence considérable sur les législations internes, comme ce fut le cas pour la Convention de La Haye de 1930, malgré son échec - elle ne peut avoir qu'un caractère provisoire et il conviendrait de rechercher les moyens permettant d'atteindre l'objectif final qui est la suppression pure et simple des causes de l'apatridie.

10. A cette fin, certains pourraient songer à reprendre, en la modifiant, la Convention de La Haye de 1930. Pour sa part, M. Robinson ne juge pas cette solution satisfaisante, du fait que cette Convention ne repose pas sur le principe de l'égalité de l'homme et de la femme, qu'elle ne résout pas la question de l'expatriation et qu'un grand nombre de ses dispositions, notamment celles ayant trait à la double nationalité, ne sont pas pertinentes pour la suppression de l'apatridie. Pour autant qu'elle traite du problème de l'apatridie, elle est insuffisances et ne saurait servir de base à une convention spéciale sur ce sujet. La seule solution possible est donc d'adopter une nouvelle convention. Reste à savoir quel est l'organe qui doit être chargé d'élaborer cet instrument.

11. M. Robinson n'ignore pas que la question de l'apatridie figure parmi les quatorze sujets de codification arrêtés par la Commission du droit international. Mais il fait observer que celle-ci doit d'abord consacrer son temps à six sujets prioritaires avant d'aborder l'examen de la nationalité et de l'apatridie. Toutefois, il fait remarquer que, si la question de l'apatridie ne figure pas au nombre des sujets prioritaires, c'est surtout parce que la Commission du droit international a constaté qu'elle était déjà inscrite à l'ordre du jour du Conseil économique et social. Quoi qu'il en soit, de l'avis de M. Robinson, la Commission du droit international ne sera pas en mesure d'aborder le problème de l'apatridie avant sa troisième session, en 1951, époque à laquelle elle nommera un Rapporteur dont le rapport ne pourra être examiné qu'en 1952. Il s'ensuit que l'époque la plus rapprochée à laquelle un projet de convention puisse voir la jour est la quatrième session de la Commission du droit international, en 1952. Il faut donc, soit admettre l'urgence de ce problème et l'aborder immédiatement, quitte à renoncer à l'aide technique considérable de la Commission du droit international, soit se résigner à voir s'écouler un temps assez long avant qu'une convention ne puisse voir le jour.

12. M. Robinson estime que la question présente une urgence assez grande pour qu'on n'attende pas le moment où la Commission du droit international sera en mesure de procéder à son examen. La seule solution possible est donc de recommander au Conseil soit de charger le Comité actuel d'élaborer un projet de convention, soit de créer un autre Comité d'experts à cette fin. Bien entendu, le projet de convention ainsi élaboré serait éventuellement présenté aux gouvernements pour observations et serait finalement adopté soit par l'Assemblée générale, soit par une conférence internationale convoquée à cet effet.

13. En conclusion, M. Robinson rappelle que la Commission de la condition de la femme est en train de préparer une convention sur la nationalité de la femme mariée qui pourrait voir le jour avant la convention sur l'apatridie. S'il en était ainsi, on pourrait introduire dans la convention sur l'apatridie les dispositions pertinentes du projet préparé par la Commission de la condition de la femme.

14. La lumière de ces observations, M. Robinson présente au Comité le projet de résolution suivant :

« LE COMITE SPECIAL DE L'APATRIDIE ET DES PROBLEMES CONNEXES.

« CONSIDERANT que le Conseil économique et social l'a chargé d'étudier les moyens de supprimer le problème de l'apatridie et d'examiner notamment s'il serait souhaitable d'inviter la Commission du droit international à préparer une étude et à faire des recommandations sur cette question ;

« AYANT examiné les mémoranda que le Secrétaire général a préparés sur cette question (E/1112, Add. 1 et 2, E/AC.32/3 et 4) ;

« CONSIDERANT que, par sa résolution 116 (VI) D, le Conseil économique et social a invité le Secrétaire général à entreprendre de nouvelles études des législations nationales relatives à l'apatridie ;

« NOTANT que la résolution 242 (IX) C envisage la prompte élaboration d'une convention sur la nationalité de la femme mariée qui soit de nature, entre autre, à prévenir les situations dans lesquelles la femme devient apatride ;

« RECOMMANDE au Conseil économique et social ce qui suit :

« Il est désirable de conclure une convention générale en vue de supprimer l'apatridie ;

« Il y aurait lieu d'inviter le Secrétaire général à achever, dans un bref délai, une étude des législations nationales relatives à l'apatridie et à préparer le texte d'un instrument international sur la suppression de l'apatridie ;

« Ce projet de convention devrait être révisé par le Comité spécial lors de sa deuxième session, ou par un nouveau comité spécial lorsque le Secrétaire général aura achevé les études préliminaires portant sur cette question ;

« Il faudrait inclure dans cette convention certaines parties de la convention projetée concernant la nationalité de la femme mariée ;

« Il y aurait lieu de demander aux Etats Membres de modifier leur législation en vue d'éliminer les causes de l'apatridie et de supprimer complètement l'apatridie ».

15. M. GUERREIRO (Brésil) rappelle que, lors de la discussion de la résolution 116 (VI) D du Conseil économique et social, la délégation du Brésil avait suggéré que le Secrétaire général envisageât, dans l'étude qu'il devait préparer sur le problème de l'apatridie, le rôle que pourrait jouer la Commission du droit international dans la solution de ce problème. La délégation du Brésil n'avait pas manqué de souligner alors la différence qui existe entre le problème de l'amélioration de la condition des apatrides et la suppression pure et simple de l'apatridie. En effet, si le premier nécessite des mesures immédiates en raison de son urgence particulière, le second ne saurait faire l'objet d'une solution hâtive du fait qu'il exigerait de multiples changements dans les législations internes. Or si, dans certains pays, ces changements s'effectuent par vole législative ordinaire, dans d'autres, comme le Brésil, ils nécessiteraient des amendements à la Constitution elle-même. La délégation du Brésil avait donc estimé que l'étude d'une question aussi importante et aussi complexe relevait plutôt de la compétence d'un organe tel que la Commission du droit international. Celle-ci a d'ailleurs elle-même reconnu l'importance de la question, puisque la proposition tendant à ajouter les questions de la nationalité et de l'apatridie à la liste des trois sujets prioritaires n'a été rejetée qu'à une très faible majorité.

16. M. Guerreiro reconnaît qu'en confiant cette tâche à la Commission du droit international on ne pourra être en possession d'un projet de convention avant 1952 tandis qu'un Comité spécial pourrait en présenter un dès 1951. Quel que soit d'ailleurs l'organe qui l'aura élaboré, ledit projet ne pourrait être définitivement adopté par l'Assemblée générale ou par une conférence internationale convoquée à cette fin qu'à une date beaucoup plus éloignée. Reste donc à savoir si, pour résoudre un problème d'une importance et d'une importance et d'une complexité si grandes un délai d'un an présente un inconvénient majeur ou si, au contraire, une plus longue période de gestation ne permettrait pas d'élaborer en fin de compte un projet plus facilement acceptable pour les Gouvernements. Pour sa part, M. Guerreiro ne croit pas que le problème sot d'une telle urgence et il propose en conséquence que le Conseil recommande à l'assemblée générale de renvoyer la question à la Commission du droit international en tant que question prioritaire. Celle-ci le réglerait dans le cadre du problème plus général de la nationalité ce qui permettrait ensuite aux Gouvernements de modifier leur législation nationale simultanément sur ces deux matières. En attendant, l'Assemblée générale pourrait recommander aux Gouvernements de faire tour leur possible pour supprimer les causes de l'apatridie dans leur pays.

17. M. HENKIN (Etats-Unis d'Amérique) remercie le représentant d'Israël d'avoir fait de la situation une analyse aussi claire. Il constate que, d'une façon générale, les diverses délégations reconnaissent que le Comité n'est pas, pour le moment, en mesure de résoudre cette question ; le problème se pose donc de savoir quel organe devra la traiter.

18. Comme certains l'ont fait remarquer, la Commission du droit international se trouve déjà saisie de cette question, et il y a donc chevauchement des divers organes des Nations Unies. Toutefois, retirer cette question de l'ordre du jour de la Commission du droit international, pour la renvoyer devant un comité spécial, semble peu judicieux. C'est une méthode à laquelle on peut avoir recours dans certains cas, mais encore faudrait-il, si on l'adoptait en l'occurrence, pouvoir justifier l'urgence du problème. M. Henkin tient à rappeler que, bien qu'il ait atteint une acuité particulière lors des cinquante dernières années, ce problème confronte l'humanité depuis plusieurs siècles. En outre, si un comité spécial était saisi de cette question et s'il élaborait une convention, celle-ci n'en serait pas moins du ressort de la Commission du droit international, devant laquelle elle finirait par revenir. Ainsi donc on se retrouverait au point de départ, la Commission du droit international devant étudier et trancher la question.

19. D'autre part, le Comité pourrait se dessaisir du problème et le renvoyer à la Commission du droit international, en demandant au Conseil économique et social de recommander à cette dernière de reviser son ordre du jour pour accorder une priorité à l'examen de ce problème. Toutefois, là encore, le Comité devrait justifier l'urgence du problème.

20. Dans ces conditions, M. Henkin se demande si le Comité, sans prendre de décision finale sur une problème qu'il n'est pas en mesure de résoudre actuellement, ne pourrait pas, tout au moins, en commencer l'étude, en formulant par exemple des recommandation, visant la législation internationale, laissant à la Commission du droit international le soin d'en compléter l'examen et ultérieurement d'y apporter une solution.

21. Sir Leslie BRASS (Royaume-Uni) fait observer que le problème de l'apatridie ne constitue qu'un aspect du problème plus large des nationalités. D'une façon générale la cause de l'apatridie réside dans un conflit entre les législations nationales, ce conflit se manifestant essentiellement dans cinq cas ; la naissance, le mariage ou la dissolution du mariage, le renoncement volontaire à la nationalité, le retrait de la nationalité par un gouvernement et, enfin, lors des changements territoriaux intervenus dans un pays donné. Dans ce dernier cas, une convention générale est inapplicable, et c'est aux gouvernements intéressés qu'il appartient de résoudre le problème des nationalités, en se fondant sur les modifications intervenues dans la situation territoriale. C'est ce qu'on fait les gouvernements du Royaume-Uni et de la Birmanie, lorsque cette dernière c'est séparée du Commonwealth britannique.

22. Sir Leslie Brass tient à rappeler que la Conférence de La Haye de 1930 a été réunie pour traiter de la codification d droit international et c'est dans ce but qu'elle a étudié le problème des nationalités. Si, en ce qui concerne ce problème, elle n'a pu, étant donné la diversité des lois internationales, aboutir à des conclusions précises sur l'ensemble du problème de la nationalité, la Conférence de La Haye n'en a pas moins introduit dans la convention qui résulta de ses travaux certaines dispositions visant la naissance et le mariage qui, si elles avaient été appliquées, auraient contribué jusqu'à un certain point à supprimer l'apatridie. Toutefois, seule une douzaine d'Etats environ ratifièrent la Convention, ce qui montre bien tant les difficultés du problème que la répugnance des Etats à modifier leur législation national. Un aspect du problème, à savoir l'élimination de l'apatridie par le mariage et la dissolution du mariage intéresse un autre organe du Conseil économique et social, la Commission de la condition de la femme et les travaux que cette Commission a entrepris dans ce sens permettront peut-être d'éliminer une cause d'apatridie. Il se peut que la Commission du droit international envisage le même problème d'un point de vue différent, mais il sera nécessaire, en définitive de tenir compte des deux points de vue.

23. La Commission du droit international, pour sa part, n'étudiera, sans aucun doute la question de l'apatridie que comme partie d'un sujet général le problème des nationalités, qui figure a son ordre du jour, et dans l'esprit juridique qui est le sien. Or, le problème de l'apatridie comporte des aspects politiques, et social qui ne semblent guère être du ressort de la/Commission du droit international et qu'elle ne peut étudier/sérieusement sans être guidé pour le faire par des gouvernements. On a dit que le Secrétariat pourrait apporte une aide appréciable à la Commission du droit international en préparant des documents à ce propos. Sir Leslie Brass fait remarquer que le Secrétariat a déjà procédé à une étude complète de cette question et qu'il continue de tenir à jour les documents qu'il a établis. Il serait donc peu raisonnable de charger le Secrétariat de nouvelles tâches dans ce domaine.

24. Dans ces conditions, et comme Sir Leslie Brass ne pense pas, pour sa part, que le problème revête un caractère d'urgence exceptionnel, le Conseil économique/et social pourrait peut-être faire des recommandations aux gouvernements sur l'élimination de l'apatridie et pourrait leur suggérer une méthode simple et pratique pour appliquer ces recommandations. Quoi qu'il en soit, Sir Leslie Brass ne pense pas que le Comité puisse, en ces derniers jours de sa session, étudier en détail la rédaction d'un projet de convention.

25. M. PEREZ PEROZO (Venezuela) pense qu'il ressort, tant du mémorandum établi par le Secrétaire général que des diverses déclarations qu'a entendues le Comité, que le Comité peut résoudre le problème dont il est saisi en suivant l'une des deux méthodes suivantes : 1) en recommandant aux gouvernements par l'entremise du Conseil économique et social puis de l'Assemblée générale de modifier leur législation nationale pour faire disparaître les causes de l'apatridie, ou 2) en élaborant une convention appropriée pour éliminer ces causes. A la lumière des déclarations que le Comité a entendues - et M. Perez Perozo pense particulièrement à l'exposé du représentant d'Israël - il apparaît que la première méthode n'est guère efficace. Il convient donc d'avoir recours à la seconde et, dans ce cas, on peut charger le cette tâche trois organes différents : le Secrétariat, un comité spécial établi à cet effet ou la Commission du droit international.

26. Faire appel au Secrétariat aurait l'avantage de s'assurer le concours d'experts compétents tant du Département juridique que de celui des questions sociales. Cela permettrait également de se conformer aux résolutions de l'Assemblée générale qui invitent les Membres de l'Organisation des Nations Unis à faire appel dans toute la mesure du possible, aux services du Secrétariat. Toutefois, le Secrétariat est un organe essentiellement administratif qui ne peut donc pas prendre d'initiative de caractère politique. Les projets et documents qu'il rédige énoncent toutes les solutions possibles aux problèmes envisagés, laissant aux gouvernements le soin de choisir celle qu'ils jugent la plus appropriée. De plus, lorsque les instruments préparés par le Secrétariat sont présentés à l'organe saisi de la question celui-ci, comme cela s'est produit pour la Convention sur le génocide, peut estimer que ces instruments ne possèdent pas le caractère juridique nécessaire et créer un comité spécial chargé de les mettre au point. Il en résulte un chevauchement des organes que certains ont déjà signalé, chevauchement qui entraîne des répercussions financières qui sont loin d'être négligeables.

27. En ce qui concerne la deuxième solution, celle qui consiste à créer un comité spécial, il est douteux qu'elle recueille l'approbation du Conseil car, pour des raisons financières, la plupart des Etats Membres se sont déclarés opposée à l'accroissement des organes d Conseil. D'autre part, le Conseil ne sera probablement pas disposé à renouveler la mandat du comité spécial de l'apatridie.

28. Reste donc la troisième solution, celle qui consiste à renvoyer la question à la Commission du droit international. L'ordre du jour de celle-ci comporte déjà une longue liste de problèmes, dont trois au moins doivent être examinés par priorité. La Commission du droit international ne serait sans doute pas en mesure d'étudier le problème de l'élimination des causes de l'apatridie avant sa troisième session. Conformément à son statut, elle nommerait alors un rapporteur chargé de procéder aux études préliminaires et d'envoyer des questionnaires aux divers gouvernements. Tout cela exigera du temps. En 1952 ou 1953, la Commission du droit international, pourvue de ces renseignements, prendrait une décision qu'elle devrait publier et envoyer aux gouvernements afin que ceux-ci lui fassent part de leurs observations. Enfin, en 1954, le problème reviendrait devant l'Assemblée générale qui pourrait, soit le trancher de son propre chef, soit convoquer une conférence internationale à cet effet. Il apparaît donc clairement que la troisième méthode exigera un temps assez long. Toutefois, il convient de souligner que la Commission du droit international est, par excellence l'organe compétent pour traiter le problème de l'élimination des causes de l'apatridie. En outre, ce problème ne présente pas un caractère d'urgence ; il est beaucoup moins immédiat que le problème des réfugiés, le nombre des apatrides étant de beaucoup inférieur à celui des réfugiés. D'autre part, si l'on estime que le problème est urgent, on peut toujours demander à la Commission du droit international de modifier l'ordre de priorité des question dont elle est saisie.

29. Enfin, le Conseil économique et social peut demander à l'Assemblée générale de recommander aux Etats Membres de modifier leur législation nationale afin de supprimer les causes de l'apatridie et d'adopter la Convention de la Haye dont certaines dispositions seront fort utiles pour la solution du problème des apatrides.

30. Quelle que soit la méthode qu'on adoptera, M. Perez Perozo souligne que, pour sa part, il estime que c'est la Commission du droit international qui est l'organe tout désigné pour traiter le problème de l'apatridie.

31. M. LIANG (Secrétaire de la Commission du droit international), prenant la parole sur l'invitation du Président, signale que la Commission du droit international, lorsqu'elle a examiné la liste provisoire des sujets/de droit international dont elle pourrait entreprendre la codification s'est tout particulièrement intéressée au problème de l'apatridie, considéré dans le cadre plus général de la question de la nationalité. Cependant, ayant appris que le Conseil économique et social avait l'intention d'étudier le problème de l'apatridie, la Commission du droit international a pensé qu'il serait peut-être préférable de laisser au Conseil le soin d'en terminer d'abord avec cette question, étant donné/surtout le caractère d'urgence que l'on pouvait aisément lui attribuer.

32. Il semble maintenant que l'on envisage de renvoyer le problème de l'apatridie à la Commission du droit international. A ce sujet, M. Liang voudrait faire observer que les travaux de la Commission du droit international se déroulent effectivement suivant une procédure assez lente, mais que les représentants du Brésil et du Venezuela ont peut-être fait preuve d'un pessimisme exagéré à cet égard. Si la Commission du droit international se saisissait de la question, elle désignerait un Rapporteur et adresserait un questionnaire aux divers gouvernement et le Rapporteur entreprendrait l'étude du problème ; mais, ce faisant, le Rapporteur verrait sa tâche grandement facilitée par l'existence d'une documentation abondante sur le sujet, réunie par les soins de la Société des Nations, notamment à l'occasion de la Conférence de la Haye de 1930. Les travaux préliminaires se trouveraient abrégés de ce fait et, très probablement, la Commission du droit international pourrait étudier le texte même du projet de convention lors de sa session de 1951.

33. D'autre part, certains représentants se sont demandé si la Commission du droit international pourrait être saisie de la question par le Conseil économique et social pendant sa session de 1950. Il semble que l'on puisse répondre affirmativement à cette question, puisque le Conseil économique et social se réunira en juillet 1950, alors que la Commission du droit international sera toujours en session.

34. Enfin, comme l'ont fait observer certains membres du Comité, il ne serait peut-être pas à propos de créer un comité, spécial ou autre, pour étudier une question dont pourrait être chargé un organe déjà existant des Nations Unies. Cela se justifierait d'autant moins que la Commission du droit international est parfaitement compétence pour traiter de questions ayant un caractère juridique et politique En effet, lorsqu'il a été décidé que la Commission s'occuperait des projets de développement progressif du droit international, il a été prévu que, dans ce domaine, elle devrait tenir davantage compte du point ce vue des gouvernements lorsqu'elle s'emploierait à la codification du droit international, c'est-à-dire à la seule codification du droit coutumier.

35. M. LARSEN (Danemark) rappelle que, aux termes de son mandat, le Comité spécial de l'apatridie et des problèmes connexes a été chargé, au premier chef, d'étudier les moyens de supprimer le problème de l'apatridie, ce n'est que par la suite et s'il se voit dans l'impossibilité de résoudre le problème, que le Comité devra décider de l'organe auquel il conviendrait, à son avis, de renvoyer la question. Il serait assez surprenant que le Comité adoptât, dès maintenant, une recommandation renvoyant le problème de l'apatridie à quelque autre organe.

36. Au cas, cependant, où le Comité estimerait ne pas pouvoir résoudre la question par lui-même, il semble que la Commission du droit international soit toute désignée, étant donné sa compétence particulière en la matière, pour se charger de cette tâche. A ce propos, il convient de souligner que la question de la suppression de l'apatridie, qui se pose depuis très longtemps, n'a pas le même caractère d'urgence que celle du statut des réfugiés, par exemple ; il importe peur qu'elle soit résolue en 1952 ou en 1953 seulement. Rien ne justifie donc la création d'un comité spécial, qui, de plus, risquerait de se trouver, à la fin de ses travaux, dans la même situation que le présent Comité spécial de l'apatridie et des problèmes connexes.

37. M. WEIS (Organisation internationale pour les réfugiés) souligne que son organisation ne s'intéresse qu'aux seuls apatrides qui sont en même temps réfugiés C'est donc plutôt à titre privé et en sa qualité de juriste spécialiste des questions de nationalité que M. Weis voudrait intervenir dans la discussion.

38. M. Weis s'étonne de voir le Comité aborder la discussion de ce problème par des considérations sur la procédure à suivre. En effet, comme l'a fait remarquer le représentant du Danemark, le Comité a été chargé, essentiellement, d'étudier les moyens de supprimer l'apatridie, c'est-à-dire d'examiner les causes de l'apatridie pour y trouver des remèdes. Le représentant du Royaume-Uni a énuméré quelques-unes des causes de l'apatridie. Le Comité dispose également sur cette question du remarquable mémorandum préparé par le Secrétariat. M. Weis voudrait ajouter qu'il est difficile de résoudre, sur le plan du droit international, une question qui intéresse, au premier chef, la législation nationale des Etats.

39. En ce qui concerne la valeur pratique de la Convention de la Haye de 1930, M. Weis ne partage pas tout à fait le point de vue du représentant d'Israël. Sans doute serait-il nécessaire de compléter les dispositions adoptées à la Haye, en ce qui concerne notamment le statut des femmes mariées, mais la ratification et l'application de ces dispositions par les Etats contribueraient certainement à résoudre le problème de la suppression de l'apatridie, problème dont la difficulté vient de son caractère en grande partie politique.

40. En conclusion, M. Weis estime que le Comité devrait commencer par examiner le fond même du problème, c'est-à-dire les causes et remèdes de l'apatridie. Peut-être s'apercevra-t-on alors que certains de ces remèdes doivent être recherchés dans le domaine du droit international, alors que d'autres ne peuvent faire l'objet que de recommandations adressées aux gouvernements ; peut-être s'apercevra-t-on également que ces remèdes présentent un caractère d'urgence plus ou moins grand. Ce n'est qu'après s'être prononcé sur le fond même de la question, et avoir entendu les vues de ses membres, qui sont à la fois des expert a et les représentants de leurs gouvernements, que le Comité pourra prendre une décision concernant la procédure à suivre.

41. Le PRESIDENT fait observer que, en effet, rien dans le mandat du Comité ne l'empêche d'étudier les causes de l'apatridie et de faire figurer ses conclusion à ce sujet dans son rapport au Conseil. En même temps, le Président attache beaucoup d'importance aux propositions du représentant d'Israël qui fixent le sujet de la discussion de façon très heureuse.

42. D'une façon générale, le Président a été très impressionné par les arguments de ceux des représentants qui sont opposés au renvoi d la question à un organe autre que la Commission du droit international ; en même temps, il sait que l'ordre du jour de la Commission est particulièrement chargé ; aussi se demande-t-il s'il ne serait pas préférable de faire préparer, en dehors de la Commission du droit international, un projet de convention qui serait ensuite renvoyé à la Commission ; cela épargnerait à cet organe tous les travaux préliminaires.

43. D'autre part, le Président pense que le Comité pourrait peut-être adopter quelque recommandation de caractère très simple, invitant les Gouvernements à revoir les dispositions pertinentes de leur législation en vue d'y apporter les modifications nécessaires pour supprimer l'apatridie.

44. M. CHA (Chine) envisage deux moyens de résoudre le problème de la suppression de l'apatridie, d'une part par l'élaboration d'une convention internationale, de l'autre, par l'adoption de recommandations destinées aux gouvernements.

45. Examinant plus particulièrement le cas des russes blancs résidant en Chine, M Cha fait observer que ces personnes ont passé de longues années en Chine dans la plus parfaite tranquillité sans jamais chercher à se faire naturaliser. A l'annonce de l'arrivée des troupes communistes, ces personnes ont émigré aux Philippines, ce qu'elles n'auraient peut-être pas été contraintes de faire si elle avaient été naturalisées.

46. Selon M. Cha, si la question de l'apatridie était portée à l'attention de [....] si le problème faisait l'objet de décisions par un organe compétent en matière de droit international, les apatrides pourraient étalement être lus enclins à se faire naturaliser.

47. En conclusion, M. Cha pense que le Comité devrait étudier le problème et faire des recommandations positives au conseil économique et social, au lieu de se contenter simplement de renvoyer la question à la Commission du droit international.

La séance est levée à 12 heures 55.