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Intervention de M. Jean-Pierre Hocké, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la session spéciale sur l'Afrique du Comité administratif de coordination, le 30 juin 1986 à Genève

Discours et déclarations

Intervention de M. Jean-Pierre Hocké, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, à la session spéciale sur l'Afrique du Comité administratif de coordination, le 30 juin 1986 à Genève

30 Juin 1986

Le 30 juin 1986

Monsieur le Secrétaire général,

Permettez-moi tout d'abord de me joindre à ceux qui vous ont exprimé leur sentiment de gratitude pour la part que vous avez prise à l'organisation et à la conduite de cette session spéciale sur l'Afrique. Permettez-moi aussi de restreindre mes propos aux remarques que vous avez faites sur les réfugiés et à la nécessité de voir ce problème de manière globale.

De retour ce matin d'un voyage dans la Corne de l'Afrique, je suis plus convaincu que jamais de la nécessité de cette vision globale et d'une répartition saine et adéquate des efforts entre nous, ainsi qu'avec d'autres organisations. En effet, si nous nous en prenons d'abord à l'assistance qu'il faut apporter immédiatement dès que des groupes de réfugiés apparaissent quelque part, il est clair que cette première assistance a un caractère d'urgence puisqu'elle recouvre la distribution de denrées alimentaires et l'administration des soins médicaux. Cependant, permettez-moi de dire d'emblée ma conviction que cette aide d'urgence doit être limitée autant que faire se peut, car elle est chère, et beaucoup trop chère à long terme. En conséquence, et presque en parallèle, il y a lieu d'entreprendre quelques investissements, de mener des actions concrètes qui permettent de résoudre les problèmes que les réfugiés, et peut-être aussi les populations locales, rencontrent dans les domaines de l'eau, de la santé et de l'éducation. Enfin, il est de plus en plus souhaitable d'augmenter très rapidement la capacité des réfugiés à l'autosuffisance (ne parlons pas de solutions durables) afin de ne plus être totalement tributaires de l'assistance.

Je crois que ces trois types d'actions et de programmes, à eux seuls déjà, impliquent cette répartition des tâches et cette coordination des efforts qui, heureusement, ont été déployés dans bien des situations au cours de ces dernières années. Cependant, ce premier geste, cette première réaction, dans le domaine de l'assistance doit aussi se doubler le plus rapidement possible, d'une recherche de solutions. Bien que cela semble un truisme, je crois que ceux qui, jour après jour, mois après mois, année après année, voient ces situations de réfugiés, acquièrent la conviction que cette recherche de solutions représente le seul espoir d'atténuer, à défaut de le supprimer totalement, ce phénomène des réfugiés et d'inverser les courants. La aussi, souvenons-nous qu'il y a trois types de solutions possibles :

  • Le séjour temporaire dans les pays de premier asile qui, aujourd'hui hélas, implique si souvent de la part des pays hôtes, non seulement la manifestation de l'hospitalité traditionnelle et séculaire mais encore des contributions directes ou indirectes considérables. En effet, au cours de ce récent voyage, j'ai encore pu me rendre compte de l'extrême gravité des dommages infligés par les réfugiés à l'écologie environnante. Quand on voit que dans un rayon de 20 à 25 kilomètres, il ne reste plus un arbuste et qu'au-delà la forêt est dense, on comprend ce à quoi aboutissent ces concentrations d'êtres humains laissés très largement à eux-mêmes. Cette première solution ne peut donc être que temporaire.

  • La deuxième solution, bien sûr et il ne faut pas l'oublier, implique que, pour une minorité de réfugiés, la réinstallation dans les pays tiers est indispensable, car ils ne pourront ni rester où ils sont ni rentrer dans leur pays, du moins dans un avenir prévisible.

  • Enfin, la solution la plus naturelle et la plus souhaitable est le retour dans la patrie. A cet égard, je crois que parallèlement à l'assistance donnée, des efforts accrus doivent être consentis et que, chaque fois qu'une petite lueur existe, qu'une porte s'entrouvre vers le rétablissement du dialogue entre deux pays, deux entités qui se combattent, il convient de toujours prendre en compte non seulement l'existence du réfugié, mais surtout l'autorisation de rentrer. Ce faisant, on s'attaque véritablement aux causes. On peut démontrer une volonté globale de s'en prendre à ces mêmes causes et de véritablement travailler en faveur de solutions.

Malheureusement, trop souvent et constamment au cours des dix ou quinze dernières années, le nombre des réfugiés n'a fait que croître. Sa diminution est rare, accidentelle, miraculeuse. Je reste convaincu que bon nombre de gouvernements, ces dernières années, ont redécouvert le risque souvent fatal qu'ils courent à laisser sur leur territoire moisir des dizaines, des centaines, voire des millions de personnes. Cette nouvelle prise de conscience, qui doit bien sûr se traduire par une volonté politique concrète de renouer le dialogue et de rechercher des solutions, va nous permettre, dans les mois et les années à venir, d'engendrer un phénomène « boule de neige ».

C'est donc dans cette double perspective d'assistance immédiate et de recherche tout aussi immédiate de solutions que souhaite travailler l'organisation que je conduis. C'est aussi dans cette optique que j'envisage, plein d'espoir, la coopération à laquelle vous nous invitez, Monsieur le Secrétaire général, en particulier avec vous, dès l'instant où les aspects politiques sont en jeu, car, ne l'oublions pas, le HCR reste et doit rester une organisation humanitaire - mais aussi avec les autres institutions, dont les responsables sont réunis dans cette salle aujourd'hui, et avec lesquelles mon Office a pu mener, au cours des dernières années, une action déjà très concrète dans des domaines tels que l'agriculture, la santé, le travail, l'enfance, etc.

Cette coopération, je vous l'offre plus que généreusement, car je sais par expérience que seul on n'achève rien et qu'ensemble on peut nourrir un petit espoir d'être plus fort et donc de réussir quelque chose.

Je vous remercie, Monsieur le Secrétaire général.