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Pour le chef du HCR, la stabilité régionale et internationale exige de résoudre la crise des déplacements

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Pour le chef du HCR, la stabilité régionale et internationale exige de résoudre la crise des déplacements

Avec 79,5 millions de personnes déracinées à travers le monde, Filippo Grandi exhorte le Conseil de sécurité des Nations Unies à user de son autorité pour réclamer la paix et l'inclusion pour les personnes déracinées.
18 Juin 2020
Une famille congolaise à Tshikapa dans la région du Kasaï, centre-sud de la République démocratique du Congo, en novembre 2019. La sécurité étant revenue dans leur région d'origine, la famille venait d'y rentrer depuis l'Angola.

GENÈVE – Mettre fin aux conflits à l'origine des déplacements sans précédent à travers le monde est à la fois une exigence morale et un impératif pour la stabilité internationale, a déclaré ce jour le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés à la réunion d'un organe majeur des Nations Unies.

Dans un exposé au Conseil de sécurité des Nations Unies, Filippo Grandi, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a déclaré que le monde attend « des messages décisifs, clairs et unanimes visant à mettre fin aux conflits et à rechercher des solutions de paix. »

« Résoudre la crise des déplacements forcés n’est pas seulement une exigence morale ou humanitaire ; elle pèse en effet sur des domaines essentiels pour la stabilité régionale et internationale et pour la stabilité de l'économie internationale », a-t-il précisé dans son exposé via Internet.

Il s'agit de « domaines cruciaux pour l’avènement de la justice dans un monde qui aspire à la réconciliation afin que nul ne soit laissé pour compte », a-t-il ajouté.

Filippo Grandi s'exprimait à l'occasion du lancement d'un rapport statistique du HCR, l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés, selon lequel 79, 5 millions de personnes – un chiffre sans précédent représentant 1% de l'humanité – étaient déracinées par les conflits et les persécutions à la fin 2019, avec une baisse toujours plus importante du nombre de déracinés en mesure de rentrer chez eux.

« Résoudre la crise des déplacements forcés n’est pas seulement une exigence morale ou humanitaire, c’est… essentiel pour la stabilité régionale et internationale. »

Ce chiffre comprend 45,7 millions de femmes, d’enfants et d’hommes qui ont fui vers d’autres régions de leurs propres pays, et 29,6 millions de réfugiés et autres personnes déracinées dans des pays autres que le leur.

Selon Filippo Grandi, cette hausse sans précédent rend compte de l’impact humain de décennies de crises, de guerres, de fracture sociale, de violences et de persécutions, exacerbées par l’urgence climatique, l’inégalité et l’exclusion.

« Lorsque le multilatéralisme que vous représentez ne tient pas sa promesse, les conséquences se font sentir non dans les capitales de notre planète, ni dans les foyers des puissants et des nantis », a-t-il ajouté.

« Elles se font sentir aux périphéries des nations, dans les communautés frontalières, chez les personnes défavorisées vivant en milieu urbain et dans la vie de ceux qui n’ont pas de pouvoir, y compris les réfugiés et les déracinés dont l'histoire se résume trop souvent à des chiffres et des statistiques. »

La situation actuelle est encore aggravée par la pandémie de Covid-19 qui a eu pour effet de « démultiplier les causes du déplacement auxquelles elle s'est conjuguée », a précisé Filippo Grandi.

« Le Covid-19 a révélé leurs vulnérabilités encore plus crûment, minant toujours davantage leur capacité à se sortir de situations difficiles… et réduisant à néant l’espoir d'un avenir meilleur qu'ils entretenaient encore. »

Rappelant la pertinence et l'importance du Pacte mondial sur les réfugiés – un cadre mondial visant un partage plus prévisible et équitable des responsabilités, adopté par l'Assemblée générale des Nations Unies à la fin de 2018 – Filippo Grandi a réaffirmé que « nous avons encore besoin de direction et d'une action concertée de votre part. »

Filippo Grandi s’est concentré sur trois domaines d'action, en premier lieu les moyens de mettre fin à l'augmentation constante des déplacements.

Il a rappelé la situation dans le Sahel où l'insécurité, exacerbée par le changement climatique, entraîne une augmentation des déplacements. L'insécurité alimentaire dans cette région qui inclut le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, le Niger et la Mauritanie touche aujourd'hui plus de 5 millions de personnes. Vu la destruction ou la fermeture d'environ 3600 écoles du fait des conflits et le verrouillage du système éducatif tout entier suite au Covid, il pressent « la création d'un terreau fertile pour le recrutement forcé de jeunes par les groupes armés. »

Même si les agences humanitaires tentent de jouer leur rôle, aux côtés des acteurs du développement, des institutions financières internationales et des organismes bilatéraux, Filippo Grandi estime qu’il faut « une application bien plus stratégique de l'aide au développement pour s'attaquer vraiment aux causes profondes de cette situation, outre la sécurité, en tenant compte… de l'augmentation du déplacement. » A défaut, il craint que l'insécurité « ne s'étende » aux États d'Afrique de l'Ouest et qu'elle vienne intensifier les conflits dans le bassin du Lac Tchad.

Parallèlement, les départs depuis la Libye pour rejoindre l'Europe par la mer sont de nouveau en augmentation après un recul temporaire. Filippo Grandi a exhorté les dirigeants à adopter une position commune et à tirer parti du processus de paix en cours.

Il a ensuite appelé les États à maintenir durablement la protection, se faisant ainsi l'écho de l'appel lancé par le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, en avril dernier en vue d'un cessez-le-feu mondial.

« Le Covid a interrompu la majeure partie de nos activités, mais il ne semble pas avoir mis fin à la guerre. En dépit de l'appel lancé par le Secrétaire général en vue d'un cessez-le-feu mondial, les conflits n'ont cessé de croître. »

« Le Covid a interrompu la majeure partie de nos activités, mais il ne semble pas avoir mis fin à la guerre. »

Il note que dans les deux mois qui ont suivi l’apparition de la pandémie, 19 pays ont assisté à de nouveaux déplacements internes, avec 700 000 personnes déplacées internes à travers le monde, y compris par suite de crises nouvelles ou croissantes comme celle qui sévit au Mozambique.

Alors que 75% des États ont totalement ou partiellement fermé leurs frontières – certains sans faire d'exception pour les demandeurs d'asile, mettant ainsi un peu plus en péril le droit à la protection – il a remercié les États qui ont gardé leurs portes ouvertes.

Filippo Grandi a appelé à redoubler les efforts de soutien envers les pays qui accueillent 5 millions de Vénézuéliens exilés et pour les efforts visant à « dépolitiser les questions humanitaires » concernant les réfugiés syriens dont le pays est aujourd'hui dans sa dixième année de conflit.

« Nous avons vraiment besoin que le Conseil de sécurité s'efforce de définir une position internationale visant enfin à faire émerger des solutions à ces conflits et à créer des espaces où les communautés peuvent véritablement retrouver leurs marques. » Dans l'intervalle, il a appelé à une augmentation urgente du soutien envers les pays hôtes, submergés par les pressions économiques et les conséquences du Covid.

Dans ce contexte mondial difficile, Filippo Grandi a exhorté le Conseil de sécurité à « ne pas renoncer à trouver des solutions. »

Il a souligné que deux tiers des réfugiés, soit 26 millions de personnes, viennent de seulement cinq pays : l’Afghanistan, le Myanmar, le Soudan du Sud, la Syrie et le Venezuela.

« Si nous pouvions trouver un début de solution dans un seul de ces cinq pays, nous transformerions la vie de millions de personnes », a-t-il conclu. « Il est très important de ne pas renoncer, de ne pas baisser les bras face aux discours qui prônent l'impuissance. »

 

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