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« Si je ne pouvais pas étudier, je me sentirais paralysée »

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« Si je ne pouvais pas étudier, je me sentirais paralysée »

Grâce à une bourse d'études DAFI, Kobra Yusufy, une réfugiée rapatriée de 27 ans, peut étudier le génie informatique à l'Université de Kaboul et poursuivre son rêve de devenir enseignante.
24 Avril 2020
Kobra Yusufy, une rapatriée afghane de 27 ans, chez elle dans son salon à Kaboul, Afghanistan.

Depuis 1992, le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, a attribué plus de 18 500 bourses d’études à de jeunes réfugiés à travers le monde entier pour leur permettre de poursuivre des études universitaires. Principalement financé par le gouvernement allemand, le programme DAFI met à leur disposition des allocations visant à couvrir les frais d’inscription, les manuels, l’alimentation, le transport et d’autres dépenses.


Kobra Yusufy, 27 ans, a passé de nombreuses années à regarder son grand frère travailler au clavier d’un ordinateur emprunté. Passionnée par le volley-ball, le vélo et le tissage de tapis, Kobra rêvait d’étudier le génie informatique. Ses parents sont illettrés. Son père gagne sa vie en transportant les effets des habitants, en brouette d’un endroit de la ville à l’autre, et il gagne tout juste assez d’argent pour subvenir aux besoins de la famille. 

Aujourd’hui, Kobra étudie le génie informatique à l’Université de Kaboul grâce à une bourse d’études DAFI. Elle est l’une des premières boursières DAFI en Afghanistan et rêve de pouvoir un jour enseigner l’informatique aux jeunes.

Née en exil en Iran, Kobra est rentrée en Afghanistan avec sa famille à l'âge de neuf ans. Un an plus tard, la famille a dû fuir de nouveau, cette fois vers le Pakistan. En 2006, la famille est rentrée à Kaboul dans le cadre d'un programme de rapatriement volontaire du HCR.

Robina Raoufi, elle-même boursière DAFI qui aspire à devenir journaliste, a interviewé Kobra. Voici un extrait de leur entretien.*

« Regarder mon frère travailler sur son ordinateur à la maison m'a fait prendre conscience de l'indépendance dont il jouissait. »

Q : Que pensais-tu faire de ta vie si tu n'avais pas pu étudier ?

R : Si je ne pouvais pas étudier, je me sentirais paralysée. Je ne serais qu’un corps errant dans ce monde et je ne pourrais pas contribuer à la société.

Q : Comment as-tu entendu parler du programme DAFI ?

R : L'une de mes camarades de classe a trouvé une brochure à l'Université de Kaboul et peu de temps après, le HCR a organisé une réunion d'information. La beauté du programme DAFI, c'est qu'on peut bénéficier d'une bourse sans avoir besoin d'aller dans un pays tiers, ce qui permet de rester proche de sa famille tout en poursuivant son éducation.

Q : Pourquoi as-tu choisi d'étudier le génie informatique ?

R : Mon grand frère est ingénieur en informatique. Il travaillait à la maison sur un ordinateur emprunté à une connaissance. C'est de le regarder travailler à l'ordinateur qui a éveillé mon intérêt. Ce qui m'intéressait le plus, c'était le codage. J'avais surtout envie d'en savoir davantage sur la façon dont le système de crédit en ligne était raccordé à la téléphonie mobile. Une autre chose qui m'intéressait, c'était comment on utilisait le codage pour développer des jeux en ligne. Regarder mon frère travailler sur son ordinateur à la maison m'a fait prendre conscience de l'indépendance dont il jouissait. Il est son propre patron et il est libre de travailler à n'importe quelle heure, de jour comme de nuit. Ça aussi ça me plaisait. »

Q : Quels sont tes projets une fois que tu auras décroché ton diplôme ?

R : Je veux travailler au bureau national des passeports pour gagner ma vie. Mais en attendant, je voudrais aussi enseigner en parallèle, ça serait pour moi une façon de soutenir les communautés. Je sais ce que c'est de souffrir d'un manque d'éducation. Avec mes camarades de classe, je veux mettre en place pour les élèves des écoles des cours gratuits d'une durée de trois à quatre mois et ça me ferait vraiment plaisir de pouvoir les dispenser dans mon ancien lycée. 

D'autres parents poussent leurs enfants à étudier la médecine ou d'autres sujets. Mon père a toujours dit qu'il voulait que j'étudie et que je devienne enseignante, ce que j'apprécie vraiment. Au final, j'aimerais un jour enseigner à plein temps et enseigner à la jeune génération. Ça me rendra très heureuse.

Q : Tu viens de dire que tu sais ce que c'est que ne pas avoir les moyens d'étudier. Peux-tu en dire davantage sur ce sentiment ?

R : Je me sentais triste et isolée et c'était particulièrement douloureux pour moi de ne pas pouvoir avoir les réponses aux questions que je me posais. Il y a aussi que nous avions des enseignants non qualifiés [à l'école primaire et secondaire]. Je m'inquiétais beaucoup de ne pas obtenir des notes suffisantes pour avoir mes examens.

Q : Qu'est-ce que tu as éprouvé à ton premier jour à l'université ?

R : Ce qui m'inquiétait surtout, c'était les enseignants. J'avais entendu mes amis dire que les enseignants étaient plus sérieux à l'université et qu'il y avait énormément de compétition parce qu'il y avait tant d'hommes et de femmes intelligents, dont beaucoup étaient sortis premiers de leur classe au lycée. J'étais enthousiaste, mais j'étais nerveuse aussi.

« J'aimerais enseigner à la jeune génération. Ça me rendra très heureuse. »

Q : Quand as-tu commencé à jouer au volley-ball ?

R : C'est mon grand frère qui m'a encouragée à aller avec lui. On a joué ensemble dans une équipe composée d'enseignants et d'étudiants d'universités privées et publiques, dont l'Université de Kaboul. Il y a deux autres filles dans l'équipe qui enseignent à l'université. Le reste de l'équipe, ce sont des hommes.

Q : As-tu d'autres passe-temps ?

R : J'adore faire du vélo, même si ce n'est pas très commun chez les filles en Afghanistan. Jusqu'à présent, je n'ai pas vraiment eu de problème. En général, les gens se contentent de dire 'Oh, regarde cette fille en vélo !' Mais ça se limite à ça. Je me sens très à l'aise quand je fais du vélo.

Q : Penses-tu continuer à tisser des tapis ?

R : Oui, je peux toujours tisser. J'ai d'abord été formée à Kaboul, mais c'est au Pakistan que j'ai vraiment développé mes talents de tisseuse. Quand je vivais au Pakistan, je tissai nuit et jour.

*Cette interview a été réalisée avec l'aide des équipes du HCR, sans la moindre édition au plan de sa longueur ou de sa clarté. Robina Raoufi fait des études de communication et de journalisme à l'Université de Kaboul et a reçu en 2019 une bourse d'études DAFI.

Tous les établissements d'enseignement d'Afghanistan sont aujourd'hui fermés à titre préventif pour enrayer la propagation du coronavirus dans le pays. Le HCR continue de verser leurs allocations mensuelles à  Kobra, à Robina et à tous les autres boursiers DAFI pour les aider à poursuivre leurs études depuis chez eux et faire face a cette époque économiquement difficile pour les Afghans.

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