Filippo Grandi appelle à renforcer le multilatéralisme pour lutter contre le déplacement de populations sans précédent
Filippo Grandi appelle à renforcer le multilatéralisme pour lutter contre le déplacement de populations sans précédent
GENÈVE - Le chef de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, Filippo Grandi, a appelé aujourd’hui relancer le multilatéralisme afin d’endiguer les conflits croissants et l’aggravation des crises, qui ont poussé un nombre de personnes jamais encore atteint à quitter leur foyer.
« Au cours des deux dernières années et demie, les principes et les valeurs de la coopération internationale sont soumis à d’immenses pressions », a déclaré Filippo Grandi dans son allocution d’ouverture à la réunion annuelle du Comité exécutif du HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés.
« Toutefois, malgré autant d’adversité, le multilatéralisme tient bon, mais comme le Secrétaire général l’a dit la semaine dernière à New York, nous devons le renforcer. »
Depuis son entrée en fonction au début de l’année 2016, Filippo Grandi a relevé que les conflits internes avaient empiré et que les crises s’étaient intensifiées - renforcées par des rivalités régionales et internationales, et alimentées par la pauvreté, l’exclusion et le changement climatique.
Entre-temps, « les termes utilisés en politique sont devenus impitoyables, donnant lieu à la discrimination, au racisme et à la xénophobie. »
Tout en la qualifiant de « jalon important » dans la coopération internationale, Filippo Grandi a déclaré que la Déclaration de New York pour les réfugiés et les migrants, témoigne d'un engagement politique au plus haut niveau, fondé sur la coopération internationale et les normes de protection des réfugiés.
« Les principes et les valeurs de la coopération internationale ont subi d’immenses pressions. »
Il s'est également félicité du Pacte mondial sur les réfugiés, qui « trace clairement la voie à suivre, grâce à un modèle de réponse plus solide, plus juste et mieux élaboré. »
« C’est à ce niveau, je pense, que le multilatéralisme est puissant, en tant que mécanisme pratique de contrepoids à la rhétorique et à la démagogie électorale qui envahissent souvent les débats publics sur les réfugiés et les migrants. »
Faisant le point à mi-parcours de son mandat quinquennal en tant que Haut Commissaire, Filippo Grandi a noté que les crises, notamment en Syrie, en République centrafricaine, en République démocratique du Congo et dans le nord de l’Amérique centrale avaient continué à évoluer, tandis que d’autres, comme au Yémen, s’étaient aggravées.
Les situations en Irak, dans la région du lac Tchad et au Soudan du Sud sont en voie de stabilisation, sans pour autant présenter de solution définitive.
« De nouvelles crises ont émergé, avec des conséquences dramatiques », au premier rang desquelles l’opération de sécurité infiniment brutale dans l’État de Rakhine, au Myanmar, qui a poussé 720 000 Rohingyas à fuir au Bangladesh depuis août 2017.
Le discours de Filippo Grandi à la 69e session du Comité exécutif intervient à un moment où les déplacements forcés dans le monde ont atteint le nombre record de 68,5 millions, dont 25,4 millions de réfugiés et 40 millions de personnes déplacées.
Filippo Grandi a rappelé que des milliers de personnes, « exposées à une cruauté et à des dangers inimaginables » continuent à traverser le Sahel jusqu’en Libye et la Méditerranée centrale jusqu’en Europe.
Il a appelé à ce que l’accès à l’asile en Europe soit préservé. « Le sauvetage en mer, caractéristique de notre humanité commune, a été pris en otage par la politique. Le partage des responsabilités a été remplacé par la fuite devant les responsabilités. »
En soulignant le travail du HCR en Libye en matière de protection, il a indiqué qu’un programme d’évacuation par avion avait permis de mettre en sécurité près de 1850 réfugiés et demandeurs d’asile, la plupart d’entre eux au Niger, avec l’objectif de les réinstaller dans un second temps, parallèlement à un programme pour le retour volontaire des migrants piloté par l’Organisation internationale pour les migrations.
Filippo Grandi a souligné la nécessité d’options accrues pour les évacuations ainsi que de davantage de places de réinstallation, et d’investissements stratégiques pour faire face aux conflits et aux problèmes de développement à l’origine de ces flux.
D’autres défis de protection sont apparus en Amérique latine, où environ 5000 personnes quittent quotidiennement le Venezuela, alors qu’une approche apolitique et humanitaire s’est avérée « essentielle pour aider les États qui les reçoivent en nombres croissants. »
Filippo Grandi a déclaré qu’un deuxième engagement stratégique et fondamental « nous engage à répondre d’une manière rapide, fiable et efficace aux situations d’urgence, en posant tôt les bases pour les solutions. » Il a donné l’exemple de la réponse conjointe au déplacement des réfugiés rohingyas vers le Bangladesh.
Il a salué les populations locales qui ont été « les premières à les secourir avec beaucoup de générosité et de compassion » et a évoqué une vaste campagne d’urgence dirigée par le Bangladesh, les partenaires humanitaires, les organisations non gouvernementales et les réfugiés eux-mêmes pour se protéger de la mousson imminente.
« Cet effort massif montre ce dont nous sommes capables en agissant collectivement, lorsque les gens ont désespérément besoin de notre aide », a-t-il déclaré aux délégués. L’attention doit aujourd’hui se tourner vers des dispositifs à moyen terme pour une stabilité accrue au Bangladesh et pour trouver des solutions à l’intérieur du Myanmar.
Le Haut Commissaire, depuis son entrée en fonction, a également mis l’accent sur l’autonomisation et l’intégration des réfugiés, parallèlement à la recherche de solutions quant à leur déplacement.
« L’octroi de l’asile est l’un des gestes les plus communs et les plus anciens de solidarité de l’histoire humaine. Il a permis de sauver des vies, et de construire et de reconstruire des nations. Il préserve notre sens d’humanité. »
Filippo Grandi a souligné la profonde transformation par laquelle des décennies d’éloignement de réfugiés, relégués dans des camps ou en marge de la société, « cèdent la place à une approche fondamentalement différente consistant à les inclure dans les systèmes nationaux, les sociétés et les économies des pays d’accueil. »
Il a déclaré que, dans les 15 pays où il avait été appliqué, le Cadre d’action global pour les réfugiés, qui a vocation à s’inscrire en tant que partie intégrante du Pacte mondial pour les réfugiés, avait permis ces efforts de transformation.
Filippo Grandi a salué la manière dont le leadership et l’expertise de la Banque mondiale ont apporté un changement fondamental dans la réponse des organismes de développement aux flux massifs de réfugiés et au déplacement interne.
S’adressant aux délégués, Kristalina Georgieva, PDG de la Banque mondiale, a déclaré que si le monde humanitaire et le monde du développement étaient autrefois séparés, la coopération est aujourd’hui de plus en plus étroite.
« Le fait même que je me trouve devant vous aujourd’hui est la preuve que nous assistons à un puissant changement dans notre façon d’aborder les urgences humanitaires. Nous avons rapproché les deux mondes », a-t-elle déclaré.
Filippo Grandi a également souligné la nécessité de s’adapter au fur et à mesure de l’évolution des situations, y compris en Syrie et ailleurs. « Cela suppose surtout de la souplesse et de l’agilité sur le terrain, » a-t-il dit, en décrivant le processus de réforme interne qu’il mène actuellement.
Le Haut Commissaire a souligné son attachement aux normes d’intégrité les plus élevées dans les opérations du HCR et il a décrit les mesures ambitieuses qui ont été prises pour prévenir et éliminer l’exploitation, les abus sexuels ainsi que le harcèlement sexuel.
En conclusion, il a réaffirmé le rôle vital que jouera le Pacte mondial pour les réfugiés, en tant que « point de ralliement pour des gens humains et pragmatiques issus de toutes les couches de la société. »
Filippo Grandi a également noté qu’accorder le statut de réfugié est une tradition ancienne qui a contribué à « sauver des vies, construire et reconstruire des nations. Il préserve notre sens de l’humanité. »
Le texte intégral du discours est disponible ici.
Autres articles et reportages
