Une école rwandaise aide des élèves burundais à surmonter la barrière de la langue
Une école rwandaise aide des élèves burundais à surmonter la barrière de la langue
Il y a deux ans, Lydiella Hakizimana parlait tout juste quelques mots d'anglais. Aujourd'hui, c'est sa matière préférée à l'école.
Dès que la cloche annonce le début des classes à l'école de Paysannat L, aux portes du camp de réfugiés de Mahama, elle est installée à son pupitre, prête à travailler.
En 2015, quand les émeutes ont éclaté au Burundi suite à une élection contestée, Lydiella, sa mère et ses trois sœurs ont rejoint le flot des réfugiés qui fuyaient vers le Rwanda voisin. Aujourd'hui, ils sont 50 000 dans le camp de Mahama, à proximité de la frontière avec le Burundi.
Lydiella, 13 ans, avait hâte de retrouver une vie stable et de retourner à l'école. Mais au Rwanda, l'enseignement se fait en anglais et pas en français comme au Burundi.
Le HCR, l'agence des Nations Unies pour les réfugiés, et le gouvernement rwandais se sont unis pour trouver une solution. Ensemble, ils ont créé un dispositif qui permet aux enfants réfugiés de s'intégrer dans le programme scolaire national du Rwanda.
« C'était la première fois que j'entendais parler de sciences et d'études sociales. »
Mis en place sous le nom de projet d'orientation, il prévoit six mois d'enseignement de transition et comprend des cours d'anglais. C’est l’une des nombreuses initiatives de ce type qui sont soutenues par le HCR dans le monde pour accélérer l'éducation des réfugiés et les aider à intégrer un cadre d'enseignement formel.
Les réfugiés, qui ont pour la majorité été privés d'école chez eux, suivent tout le programme pendant 6 mois. D'autres passent aux écoles d'état à un niveau adapté dès qu'ils sont prêts. Au cours du Sommet des Nations Unies pour les réfugiés et migrants de 2016, le Rwanda s'est engagé à contribuer à l'inclusion des réfugiés burundais dans son système national d'éducation. Le pays se mobilise pour tenir ses promesses.
Ce cours de transition a également permis à Lydiella de découvrir bien d'autres choses qu’une simple autre langue. Il est en effet destiné à enseigner d'autres choses aux élèves. « C'était la première fois que j'entendais parler de sciences et d'études sociales », explique-t-elle. « L'orientation permet de s'habituer aux matières enseignées ici aux élèves, surtout quand on est un nouvel arrivant. »
« Nous avons réalisé qu'il fallait faire quelque chose pour intégrer les élèves réfugiés dans le système national d'enseignement, car ils s'adaptaient très difficilement », observe Charles Munyaneza, employé du HCR chargé de l'éducation à Kigali.
« C'est un pas vraiment décisif pour inclure les réfugiés dans le système éducatif du pays. »
Lancé en juin 2015, le projet de transition a démarré avec 2 500 élèves. Depuis, il a bénéficié à plus de 19 000 enfants. « C'est un pas vraiment décisif pour inclure les réfugiés dans le système éducatif du pays », explique Charles Munyaneza.
L'école de Paysannat L est l’une des écoles de la région qui portent le nom de Paysannat — et qui accueillent un total de quelque 20 000 élèves — mais c'est la seule dans laquelle les réfugiés et les enfants locaux suivent les cours ensemble. Le directeur adjoint de l'établissement, Jean-Claude Muhyemama, raconte que le fait de parler une langue commune a joué un rôle important pour l'intégration des deux communautés et pour leurs bonnes relations.
« Ce projet a réellement aidé les élèves burundais à atteindre le même niveau que leurs camarades rwandais », dit-il. « Au début, ils ne parlaient que peu ou pas du tout l'anglais. Maintenant, ils s'expriment très bien. »
Lydiella s'est adaptée aux programmes rwandais, elle est en dernière année du primaire et elle adore ses cours. Elle espère pouvoir un jour faire partager son amour de l'anglais à ses compatriotes burundais. « Si je retourne au Burundi un jour, je veux enseigner l'anglais, car c'est important », explique-t-elle. « C'est une langue qu'on parle dans le monde entier et je crois que si les gens l'apprennent, ça les aidera pendant toute leur vie. »
Jean Harindwa, le professeur d'anglais de Lydiella, travaille à l'école depuis qu’elle a ouvert ses portes en 2015. Burundais lui aussi, il explique qu’enseigner l'anglais l'a aidé personnellement à mieux maîtriser la langue. « C'était une bonne chose de lancer ce projet », dit-il.
« Ces élèves ont, pour la plupart, fui leur pays et ils ne pensaient pas retourner un jour à l'école. »
Voir le rapport 2017 du HCR sur l'éducation des réfugiés, Laissés pour compte : La crise de l'éducation des réfugiés.