Après la fin des combats, les élèves libériens aspirent à un avenir meilleur
Après la fin des combats, les élèves libériens aspirent à un avenir meilleur
COMTE DE BONG, Libéria, 23 septembre (UNHCR) - Sur le sommet de la colline, à l'extérieur de la ville de Gbarnga, un symbole de prospérité domine le comté de Bong au Libéria, dévasté par la guerre : c'est le lycée de Dolokelen Gboveh, le plus prestigieux - en fait le seul - établissement scolaire secondaire dans ce comté de Bong au nord du Libéria.
Depuis sa première ouverture en 1956, il a dispensé de solides bases d'éducation à plusieurs générations de futurs avocats, médecins ou professeurs, quelques-uns d'entre eux ont poursuivi leur chemin en Europe et en Amérique, ce qui remplit de fierté encore aujourd'hui les habitants de Gbarnga. Pendant des décennies, le lycée a attiré des milliers de jeunes garçons et jeunes filles de Bong et des comtés voisins de Nimba, Lofa et Gbarpolu, avec plus de 1 500 lycéens chaque année.
Puis la guerre civile est arrivée. Toute forme d'éducation et de culture est devenue insignifiante - reléguée au fond de la mémoire de ceux qui n'espéraient qu'une seule chose : le retour de la paix et de la normalité. Au milieu des années 90, le lycée fut en partie détruit par les forces de Charles Taylor. Puis, en 2002, les rebelles appartenant au LURD (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie) vandalisèrent et démolirent ce qui restait encore debout.
Beaucoup de combattants appartenant à différentes factions armées ayant saccagé le Libéria étaient des enfants et des adolescents qui, une génération auparavant, auraient été assis sur les bancs de cette école, apprenant l'histoire et les mathématiques.
Début juillet 2005, le lycée était encore une plaie ouverte pour les habitants du comté de Bong. Maintenant, seulement dix semaines plus tard, il est devenu, une fois encore, le symbole de l'espoir.
Au début de cette semaine, après deux mois de travail intense, une armée de 80 employés locaux a transformé une ruine en établissement scolaire : le lycée Dolokelen Gboveh a rouvert ses portes aux élèves.
Le travail a été financé et soutenu de différentes façons, comme la fourniture de 450 bureaux par l'agence des Nations Unies pour les réfugiés. Ahmed Conteh, responsable du projet pour African Concern International (ACI), une ONG partenaire de l'UNHCR, avance même que l'emploi d'autant d'hommes a contribué à faire baisser le taux de criminalité lors la reconstruction de l'école pendant les mois d'été.
Les habitants de Gbarnga ont vu dans la reconstruction du lycée une étape importante pour permettre à la jeunesse du Libéria de connaître un futur de paix. Des patrouilles volontaires assurent la sécurité de l'établissement et ont promis de construire une clôture tout autour. Ils ne veulent pas revoir leur école à nouveau détruite et avec elle, tous leurs espoirs.
« Nos consciences sont enfin réveillées », dit le directeur du lycée, Edwin G. Kwakpae, qui a traversé ces terribles années après la destruction du lycée en 1997. Arpentant les couloirs qui mènent dans les neuf classes des deux ailes principales du bâtiment, il est à nouveau confiant : « C'est une institution essentielle, pas seulement pour le comté, mais aussi pour tout le nord du Libéria. C'est l'assurance que les choses vont s'améliorer. »
La peinture est encore fraîche. A l'intérieur des classes, des élèves âgés de 15 ans (certains d'entre eux sont proches de leurs 20 ans) sont assis attentifs à leur bureau et écoutent le professeur. Le lundi 19 septembre, c'est leur premier jour de classe dans leur lycée rénové. L'emploi du temps de ce premier jour prévoit histoire, chimie et mathématiques. Ils sont agités. L'association des élèves veut débattre des problèmes sociaux et participer à des ateliers sur l'éducation à la paix et à la réconciliation.
A ce jour 200 élèves sont inscrits. Cependant, le directeur espère augmenter leur nombre à environ 900. « Même quelques ex-combattants envisagent vraiment de revenir à l'école et veulent apprendre », dit-il. « Nous devons leur donner envie de revenir à l'école et de préparer leur futur. » Dans le cas des anciens enfants-soldats, les frais de scolarité étant modestes (environ 22 dollars par semestre), ils sont financés par le programme des Nations Unies pour le développement.
La situation à laquelle sont confrontés les professeurs au Libéria est toujours problématique pour Edwin G. Kwakpae : « Actuellement, nous avons seulement 26 professeurs officiellement payés par le gouvernement », dit il. « Mais leur salaire est beaucoup trop bas. Et ils doivent donc trouver d'autres sources de revenu. » En tant que fonctionnaires, les professeurs gagnent habituellement environ 1 245 dollars libériens par mois (soit 21 dollars). Cependant, l'espoir demeure grâce au programme appelé « Assistance pour la gestion économique gouvernementale », un document que le président du gouvernement de transition du Libéria, Gyude Bryant, a signé dernièrement. Entre autres objectifs, ce programme prévoit d'assurer un paiement régulier et décent des salaires des fonctionnaires dans le cadre des efforts pour réduire la corruption au Libéria.
Pendant ce temps, l'UNHCR encourage les enseignants et les professeurs libériens à revenir des pays d'asile voisins, à travers son programme « travail pour les experts ». Le but principal de ce projet de réintégration, mis en place en juillet dernier dans le comté nord de Lofa, est de permettre aux rapatriés instruits de rentrer, tels que les médecins, les infirmières, les ingénieurs ou les enseignants (2 297 d'entre eux sont toujours dans des camps de réfugiés) afin de faire bénéficier la société de leurs connaissances, en leur fournissant un lieu où habiter, des kits d'agriculture et de l'assistance grâce à des micro-crédits. Mille enseignants et cent médecins ou infirmiers pourraient ainsi profiter de ce programme d'ici fin 2006.
Au lycée de Dolokelen Gboveh, le premier jour d'école touche à sa fin. Sarina, une élève de 24 ans, est assise tranquillement au second rang. Elle a remporté récemment le prix du comté de Bong du « Meilleur étudiant » et participera bientôt à un concours national. Tous sont très fiers d'elle.
« Les filles et les femmes peuvent faire la différence », dit-elle en souriant. « Nous pouvons faire ce que font les hommes et aussi bien qu'eux. Il est temps de nous en rendre compte », ajoute-t-elle. Ses condisciples - filles et garçons - sont d'accord avec elle.
Les voir à nouveau étudier, travailler dur pour construire un futur meilleur n'est pas vraiment surprenant. Après tout, ils sont élèves du prestigieux lycée Dolokelen Gboveh. Et comme on peut le lire sur l'un des murs de l'auditorium qui a survécu à la destruction : « Aspire à un avenir toujours meilleur ».
Par Annette Rehrl dans le comté de Bong