Résoudre le problème de l'apatridie en Thaïlande un cas à la fois
Résoudre le problème de l'apatridie en Thaïlande un cas à la fois
CHIANG RAI, Thaïlande – Lorsque Sawitree* a eu sept ans, elle a essayé de demander une carte d’identité nationale thaïlandaise.
Mais, même si elle est née dans ce pays d’Asie du Sud-est, elle n’a pas pu satisfaire aux exigences liées à cette demande, car il n’avait pas été possible de trouver son père thaïlandais.
« J’avais l’impression de n’avoir aucun avenir, aucune option. C’était comme une voie sans issue », explique Sawitree, qui a maintenant 12 ans, en parlant de l’impasse dans laquelle elle se trouvait.
Sa mère et son père se sont séparés alors qu’elle avait à peine un an. En vain, son beau-père s’est rendu aux bureaux du district à Chiang Rai et Bangkok, pour tenter d’obtenir les documents nécessaires afin que Sawitree puisse obtenir une carte d’identité montrant qu’elle était bien citoyenne thaïlandaise.
« J’avais l’impression de l’avoir laissé tomber en ne pouvant pas obtenir sa carte. Sans cette carte, elle n’avait pas beaucoup de choix », explique son beau-père en faisant référence aux limites de liberté de mouvement et de possibilités d’accès à l’enseignement supérieur auxquelles sont confrontés les apatrides.
« J’avais l’impression de n’avoir aucun avenir, aucune option. »
Avec l’aide du personnel d’Adventist Relief and Development Agency (ADRA), une ONG locale partenaire travaillant avec l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) pour résoudre ce problème, la famille a finalement obtenu les documents nécessaires, et mi-octobre, Sawitree a reçu sa carte d’identité nationale.
« J’étais tellement contente le jour où j’ai eu ma carte en main », explique-t-elle avec un sourire. Lorsqu’on lui demande comment le fait d’avoir un document prouvant sa nationalité thaïlandaise changera sa vie, elle répond : « Je vais poursuivre mes études. Je veux devenir infirmière pour aider ceux qui sont malades ou blessés ».
La détresse de cette jeune étudiante thaïlandaise est bien trop fréquente. Dans le monde, quelque 10 millions de personnes se voient refuser une nationalité. Le HCR collabore avec les gouvernements du monde entier pour identifier, prévenir et résoudre ces situations et, en 2014, le Commissariat a lancé la Campagne mondiale #IBelong qui vise à mettre un terme à l’apatridie en une décennie.
Rien qu’en Thaïlande, on compte actuellement 438 821 personnes enregistrées comme apatrides. En Thaïlande, de nombreux apatrides et autres personnes qui risquent d’être confrontées à ce problème proviennent de régions où les frontières nationales ont été modifiées, laissant sans réponse la question de leur nationalité.
Certaines de ces personnes appartiennent à des « tribus montagnardes » vivant dans des régions isolées avec un accès limité aux informations concernant les procédures liées à la nationalité et qui, dans le passé, ont vécu sans être enregistrées ou sans document d’identité.
Le gouvernement thaïlandais s’est engagé à atteindre le niveau zéro d’apatridie d’ici 2024. Plus tôt cette année, il a demandé à tous les districts du pays d’identifier et d’émettre un statut légal - qui pourrait aller de la nationalité thaïlandaise à celui de résident permanent ou temporaire – pour les étudiants apatrides admissibles de sa base de données. Quelque 65 000 étudiants comme Sawitree, qui pourraient autrement rencontrer des difficultés pour suivre des études supérieures, pourraient ainsi bénéficier de cette disposition.
Pour aider à relever ce défi, le HCR collabore avec les autorités thaïlandaises, et, plus récemment avec l’ADRA, afin d’aider à ouvrir des « points de service » dans diverses écoles les districts Mae Fah Luang et Mae Chan de Chiang Rai.
Les étudiants apatrides et leur famille vivant dans ces régions ont été en mesure d’obtenir des informations sur la nationalité et d’introduire des demandes d’acte de naissance, de nationalité, de résidence permanente et les documents d’état civil et d’identité connexes.
Ce projet a impliqué des représentants du gouvernement à l’échelle des districts, des directeurs d’écoles, des leaders de communautés, ainsi que des représentants de la société civile locale, qui ont également participé à la résolution du problème de l’apatridie. L’objectif – préparer 10 000 demandes d’ici la fin de 2016.
« Je vais poursuivre mes études. Je veux devenir infirmière pour aider ceux qui sont malades ou blessés ».
Le projet de Chiang Rai a également aidé Manee, une mère célibataire de 39 ans avec deux filles et originaire de la tribu montagnarde Lahu. Elle vit et travaille dans une ferme mais, dans le passé, comme elle était apatride, elle ne pouvait pas se déplacer librement en dehors de son district pour travailler ou rendre visite à des proches.
Lorsqu’elle a introduit une demande de nationalité, elle a été confrontée à plusieurs défis. Née dans une région isolée, sa naissance n’avait pas été enregistrée et elle a éprouvé des difficultés à remplir les procédures administratives sans assistance.
« La langue a toujours été un problème », explique-t-elle. « Et je ne comprenais pas non plus le processus. Tout est devenu plus simple lorsque j’ai reçu gratuitement l’assistance des agents de l’ADRA ».
Grâce à ce soutien, elle a acquis la nationalité thaïlandaise le mois dernier. Elle explique que cette procédure lui a apporté la sérénité. Elle a hâte d’exercer pleinement ses droits, notamment celui de voyager pour aller rendre visite à ses cousins, et d’avoir accès aux services publics dont bénéficieront également ses enfants. Elle se sent également habilitée à être plus active et expressive dans les activités du village.
« Maintenant que j’ai ma carte, j’espère que le tour de mes enfants viendra », dit Manee. « Ils doivent faire des tests ADN pour obtenir la nationalité thaïlandaise, afin de pouvoir se rendre dans des endroits auxquels ils n’avaient pas accès avant ».
*Le nom de toutes les personnes apatrides a été modifié pour des raisons de protection.