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De longues heures de travail et l'effort conjoint de 7 pays rendent possible le pont aérien

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De longues heures de travail et l'effort conjoint de 7 pays rendent possible le pont aérien

Loin des regards du public, des centaines de civils et de militaires de sept pays travaillent jour et nuit pour rendre possible le pont aérien de l'OTAN et de l'UNHCR, avec le soutien apporté par la base aérienne les accueillant en Turquie.
25 Octobre 2005
Des palettes de tentes et de couvertures sont chargées à bord d'un avion britannique de l'OTAN sur la base aérienne d'Incirlik en Turquie.

INCIRLIK, Turquie 25 octobre (UNHCR) - Il est 1 heure du matin ce samedi matin sur la base aérienne d'Incirlik, près d'Adana, dans le sud de la Turquie. Le temps est plutôt froid et la température a chuté autour de 9°C. Onze heures plus tôt, quand Erdogan, âgé de 21 ans, et le reste de son équipe ont commencé leur travail volontaire pour décharger des tentes et d'autres biens de secours depuis des camions énormes, il faisait 30°C.

Comme la nuit se rafraîchit encore, Erdogan et les 30 autres soldats turcs accélèrent leurs efforts. Leur but est de décharger deux camions encore en attente sur le tarmac avant Sahur, le dernier repas avant que la journée de Ramadan ne commence vers 4 heures du matin. Quand on lui demande s'il est exténué, ce très jeune soldat répond par un « non » catégorique.

Il explique pourquoi : « Je sais à quel point les gens souffrent là-bas. J'ai connu la même expérience lors du tremblement de terre de Marmara en 1999. L'immeuble de cinq étages, dans lequel nous vivions au sous-sol, s'est écroulé. J'ai été secouru trois jours plus tard. Alors je sais à quel point c'est terrible d'être victime d'une telle catastrophe. »

Peu des personnes travaillant pour cette opération humanitaire sur la base aérienne d'Incirlik ont vécu la même expérience de tremblement de terre qu'Erdogan. Mais ils comprennent les souffrances des centaines de milliers de victimes du séisme au Pakistan. Ils savent qu'une seule tente peut sauver la vie de plusieurs enfants pakistanais, encore en ce moment sans-abri, deux semaines après la catastrophe.

Ce degré de compréhension et cette solidarité pour les victimes pakistanaises unissent les personnels turcs, américains, français, italiens, grecs, britanniques et danois dans cette extraordinaire opération de secours. Le gouvernement turc a pris en charge le transport de 10 000 tentes, 203 000 couvertures et 2 000 réchauds depuis les entrepôts de l'UNHCR dans la ville portuaire de l'ouest, Iskenderun, vers la base aérienne d'Incirlik. De là, ces biens de secours sont transportés au Pakistan par avion C-130 appartenant à six différents pays de l'OTAN.

Toutes ces personnes travaillent de nombreuses heures durant, jour et nuit, à Incirlik.

Ali Karaman est un chauffeur routier âgé de 41 ans, un autre parmi des centaines d'acteurs impliqués dans ce pont aérien. Son rôle est d'apporter les secours depuis Iskenderun à Incirlik par voie terrestre.

Il dit qu'il venait juste de revenir en Turquie depuis l'Iraq, en traversant par le passage de Habur (non loin de la frontière commune entre la Turquie, l'Iraq et la Syrie), quand il a reçu l'appel de son patron lui demandant de poursuivre sa route vers Iskenderun. Là, il a chargé puis a assuré le transport jusqu'à la base aérienne, soit 400 km de route en plus. C'était beaucoup demander juste après un voyage aller-retour à haut risque en Iraq, mais Ali Karaman est heureux de pouvoir transporter ces tentes jusqu'à la base aérienne.

« S'ils me demandent de repartir à Iskenderun pour aller chercher davantage de tentes, j'irai, même sans une minute de repos », dit-il, tout comme Erdogan et les autres qui travaillent toute la nuit pour décharger son camion. Pourquoi ? « Parce qu'à la radio, ils ont dit que des bébés au Pakistan ont besoin d'un toit. »

Le 24 octobre au soir, 39 camions au total avaient fait le voyage depuis le début du pont aérien une semaine plus tôt. Après l'accord intervenu entre l'OTAN et l'UNHCR pour la mise en place de ce pont aérien, le gouvernement turc a mis l'armée à disposition pour fournir la main d'oeuvre et la manutention pour le chargement et le déchargement des camions. Le syndicat turc des routiers a également répondu à l'appel du gouvernement pour assurer le transport de 860 tonnes de secours depuis Iskenderun vers la base aérienne d'Incirlik. Le syndicat a invité les entreprises membres à se porter volontaires pour aider à la réalisation de cette opération.

Le processus de déchargement du matériel depuis les camions sur la base d'Incirlik est long et très intense. Chaque tente pèse 61 kg et nécessite deux soldats pour la sortir du camion et la poser au sol. Ironie du sort, les tentes sont à l'origine fabriquées au Pakistan, où l'UNHCR achète ses tentes pour ses opérations dans le monde entier. Les ballots de couvertures sont aussi très lourds, pesant 45 kg.

Le déchargement a lieu dans la zone de stationnement des cargos près de la piste. En fonction de l'arrivée d'un convoi et du nombre de camions, il peut commencer dans la journée et se poursuivre jusqu'à 4 ou 5 heures le lendemain matin. S'il n'y a pas de camion à décharger, les personnels de l'US Air Force (déployés sur la base selon les accords bilatéraux entre la Turquie et les Etats-Unis) préparent la zone pour le prochain convoi.

Ils alignent sur le sol plusieurs poteaux épais de 10 cm et longs de deux mètres chacun puis placent au-dessus des palettes en métal à l'aide de chariots-élévateurs. Quand les camions arrivent à la base aérienne, ils se garent près de ces palettes. Des soldats turcs et américains entrent alors dans les containers et poussent au dehors les ballots de tentes, de couvertures et les réchauds. D'autres militaires turcs et américains soulèvent ces matériels depuis le sol et les pré-positionnent alors sur les palettes. Quand les palettes sont pleines, le chariot-élévateur revient et les transporte vers l'endroit où elles seront recouvertes d'une bâche puis d'un filet pour maintenir la bâche en place. Elles sont alors prêtes à être embarquées à bord d'un avion.

Les troupes américaines sur la base sont formées à ce genre d'opération. « Mais la pratique est très différente de la formation », dit le sergent-chef Olivia Lacour, responsable de la régulation du trafic aérien. « En formation, vous déplacez des papiers, vous simulez ... dans la réalité, vous déplacez des choses bien réelles. Mon équipe sait bien que si nous travaillons trop lentement, cela provoque des retards pour le départ des avions. Cela signifie que les gens ne recevront pas de couvertures, de tentes et d'autres biens de secours dont ils ont désespérément besoin. »

Les soldats américains, comme leurs collègues turcs, travaillent 14 heures d'affilée. Ils se réveillent très tôt le matin, travaillent dur sous le soleil et continuent, souvent sans interruption, jusqu'au matin suivant alors même que la température a chuté de nouveau. Ils font tout. Ils soulèvent les tentes, conduisent les chariots-élévateurs, posent les filets et mettent les bâches en plastique. « Mon équipe est vraiment fatiguée, mais ils ont compris qu'ils réalisent là une très importante tâche pour sauver des vies et ils sont fiers de faire ce qu'ils peuvent », ajoute le sergent-chef Lacour.

Le capitaine John Almeida est d'accord avec le sergent-chef. « Nos hommes travaillent de plus en plus dur quand ils réalisent que ces biens de secours vont directement aux victimes, » dit-il, « et c'est bien de voir qu'il y a un grand esprit de coopération. L'équipage de l'avion britannique, par exemple, vient nous aider pour l'emballage pendant leur temps limité de repos. Des gens de différents endroits du monde nous envoient des e-mails pour nous demander comment ils peuvent nous aider. »

La dernière phase de l'opération à Incirlik commence avec le chargement de l'avion appartenant à l'une ou l'autres des six nations qui contribuent. Jusqu'au 25 octobre après-midi, un total de 24 avions cargo C-130 ont été chargés et ont décollé d'Incirlik, et le Boeing 747 affrété par les Etats-Unis récemment arrivé, a également été chargé. Le vol prend environ 8 heures sans compter le plein de carburant à Bakou ou Dubaï. Malgré le long vol en perspective, les équipages des avions grecs, français, britanniques, italiens, américains et turcs ont avec beaucoup d'enthousiasme pris contact avec les personnels de l'UNHCR pour afficher sur les flancs de leurs appareils des logos géants de l'UNHCR.

La nuit, le chargement se fait à la lumière des projecteurs. Et pendant que les équipages se préparent à décoller dans les C-130 de l'OTAN, tous les participants à cette opération, qu'ils soient militaires, civils ou appartenant aux Nations Unies, leur souhaitent un bon vol et leur demandent d'adresser tout leur soutien aux victimes du tremblement de terre au Pakistan. Puis, et seulement après cela, Erdogan va se coucher pour seulement quelques heures de repos, avant de recommencer une nouvelle journée.

Par Metin Corabatir, sur la base aérienne d'Incirlik