16 journées d'action : les victimes oubliées du conflit en RDC
16 journées d'action : les victimes oubliées du conflit en RDC
GOMA, République démocratique du Congo, 26 novembre (HCR) - Kahindo, une veuve âgée de 28 ans, a la chance d'avoir survécu après avoir été attaquée et abusée sexuellement par des hommes armés. Elle fuyait alors son village situé en République démocratique du Congo (RDC), un pays qui connaît l'un des taux les plus élevés de viol au monde.
Cette jeune femme et ses six enfants ont cru qu'ils seraient en sécurité après avoir rejoint un groupe d'hommes non loin de leur village de l'est de la RDC, dans la province du Nord-Kivu en proie à des troubles. « Ma première réaction a été un soupir de soulagement, je pensais que nous n'aurions plus à fuir », s'est rappelée Kahindo. « J'avais tort. »
Elle a été séparée de ses enfants et ensuite « six hommes armés m'ont déshabillée. Ils ont commencé à me violer l'un après l'autre jusqu'à ce que je perde connaissance », a-t-elle expliqué avec émotion au HCR près de Goma, la capitale du Nord-Kivu. « Ils m'ont laissée pour morte. »
Près de quatre ans après, cette femme déracinée ressent aujourd'hui parfois qu'elle aurait préféré mourir. Elle a raconté entre deux sanglots le prix terrible à payer. « Des tests médicaux ont montré que j'ai contracté le VIH », a-t-elle expliqué, avant d'ajouter : « La conséquence de ce viol et la stigmatisation à laquelle je suis confrontée sont injustes. »
Kahindo estime que « le viol que j'ai subi avait pour but de me punir de ma condition. Ces hommes voulaient me faire perdre ma dignité et insulter ma famille, ma culture et tout ce que je défends. »
Son histoire est épouvantable, et malheureusement très fréquente. Selon les statistiques des Nations Unies, près de 3 500 femmes ont été violées par des soldats, des miliciens et des civils durant les six premiers mois de cette année en RDC, en comparaison de quelque 4 800 femmes pour toute l'année 2008. Les chiffres réels seraient bien plus élevés encore, car de nombreuses victimes n'osent pas se faire connaître. Durant une visite au Nord-Kivu en août dernier, la Secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a défini la violence sexuelle commise à grande échelle contre les femmes comme « un crime contre l'humanité » dans cette région déchirée par le conflit.
Les personnes déracinées y sont particulièrement vulnérables. Des centaines de milliers d'entre elles vivent au sein de familles d'accueil ou dans des camps gérés par le HCR, malgré la fin officielle de la guerre en RDC en 2003. Les civils vivent sous la menace constante d'hommes armés qui pillent, violent, réduisent les maisons en cendres et qui confisquent les rations alimentaires.
Ces femmes victimes de viols sont les bénéficiaires prioritaires des actions menées par le HCR et ses partenaires opérationnels dans la région, comme l'organisation Women for Women International (WWI) et Search for Common Ground, et ce notamment durant les 16 journées d'action contre la violence envers les femmes, un événement international se déroulant chaque année.
WWI mène un programme en RDC pour aider les victimes de viols à recommencer leur vie. « Notre action vise à ce que les victimes de viols reprennent goût à la vie », a expliqué José Rugamba, un psychologue de WWO basé à Goma. « Toutefois nous ne pouvons dire que le phénomène ait diminué », a-t-il ajouté.
Lena Slachmuijlder, directrice de l'organisation Search for Common Ground, a indiqué que les années de guerre avaient radicalisé les attitudes envers les femmes et entravé les tentatives visant à mettre fin à la violence sexuelle en RDC. « C'est pourquoi le fléau de la violence sexuelle et sexiste ne se réduira ou ne disparaîtra pas de sitôt. »
La plupart des femmes font valoir que l'absence de mesures visant à punir ou à emprisonner les auteurs présumés de viols a mené à la culture de l'impunité et à une misogynie accrue. « Généralement la peine encourue par les auteurs de violences sexuelles est de vingt ans. Mais ici, au Congo, un violeur peut retrouver la liberté après avoir payé l'équivalent de trois dollars à un gardien de prison », a expliqué l'une d'entre elles.
La violence sexuelle peut également avoir un effet dévastateur sur les relations familiales. Les victimes de viols sont souvent rejetées par les membres de leur famille et de leur communauté, qui ne se rendent pas compte des traumatismes psychologiques et physiques endurés suite à un viol. Le changement des mentalités prendra du temps.
« La meilleure stratégie pour gagner cette guerre est d'empêcher que les viols ne se produisent », a indiqué Karl Steinacker, le coordonnateur des opérations du HCR dans l'est de la RDC. Ce sera une tâche difficile, qui devra faire cesser l'impunité et qui nécessitera la mise en œuvre d'une sensibilisation.
Dans le cadre d'un programme financé par le HCR, l'organisation Search for Common Ground tente de répondre à ce deuxième objectif. Cette ONG basée aux Etats-Unis se déplace dans les villes et les villages situés au sud-est et à l'est du pays pour projeter des films et des vidéos concernant le problème de la violence sexuelle et sexiste.
Lena Slachmuijlder a souligné l'impact du cinéma mobile car les films concernent des personnes bien réelles. Elle a indiqué qu'en faisant entendre la voix des victimes de la violence sexuelle, « nous faisons naître l'interaction et le débat sur des problèmes généralement considérés comme tabous, dont on devrait justement discuter ouvertement pour les démystifier. »
En partenariat avec d'autres agences, le HCR vient également en aide aux victimes de viols via de l'aide psychologique, des traitements médicaux, des projets de micro-financement ainsi que des activités pour la réintégration.
Par David Nthengwe à Goma, République démocratique du Congo