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Saison des pluies : les déplacés du Darfour reviennent cultiver leur terre

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Saison des pluies : les déplacés du Darfour reviennent cultiver leur terre

En dépit du climat instable de sécurité dans la région soudanaise du Darfour, des centaines de villageois déracinés par le conflit font de petites incursions chez eux pour cultiver leur terre durant la saison des pluies alors que certains d'entre eux sont rentrés définitivement.
31 Août 2005
Pendant la saison des pluies, des femmes déplacées font le trajet pour cultiver leur champ, entre le camp de Dorti à l'ouest du Darfour et leur village natal de Borta.

BORTA, Ouest-Darfour, Soudan, 31 août (UNHCR) - Malgré le climat instable de sécurité dans la région soudanaise du Darfour, des centaines de villageois déracinés par le conflit font de petites incursions chez eux pour cultiver leur terre durant la saison des pluies, et certains d'entre eux sont même rentrés définitivement.

Selon les équipes de l'UNHCR présentes dans la province à l'ouest du Darfour, quelque 400 personnes déplacées sont temporairement rentrées dans leur village à Borta, à 15 km au nord de la capitale de la province, El Geneina. Cela fait 64 familles sur les 68 du village qui sont rentrées pour cultiver leurs champs au plus fort de la saison des pluies.

Parmi elles, il y a Myriam, une maman de quatre enfants, âgée de 25 ans qui vit au camp de Dorti à la périphérie de El Geneina depuis les deux dernières années. Son mari est resté au camp car « il est trop dangereux pour les hommes de revenir, ils seraient plus vraisemblablement tués par des groupes armés que nous les femmes », explique-t-elle.

Pendant la saison des pluies, des femmes déplacées font le trajet pour cultiver leur champ, entre le camp de Dorti à l'ouest du Darfour et leur village natal de Borta.

La plupart des villageois sont restés trois jours à Borta et sont rentrés au camp où ils se sentent davantage en sécurité, puis sont revenus quelques jours plus tard. Seules les femmes âgées, qui ont moins peur des probables attaques, resteront au village après la saison des pluies.

La première chose que Myriam a faite lorsqu'elle est rentrée à Borta en juin a été de reconstruire sa hutte, qui avait été détruite par des hommes armés l'année dernière. Elle a ensuite planté des okras dans ses champs, du sorgho et des tomates dans son jardin. Durant des semaines, elle transportera sa précieuse moisson sur le dos de son âne et se rendra à Dorti. Elle espère pouvoir faire deux voyages par jour entre son village et le camp : « Nous ne pouvons laisser de la nourriture derrière nous, elle serait volée ».

Myriam est plus chanceuse cette année. En 2004, elle a fait le même voyage et a également planté des okras, mais ses cultures ont été complètement détruites par deux fois et il n'y avait quasiment plus rien à rapporter pour sa famille au camp.

« Deux hommes sont arrivés dans mes champs et ont laissé leurs animaux manger mes cultures », elle se rappelle ces incidents de l'année passée. Elle pense que ce sont les janjawid, la milice arabe qui a opéré des raids au Darfour durant deux ans. « L'un d'entre eux avait un pistolet. Je leur ai demandé pourquoi ils laissaient leurs vaches paître dans mon champ et l'un d'eux a répondu que ma terre leur appartient. »

Elle dit qu'ils lui ont demandé de la nourriture et l'ont menacée de la battre et la tuer si elle empêchait les animaux de manger les okras. Elle ajoute que cette année, elle se sent plus en sécurité pour rentrer au village dans la mesure où la situation de sécurité semble s'être légèrement améliorée.

« Ces mouvements, bien que timides, montrent une amélioration significative comparée à l'année dernière ou nous avons rarement vu quelqu'un se risquer en dehors des camps pour cultiver durant la saison des pluies », indique l'UNHCR au Darfour. « Cela démontre que les gens tentent de rentrer chez eux, même s'il demeure des préoccupations sérieuses sur les questions de sécurité. »

En se rendant récemment dans la ville de Krenick, les équipes de l'UNHCR ont vu des femmes qui plantaient du sorgho dans leurs villages. Leurs maisons étaient complètement calcinées et s'étaient effondrées deux ans auparavant et elles ont trouvé refuge au camp de Krenick. Tous les jours, en juin, elles font trois heures de marche depuis le camp vers leurs champs pour le cultiver. A quelque 100 mètres des champs, des groupes de nomades ont amené leurs troupeaux de chameaux vers le point d'eau.

« Nous ne sommes nécessairement pas en sécurité durant le jour, » dit l'une des femmes déplacées. « Mais nous avons besoin de cultiver pour avoir de la nourriture pour nos familles et nous voulons en fait rentrer pour retrouver nos terres. »

Le conflit au Darfour a complètement changé la dynamique entre les tribus africaines et les tribus arabes nomades. Avant, les nomades respectaient les accords traditionnels sur la période où leurs troupeaux étaient autorisés à paître dans les champs cultivés. Cet accord semble ne plus exister.

Avant le conflit, les sheiks (chefs locaux) de Borta et de nombreux villages de l'ouest de Darfour avaient l'habitude de recevoir une lettre du gouvernement donnant des instructions aux nomades pour nourrir leurs troupeaux, pour seulement certaines périodes et dans certaines régions. Cette année, les sheiks n'ont pas reçu cette lettre et craignent des confrontations avec les nomades dont les animaux détruisent parfois les champs cultivés.

Malgré ces tensions, peu de déplacés sont définitivement revenus dans leurs villages de l'ouest du Darfour. Sur 600 000 déplacés de la région, l'UNHCR estime que 20 000 sont rentrés définitivement chez eux dans les quinze derniers mois.

« Ce sont principalement des gens qui n'ont pas voulu aller dans des camps au Tchad ou au Darfour et qui sont restés à la frontière du Soudan avec le Tchad sans bénéficier d'aide », explique l'UNHCR. « Ce sont ceux qui étaient les plus pressés de revenir et de cultiver leurs champs. »

Pour l'heure, l'UNHCR considère toujours que la situation sécuritaire au Darfour n'est pas favorable à l'organisation du retour à une grande échelle ni même à son annonce auprès des 2 millions de déplacés, ce qui a été souligné par le Haut Commissaire de l'UNHCR António Guterres la semaine dernière lors de sa visite au Darfour.

Pourtant, l'agence pour les réfugiés, dont le rôle est aussi de s'assurer qu'il n'y a pas de retours forcés, fournit les services de base pour les familles qui ont pris la décision volontaire et personnelle de revenir dans leur village natal, afin qu'elles ne se déplacent pas à nouveau. L'UNHCR, en collaboration avec ses partenaires non gouvernementaux, a commencé à mettre en place des projets communautaires de réintégration afin d'aider le retour des communautés. Les projets, qui émanent directement de ces communautés, incluent la réhabilitation d'écoles et d'infrastructures de santé dans les villages de retour. Des semences et des outils sont aussi distribués aux familles qui retournent chez elles pour les aider à redémarrer leur vie.

Par Hélène Caux à Borta, Darfour Ouest, Soudan