L'histoire vraie de Chantal, réfugiée
L'histoire vraie de Chantal, réfugiée
SICILE, Italie (UNHCR)
Mentionnez le simple mot de « demandeurs d'asile » et beaucoup de personnes en Europe imaginent des vagues d'immigrants illégaux déferlant sur le continent avec l'espoir d'une vie meilleure. Mais parmi ce flot d'immigrants nombre d'entre eux ont de réelles raisons de demander l'asile.
Chantal, une réfugiée congolaise, est un exemple parmi d'autres.
Le périple de cette jeune femme de 36 ans a duré près de quatre années, une fuite en signe de désespoir, qui l'aura menée à traverser quatre pays avant de finalement trouver refuge dans le Sud de l'Italie où elle vit actuellement.
Sa terrible épreuve a commencé un 4 mai 1999.
Ce jour-là, avec son mari Jose, elle tient une réunion pour organiser un comité local de résistance, de défense des civils alors victimes des milices rebelles. Celles-ci avaient chassé de chez eux des milliers de personnes à Zongo, une petite ville à 350 km au Sud-Est de Kinshasa en République Démocratique du Congo.
Cette nuit là, un groupe de soldats armés pénètre chez eux à Zongo, viole Chantal alors enceinte de sept mois, et enlève son mari. Deux jours s'écoulent avant que les voisins ne la trouvent bâillonnée et attachée à une chaise.
« J'étais désespérée. Je ne pouvais plus rester dans cette maison et je suis partie sans savoir où aller, » se rappelle Chantal les larmes aux yeux.
Tout autour du village, tout n'est que destruction. Les corps de personnes âgées, de femmes, d'enfants jonchent le sol. Pendant un mois elle vit dans la forêt, dort à la belle étoile et donne prématurément naissance à son enfant.
« Sans aide, elle a donné naissance à son bébé mais n'a cependant pas pu couper le cordon ombilical. »
Trébuchant, elle marche jusqu'à la route principale où elle rencontre un prêtre polonais qui les emmène à la mission catholique et leur fournit une assistance médicale. Quelques semaines plus tard, alors que le prêtre vient de mourir, Chantal et son bébé, Marveille, rejoignent 400 personnes à bord d'un bateau en direction de la République de Centre Afrique. Elle a décidé de partir chercher du travail et une nouvelle vie ailleurs.
Au Soudan, une famille dans le village de Kaya leur fournit un endroit pour rester en échange de 12 heures de travail par jour.
« C'était terrible. Je me sentais comme une esclave. Je devais également garder secrète ma foi catholique car ils étaient musulmans et craignaient la réaction des voisins, » raconte-t-elle au sujet de son année passée au Soudan.
« J'étais en train de perdre tout espoir lorsque j'ai entendu parler de marchands congolais se rendant au Kenya. »
Au Nord du Kenya, elle est abandonnée près du Lac Turkana sans argent ni amis. Elle est affamée et Marveille a une infection de l'estomac. Elles trouvent finalement de l'aide dans un petit centre tenu par une soeur, mais, par manque de place, elle doit dormir à l'extérieur du centre pendant 11 mois.
« J'avais l'impression que le monde était en train de s'écrouler sous mes pieds. Que pouvais-je faire ? Où aller ? » se rappelle Chantal.
En novembre 2001, elle prend le bateau pour la Turquie. Là elle dort dans des voitures abandonnées, dans la rue et fait les poubelles.
« La langue était une énorme barrière qui m'empêchait de trouver du travail. Plus j'étais malheureuse, moins je trouvais en moi la force de réagir, » dit-elle. « C'est un véritable miracle que Marveille ait pu survivre à tout cela. »
Après huit mois passés à Istanbul - où elle est à nouveau victime d'un viol - Chantal prend conscience qu'elle doit trouver une solution et elle décide donc de repartir en Afrique.
« Un homme à qui j'ai parlé m'a dit que son bateau était prêt à partir pour le Gabon. Je l'ai supplié de nous laisser monter à bord mais il voulait de l'argent et je n'avais rien. »
Chantal et Marveille réussissent finalement à monter sur le bateau, mais après trois jours elles se retrouvent en pleine mer et en panne de moteur.
« Je ne savais pas où nous étions. J'ai vu soudainement des hélicoptères tournoyer au-dessus de nous et des bateaux avec à leur bord des gens essayant de nous sauver. »
Chantal est arrivée en Sicile par la côte sud de l'Italie en juillet 2002 et a reçu le statut de réfugié au début du mois de novembre 2003. Ironiquement, l'Italie n'était pas un pays qu'elle avait l'intention de visiter. Mais, après des années à la dérive, elle se sent enfin en sécurité et attend avec impatience de se reconstruire une vie meilleure, plus stable avec sa fille.
Par Laura Boldrini (UNHCR)