Journée internationale de la femme : Le HCR et Nike encouragent les jeunes réfugiées somaliennes à pratiquer le sport
Journée internationale de la femme : Le HCR et Nike encouragent les jeunes réfugiées somaliennes à pratiquer le sport
DADAAB, Kenya, 8 Mars (UNHCR) - Ce fut une lutte de longue haleine, mais l'UNHCR et l'entreprise Nike, son partenaire, ont mené à bien trois années de sensibilisation auprès des jeunes Somaliennes pour qu'elles pratiquent le sport, dans trois camps de réfugiés, au nord-est du Kenya.
Lorsque nos partenaires ont lancé leur campagne « Ensemble pour les filles » en juillet 2004, moins d'une centaine de filles pratiquaient un sport par rapport à plus de 5 000 garçons à Dadaab, un complexe de trois camps qui héberge quelque 170 000 réfugiés.
Aucune de ces jeunes filles n'appartenait à la communauté somalienne musulmane, qui représente plus de 98 pour cent de la population réfugiée de Dadaab. Aujourd'hui, plus de 270 jeunes réfugiées somaliennes font régulièrement du sport sur les terrains poussiéreux du camp - la plupart jouent au volley, d'autres au badminton, au handball, au netball ou au football.
Certaines vont prendre part à un tournoi spécial de volley organisé aujourd'hui dans le camp de Dagahaley à Dadaab pour célébrer la Journée internationale de la femme. Les travailleurs humanitaires affronteront une équipe de réfugiés des camps de Dagahaley et d'Ifo.
« Cette initiative pilote a pris du temps pour aider réellement les filles à sortir de chez elles et qu'elles puissent dire, 'regardez, nous pouvons aussi faire du sport' », a expliqué Nemia Temporal, responsable du bureau de l'UNHCR à Dadaab. La campagne concorde également avec l'un des principaux objectifs de la campagne commune UNHCR-Nike-Microsoft ninemillion.org, pour faire en sorte que les filles réfugiées soient plus impliquées dans des activités sportives.
Les organisateurs de cette initiative et les coordinateurs sportifs dans les camps ont toujours dû faire face à un obstacle majeur pour obtenir des résultats - la communauté réfugiée somalienne n'est pas encore très sûre que les filles devraient pratiquer des sports. Certains conservateurs musulmans font le lien entre le sport et la perte de valeurs morales, alors que des garçons du camp ont parfois jeté des pierres sur des jeunes Somaliennes qui rentraient chez elles après leurs activités sportives.
Elisabeth Mwiyeria est coordinatrice sportive dans le cadre de ce projet et travaille pour CARE, le partenaire de terrain de l'UNHCR. Elle dit que la principale opposition provient des parents et des responsables religieux. « Ils disent que les filles ne devraient pas pratiquer de sport en public et que les personnes ne devraient pas les voir lorsqu'elles jouent. Certains disent que lorsqu'elles jouent, elles deviennent plus fortes et je pense que les hommes n'aiment pas cela », dit Elisabeth Mwiyeria.
Mais certains des plus fervents opposants ont commencé à accepter cette initiative, comme Arfon Hussein, qui a pris en charge Zahra Hussein Aden après que les parents de la jeune fille aient été tués en Somalie lors de la guerre civile. Il y a deux ans, Arfon Hussein menaçait de chasser la jeune fille hors de la maison, après qu'elle soit rentrée tard, suite à son premier entraînement de volley.
« Je n'ai rien dit. Cette nuit-là, je suis juste allée me coucher sans dîner. J'ai prié Dieu », a expliqué la jeune fille de 17 ans. Ensuite elle a expliqué qu'elle avait été invitée par CARE et qu'il y avait seulement des filles, sa belle-mère s'est alors montrée très enthousiaste. Depuis, Zahra est devenue la capitaine de l'équipe de volley des jeunes filles réfugiées somaliennes dans le camp de Dagahaley.
Elle a encouragé d'autres jeunes filles à venir jouer. Elle a expliqué que ce n'était pas seulement sain, mais que c'était également une thérapie contre la routine monotone de la vie du camp. « Lorsque j'ai rejoint l'équipe de Dagahaley il y a deux ans, nous étions seulement deux Somaliennes à pratiquer un sport. Maintenant nous sommes 87 filles dans différentes équipes », a dit Zahra.
Une ancienne coéquipière, Ismahan, n'a pas été aussi chanceuse. Ses parents ont d'abord été heureux qu'elle ait rejoint l'équipe de volley, mais ils ont ensuite changé d'avis et lui ont dit de se concentrer sur ses études et l'entretien de la maison.
« Certains parents n'autorisent pas leurs filles à jouer. Nous avons dû aller voir chaque famille pour les convaincre que ce que font les filles n'est pas inhabituel. Le sport est pratiqué partout dans le monde », a expliqué Abshiro Aden Mohammed, qui fait partie de l'équipe féminine du comité sportif de Dagahaley.
« Le changement se fait progressivement et nous parviendrons à ce que la communauté soit familiarisée avec le sport », prédit-elle, tout en notant que beaucoup d'opposants ont changé d'avis après que tous les avantages leur aient été expliqués. Mais Abshiro et ses collègues devront encore convaincre des personnes comme Sheikh Mohammed Noor Abdi Hussein.
« En tant qu'individu, je n'encouragerais pas ma fille à faire du sport, mais pour la communauté, c'est une autre affaire. Je ne peux pas imposer mes vues. Je peux seulement servir de guide », a expliqué le chef tribal, qui exerce une réelle influence dans le camp d'Ifo à Dadaab en tant que kadi ou juge islamique. Le chef tribal a conseillé que, dans le cas où les filles devaient pratiquer des sports de plein air, elles devraient le faire dans une tenue appropriée, jouer dans des lieux clos et ne pas avoir de contact avec les garçons.
L'UNHCR et CARE ont beaucoup travaillé pour accéder à ces exigences. Les filles ont reçu des vêtements de sport particuliers, créés avec l'aide de Nike. Cet équipement sportif inclut un hijab pour couvrir leurs cheveux, une longue tunique et un pantalon large et long jusqu'à la cheville. Les aires de jeux ont été clôturées et des pancartes, portant la mention « réservé aux filles », seront accrochées.
Le projet « Ensemble pour les filles », qui a également été financé par l'Association japonaise pour l'UNHCR, prévoit d'inclure l'éducation physique dans les programmes des écoles des camps de Dadaab. Cela pourrait aider à gagner une plus large adhésion à l'idée du sport pour les filles parmi la communauté somalienne réfugiée.
Par Millicent Mutuli à Dadaab, Kenya