Madame Ogata plaide pour un engagement politique accru afin de résoudre les problèmes de réfugiés
Madame Ogata plaide pour un engagement politique accru afin de résoudre les problèmes de réfugiés
GENEVE, 27 mai (UNHCR) - La communauté internationale doit cesser de se servir de l'action humanitaire comme paravent de l'inaction politique. C'est l'avertissement lancé par Madame Sadako Ogata, ancienne dirigeante de l'UNHCR. Elle a souligné que l'engagement politique est crucial pour la prévention de crises telles que celle du génocide rwandais.
L'ancien Haut Commissaire a fait ces déclarations, vendredi à Genève, lors de la conférence-débat pour le lancement de son nouveau livre, « La décennie troublée : affronter les crises de réfugiés dans les années 90 » (éd. W.W. Norton and Company, 2005, disponible en anglais).
Le livre relate ses années passées à l'UNHCR, de 1991 à 2000. Il analyse des problématiques telles que la protection des réfugiés et l'aide humanitaire, la coordination du travail des organisations humanitaires, de l'OTAN et des autres groupes militaires, ainsi que le climat géopolitique global de ces crises. Il offre une vision critique des obstacles politiques, logistiques, bureaucratiques et financiers qui ont entravé et qui entravent encore l'aide humanitaire d'urgence.
« Il n'y a pas de solution humanitaire aux problèmes humanitaires », a déclaré Madame Ogata, en expliquant que pour beaucoup de crises qu'elle avait gérées à la tête de l'UNHCR, l'aide humanitaire n'avait pas été suffisante, car les problèmes étaient dus à des facteurs politiques.
« L'UNHCR est une agence en charge de la protection. Mais que peut bien vouloir dire la protection pendant des conflits, lorsque les Etats ne peuvent assurer celle de leurs citoyens », a-t-elle demandé, en décrivant l'expérience directe de l'UNHCR pour assurer la protection des réfugiés et des personnes déplacées, dans quatre régions conflictuelles des années 90 : l'Iraq, les Balkans, la région des Grands Lacs, l'Afrique et l'Afghanistan.
« L'UNHCR a eu un réel pouvoir qui a contraint les Etats à faire face à leurs responsabilités. L'agence est devenue un espace de défense des victimes en dépit des Etats ou même contre eux », a souligné Jean-Baptiste Richardier, le directeur général d'Handicap International, un partenaire de l'UNHCR, qui faisait partie des invités au débat.
Dans certaines situations d'insécurité totale, comme dans les Balkans, l'UNHCR a travaillé main dans la main avec des organisations militaires telles que l'OTAN. Cependant, pour Madame Ogata, l'intervention militaire dans des crises humanitaires doit rester la solution ultime. « Je préférerais voir plus d'efforts efficaces de prévention et de mobilisation politique. »
L'ambassadrice de Norvège, Madame Wegger Strommen, également présente pour la discussion, partage ce point de vue : « Il nous manque une structure politique pour soutenir la structure humanitaire. » Elle a ainsi déploré le manque d'institutions et de volonté politiques au niveau international.
Cette inertie a des conséquences désastreuses, comme la crise rwandaise de 1994 et la mort de quelque 800 000 personnes. « Je ne suis pas convaincue que le monde soit suffisamment attentif pour éviter un nouveau génocide », a regretté Madame Ogata, citant comme exemple le soutien limité fourni actuellement à la République démocratique du Congo.
Des défis restent également à relever dans des sociétés qui sortent de conflits, comme en Afghanistan : le travail de rapatriement et de réintégration de l'UNHCR a besoin du support de l'aide au développement à long terme.
Madame Ogata a noté que, lorsqu'elle était Haut Commissaire, elle avait régulièrement déploré le fossé existant entre l'aide d'urgence et l'aide au développement. Elle ajouta, avec humour, que, maintenant à la tête de l'Agence japonaise pour la coopération internationale, l'organisme responsable de l'aide au développement dans son pays, elle essayait de faire fi de cette séparation et de concilier ces deux éléments.
« L'UNHCR a réussi à dépasser cette séparation grâce à des partenariats en place, par exemple, au Mozambique, au Sri Lanka et en Amérique centrale », a ajouté Monsieur Richardier, d'Handicap International. « Il n'y a pas de cause plus noble que la protection des réfugiés et des personnes déplacées. Ce livre nous invite à en faire plus pour eux. »
En résumant son bilan à la tête de l'UNHCR, Madame Ogata a concédé : « Je ne pense pas que nous ayons réussi à résoudre le problème, mais nous avons fait bouger les choses. J'espère que l'UNHCR pourra continuer à être en première ligne de l'intervention humanitaire. »
Par Vivian Tan